La fraternité de Pythagore et sa
doctrine

L'Orphisme
se fondait sur la divinité de Dionysos et son mythe.
Contrairement à Orphée, qui était un romantique poète
mythique, Pythagore fut un personnage historique bien réel.
C'était un savant philosophe grec, ésotériste, thaumaturge
qui vécut au 6ème siècle avant J. C.. Né à Samos il mourut à
83 ans à Métaponte en Calabre lors d’une révolte populaire.
Pythagore était un personnage assez mystérieux qui n'écrivait rien, et sa
pensée n'était guère connue que par une tradition orale fort
confidentielle. (On lui rapporte cependant une description du
Monde en vers dite « Les Vers d’Or »). Sa pensée
nous est parvenue au travers de textes néo-pythagoriciens
des débuts de l’ère chrétienne, retranscrits par les néo-platoniciens.
Pour Pythagore, le principe du Monde, c’est le nombre. Se fondant
sur l’idée que le Cosmos obéit à des harmonies numériques, l’École
Pythagoricienne a cherché à percer les mystères existentiels par
l’étude des nombres et elle fut, par là même, à l’origine de la
musicologie. Pythagore était un philosophe mathématicien, ésotériste,
qui se voulait réformateur religieux et passait même pour
être magicien. Il aurait été initié vers l’âge de 18 ans et
faisant son apprentissage à Lesbos auprès d’un sage du
nom de Phérécyde de Syros, prédicateur et magicien, qui lui
aurait révélé que les âmes sont éternelles, et que l’Homme
a deux âmes, l’une terrestre, l’autre d’origine divine. Il
aurait beaucoup voyagé et rencontré des mages, des sages et
des philosophes, en Phénicie ou en Syrie. Il serait arrivé
en Egypte vers 547 avant J. C., résidant à Memphis et à
Thèbes, où il étudia l’astronomie, la géométrie, et
s’initia aux mystères égyptiens dans des écoles initiatiques
où il apprit notamment la doctrine de la Résurrection d’Osiris.
Pythagore se réfugia à Crotone en Sicile, lors de la conquête
perse de sa province d'origine, l'Ionie. Il y établit
sa doctrine sur la figure centrale d'Apollon, dieu
resplendissant du Soleil, des Arts et des Lettres.
Contrairement aux prudents et secrets Orphiques,
Pythagore eut rapidement dans la ville une activité
politique. Devenu célèbre, il y édicta rapidement des lois.
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Orphistes et Pythagoriciens au
soleil levant
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La communauté de Crotone (l'école de Pythagore) fut d'abord une
fraternité philosophique, religieuse et scientifique proche de
l’Orphisme. Elle devint ensuite un ordre initiatique recherchant
un pouvoir plus ou moins occulte. Ses 300 élèves
administrèrent correctement la cité, et leur gouvernement constitua,
dit Diogène Laërce, une véritable aristocratie. Pythagore se voulait
"philosophe", un mot qui couvrait, à l'époque, un champs de connaissance
bien plus large qu'aujourd'hui. Il enseignait que le principe des choses est
la "monade", (l'unité primordiale, divine source des
nombres). De la monade sortit la dyade, matière indéterminée
dont la monade, est le maître et la cause. De la monade parfaite
et de la dyade indéterminée sont venus les nombres. Des nombres
viennent les points, des points les lignes, des lignes les surfaces
et des surfaces les volumes. Des volumes proviennent tous les corps
perceptible composés de quatre éléments : l’eau, le feu, la terre
et l’air qui, assemblés de diverses façons, créent le Monde
lequel est animé, spirituel, sphérique, et porte en son milieu la
Terre, qui est ronde et habitée sur toute sa surface. Il y a donc
des Antipodes où tout ce qui chez nous est en bas, là-bas est en
haut. Il y a sur la terre de l’ombre et de la lumière, du froid et
du chaud, du sec et de l’humide. L’air terrestre est immobile et
insalubre, et tout ce qu’il baigne est mortel. L’air supérieur,
toujours en mouvement, est pur et sain, et tout ce qu’il baigne est
immortel, donc divin. Le soleil, la lune et les autres astres
sont des dieux, puisque en eux prédomine l’élément chaud, qui
est principe de vie. La lune tire sa lumière du soleil. Les hommes
sont proches des dieux, puisqu’ils ont part à l’élément chaud,
et c’est pourquoi les dieux s'intéressent à eux. Tout est soumis
au destin, qui est le principe ordonnant l’univers. Les rayons
du soleil traversent l’air et l’eau jusque dans les profondeurs de la terre
et ils y créent la vie. Tout être qui participe à la chaleur est
vivant, c’est pourquoi les plantes aussi sont vivantes. Cependant certains
êtres n’ont pas d'âme.
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Mnémosyme donnait aux
âmes l'oubli de la vie passée |
L’âme diffère de la vie. Parcelle d’un élément
immortel, elle est en soi immortelle. Les animaux
s’engendrent grâce au sperme qui est une goutte de
cervelle contenant une vapeur chaude. Dans la matrice, cette
goutte fournit la lymphe, l’humeur et le sang, d’où naissent les
nerfs, les chairs, les os, les cheveux et tout le corps. La vapeur
chaude produit l’âme et la sensation. Ce sperme forme un foetus en
quarante jours et, selon les lois de l’harmonie, en sept à dix
mois, l’enfant est achevé. Il a en lui toutes les raisons de vie
auxquelles il est lié selon les lois de l’harmonie. Pythagore
divise l’âme humaine en trois parties : la représentation, le
principe vital, et l’esprit. Les animaux ont la représentation et
le principe vital, seul l’homme a l’esprit. L’âme étend son principe
du coeur au cerveau. La partie résidant dans le coeur est le
principe vital, l’esprit et la représentation siègent dans
le cerveau. La partie intelligente de l’âme est immortelle, le
reste est périssable. L’âme se nourrit du sang, les
paroles sont des souffles de l’âme. Les liens de l’âme sont
les veines, les poumons et les nerfs. Hermès est l’intendant
des âmes des défunts. Il conduit les âmes pures vers
le plus haut des cieux, et les sépare des impures
que les Furies enchaînent par des liens indissolubles.
L’air est rempli d’âmes que l’on appelle démons et
héros qui envoient aux hommes les songes et les
signes de la maladie et de la santé, de même aux animaux.
C’est pour s'en préserver qu’existent les
purifications religieuses et les expiations. C’est l’âme qui a le
plus de pouvoir dans l'homme, en bien ou en mal. Les hommes sont
heureux quand ils ont une bonne âme, ils ne sont jamais en repos,
et leur vie est un perpétuel changement. La justice et la vertu
sont des harmonies, comme la santé, le bien total et la divinité.
Il faut adorer les dieux avec des paroles de respect, dans un vêtement
blanc et avec un corps pur. La pureté s’obtient par le moyen des
purifications, des ablutions, des aspersions, du fait de
n’avoir pas eu de contact avec un mort, avec une femme, ou
avec toute autre souillure, et de s’abstenir des viandes
d’animaux morts, de rougets, de mulets de mer, d’oeufs,
d’oiseaux nés d’oeufs, de fèves et de tout ce qu'interdisent
ceux qui ont la charge de célébrer les rites. |

Organic Cosmos |
Comme les adeptes d'Orphée,
Pythagore interdisait d’offrir
aux dieux des victimes sanglantes, et disait qu’on ne devait
faire ses dévotions qu’à un autel sur lequel le sang ne
coulait point. Il ne voulait pas que l’on prît les dieux à
témoin par serment, disant que l’on devait s’efforcer d’être
par soi-même digne de foi. Il fallait honorer les
vieillards, car ce qui vient dans le temps est plus digne
d’honneur que le reste, comme, dans le monde, le lever est
plus important que le coucher ; dans le temps, le début que
la fin ; et dans la vie, la naissance que la mort. De même
il fallait estimer davantage les dieux que les demi-dieux,
les demi-dieux que les hommes, et chez les hommes, les
parents plus que les autres. Il fallait être sociable, de
façon à ne pas faire de ses amis des ennemis et à se faire
un ami d’un ennemi. Il ne fallait rien croire à soi seul. Il
fallait venir en aide à la loi et lutter contre
l’illégalité. Il ne fallait faire de mal ni à un arbre qui
n’en fait point, ni à un animal qui ne nuit pas. La pudeur
et la piété consistent à ne pas rire avec excès et à ne pas
être sévère à l’excès. Il faut éviter d’être trop gras, ne
pas voyager trop ni trop peu, exercer sa mémoire, ne rien
dire ni faire par colère, il ne faut pas respecter toutes
les sortes de divination. Quant à la vie après la mort, on a
vu que l'orphisme défendait une forme de palingénésie (retour
systématique à une forme quelconque de vie). Le pythagorisme
croit plus précisément en la transmigration des âmes, c'est-à-dire
à la métempsycose d'une âme individuelle, ce qui est différent.
La théorie du corps-tombeau, qui dit que le corps (sôma)
est un tombeau (sêma) pour l'âme n'est pas orphique,
mais pythagoricienne.
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"La sagesse et la philosophie, disait
Pythagore, sont deux choses fort différentes. La sagesse
est la science réelle, la connaissance des choses immortelles,
éternelles, efficientes par elles-mêmes. Les êtres qui font que
participer de celles-ci ne sont appelés êtres qu'en corollaire de cette
participation, Ils sont matériels, corporels, sujets à
génération et à corruption. Ils ne sont pas formellement des
êtres, ne pouvant être ni bien connus, ni bien définis,
parce qu'ils sont momentanés dans leurs états et inachevés.
Il n'y a point de sagesse relative à eux. La science des
êtres réels entraîne nécessairement la science des êtres
équivoques. Celui qui travaille à acquérir la première,
s'appellera philosophe". |
"Le philosophe, disait-il encore, n'est pas
un sage, mais un ami de la sagesse. La Philosophie s'occupe
de la connaissance de tous les êtres dont les uns
s'observent toujours et partout, et les autres moins souvent
et certains seulement en des cas particuliers. Les premiers
sont l'objet de la science générale, la philosophie
première, les seconds sont l'objet des sciences
particulières. Celui qui sait résoudre tous les êtres en un
seul et même principe, et tirer de ce seul et unique
principe tout ce qui est, est le seul Sage véritable.
L'objectif de la philosophie est d'élever l'âme de la terre
vers le ciel, pour connaître Dieu, et lui ressembler. On
parvient à cette fin par la vérité, l'étude des êtres
éternels et immuables. Il faut cependant que l'âme soit
libérée et purifiée, qu'elle s'amende, qu'elle aspire aux
choses utiles et divines et que la jouissance lui en soit
accordée, qu'elle ne craigne pas la dissolution du corps,
que l'éclat des incorporels ne l'éblouisse pas, qu'elle n'en
détourne pas sa vue, qu'elle ne se laisse pas enchaîner par
les liens des passions, qu'elle lutte contre tout ce qui
tend à la ramener vers les choses corruptibles, et
qu'elle soit infatigable et immuable dans sa lutte. On
n'obtiendra ce degré de perfection que par la mort
philosophique, la cessation de la relation de l'âme avec le
corps, ce qui suppose que l'on se connaît soi-même, que l'on
est convaincu que l'esprit est emprisonné dans une demeure
qui lui est étrangère, que sa prison et lui sont des êtres
très distincts, qu'il est d'une nature tout à fait
différente, que l'on s'exerce à se recueillir, ou à séparer
son âme de son corps, à l'affranchir de ses affections et de
ses sensations, à l'élever au-dessus de la douleur, de
la colère, de la crainte, de la cupidité, des besoins, des
appétits, et à l'accoutumer tellement aux choses analogues
à sa nature, que l'âme agisse ainsi séparément du corps,
l'âme étant toute à son objet, et le corps agissant
d'un mouvement automatique et mécanique sans la
participation de l'âme, l'âme ne consentant ni ne se
refusant à aucun de ses impulsions vers les choses qui lui
sont propres. Cette mort philosophique n'est pas une
chimère. Les hommes habitués à une forte contemplation
l'éprouvent pendant des intervalles assez longs. Alors ils
ne sentent plus l'existence de leur corps et peuvent être
blessés sans s'en apercevoir. Ils ont profondément oublié
leur corps et tout ce qui l'environnait et l'aurait affecté
dans une autre situation. L'âme libérée par cet exercice
habituel existera en elle même. Elle s'élèvera vers Dieu,
elle sera toute à la contemplation des choses éternelles et
divines". |
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