Arts et Sciences, Hommes et Dieux - ( Mise à jour de juillet 2017 ) |
||||||||||||||||
|
||||||||||||||||
|
||||||||||||||||
Petit Manuel d’Humanité | ||||||||||||||||
|
Les Rayons ardents du Soleil.
Ô
Égypte, Égypte ! (Hermès Trismégiste - Asclépius - Apocalypse des Égyptiens.). |
La période Néolithique. Vers la fin de la glaciation de Würm, les hommes abandonnèrent progressivement ces cavernes quils avaient magnifiquement décorées. La période Néolithique commençait. Ils commencèrent à bâtir des villes dont nous retrouvons maintenant les ruines, parfois au cur de déserts qui étaient alors des prairies ou des forêts, au bord de fleuves et de lacs aujourdhui asséchés, au long de rivages maintenant submergés, au cur de plaines cultivées envahies par la brousse, ou recouvertes des sables du désert. Nous essayerons de retrouver les grandes lignes de cette histoire. Hélas, dès le début, cette aventure humaine est remplie de guerres, de conquêtes brutales, de douleur et de sang. On trouve ces récits héroïques ou terrifiants dans bien des livres. Ce nest pas à cela que nous allons nous intéresser. Nous regarderons la naissance progressive des civilisations, tout particulièrement de celles qui portaient un début de recherche du sens de lexistence, souvent au travers de lélaboration des mythes cosmogoniques et de la fondation des premières religions. Il nous faudra cependant préciser quelques données, parmi lesquelles celle de lévaluation de la variation de la population du Monde pendant la période considérée. Un certain consensus est actuellement établi autour de deux chiffres. On estime à dix millions environ le nombre des humains qui vivaient il y a dix mille ans. La planète était alors très peu peuplée. Au début de notre ère chrétienne, la population est estimée aux alentours de deux cent cinquante millions de personnes. Elle se serait donc accrue par un facteur vingt-cinq en huit mille ans. Pendant les vingt derniers siècles, la population du Globe a encore été multipliée par ce même facteur, et atteint six milliards dhommes. Il y a donc une formidable accélération de laccroissement du peuplement. Les historiens découpent lhistoire de laventure humaine en plusieurs périodes conventionnelles. Ils placent la période dite Préhistoire à la fin des glaciations, il y a dix à douze mille ans, et font commencer lAntiquité à la fin de cette Préhistoire, au 12ème siècle (avant JC). Ils considèrent quelle se termine à la fin du 4ème siècle, au début du moyen âge, avec la chute de lEmpire Romain occidental. Les données les plus anciennes, préhistoriques ou relatives à lAntiquité nous sont essentiellement fournies par les recherches des archéologues. On considère que larrivée des barbares (qui étaient souvent chrétiens ou en voie de christianisation), dans Rome, a mis fin en Occident à la dominance politico-culturelle latine, mais celle-ci a persisté encore très longtemps en Orient. En utilisant des repères ou des critères historiques trop précis, nous prendrions le risque denfermer lexposé dans un canevas conventionnel très rigide. Cela gênerait la mise en relation dévénements effectivement séparés dans le temps, ou lespace géographique, ou lenvironnement politique, mais dont les significations sont pourtant manifestement analogues au plan de lévolution de la recherche du sens de lexistence et dune nouvelle démarche humaine, métaphysique ou religieuse. Oublions donc pour un temps ces classifications académiques traditionnelles. Nous adopterons pour cette étude un canevas spatio-temporel très large et relativement flou, couvrant les dix derniers mille ans. |
LÂge dOr était probablement un mythe. Un monde très peu peuplé nest pas pour autant statique, ni pacifique. Souvenons-nous que les ressources alimentaires du temps étaient peu abondantes. Les famines étaient fréquentes. La quantité de biens fabriqués était également faible et leur possession était précieuse. Il ne faut cependant pas sous-estimer les capacités commerciales et industrieuses des peuples antiques. Ils ont su très tôt mettre en place des réseaux efficaces de commerce et déchange et des moyens relativement performants de production, de transport, et de paiement des biens. Mais la soif de pouvoir et la faim de possession gouvernaient déjà le comportement des hommes. Les guerres devinrent hélas rapidement fréquentes, et nous en trouvons la trace dans les récits héroïques et lexpression des mythes qui nous sont parvenus de la lointaine antiquité. Nous en retrouvons aussi parfois les témoignages matériels dans les antiques cités ruinées dont les fondations et les murailles ont été ensevelies sous la poussière des siècles, et que nous dégageons patiemment, pierre après pierre, pour tenter déclairer les débuts de cette histoire des peuples, qui est un peu la notre. Venant dAfrique, les vagues de peuplement humain couvrirent dabord lEurope, lAsie et la Malaisie, et même lAustralie, très tôt, il y a 50 000 ans, et assez mystérieusement malgré la coupure océane. Sy transformant, elles donnèrent naissance aux formes plus modernes, et gagnèrent plus tardivement lAmérique du Nord. La conséquence de cette dissémination, large et progressive, dans un territoire extrêmement étendu, fut de morceler finement la population du Globe et dy faire apparaître une mosaïque vraiment très complexe dethnies diverses, aux cultures et aux coutumes variées. |
Dans le noir, la magie musicale leur fermait déjà les yeux. Ces anciens étaient des hommes modernes, très proches de nous, qui souffraient seulement dun important déficit technologique et ne savaient pas encore très bien accumuler ni transmettre leur savoir, en particulier par lécriture. Ils pratiquaient des gestes magiques ou cultuels, et portaient déjà des concepts religieux véritables, souvent liés à la nature, et propageaient des mythes aux contenus cosmogoniques ou moraux. Nous les avons déjà rencontrés décorant le fond des cavernes. Quelques chercheurs pluridisciplinaires ont exposé en 1990 de nouveaux résultats de leurs recherches dans ces grottes. Ils ont tenté dinterpréter les empreintes docre laissées sur les roches par des groupes dindividus rassemblés en des points remarquables. Elles sembleraient montrer que les hommes de Cro-magnon utilisaient les propriétés de résonance acoustique et les phénomènes déchos spécifiques des couloirs de grottes pour y tenir des assemblées qui pratiquaient le chant et la musique. La découverte dinstruments de musique perfectionnés, tels des courtes flûtes à quatre trous, justes et précises sur deux régimes, à loctave, corrobore cette hypothèse. On en a trouvé une en assez bon état dans une grotte des Pyrénées, à Isturitz. Elle a été fabriquée, il y a vingt-cinq mille ans par un artisan, avec un os creux de cuisse de vautour. Cet homme était un facteur très compétent capable de concevoir un instrument doté de la même continuité mélodique que ceux daujourdhui. On peut imaginer lémotion et leffet que pouvaient produire les premières harmonies jouées par les premiers artistes néolithiques avec de tels instruments sonores, sur les auditeurs blottis dans lobscurité des sombres cavernes aux résonances mystérieuses. Dans le noir, la magie de la musique leur fermait déjà les yeux. Nous retrouvons les expressions communes de cette émotion artistique civilisatrice et de ses fondements métaphysiques et religieux dans tous les continents. Au fil des millénaires, ces concepts se sont différenciés progressivement. On constate, par exemple, que toutes les religions du Proche-Orient ancien ont des origines communes dont nous utilisons encore inconsciemment aujourdhui certains sous-produits dévolution. La civilisation qui naquit 4000 av.J.-C, de la Syrie à la Mésopotamie, nous en a laissé les preuves écrites sur largile durcie. Dautres peuples lavaient précédée, ou parfois côtoyée, qui ne possédaient pas cette écriture si précieuse, ou bien écrivaient de façon périssable, ou incompréhensible, ne nous laissant que des vestiges étranges de leur passagère existence. Il faut ici souligner une importante et durable difficulté de la recherche. Parce que nous ne comprenions plus leurs langages, ces mystérieux vestiges sont longtemps restés inexplicables et les peuples disparus eux-mêmes étaient parfois devenus énigmatiques ou légendaires. Lorsque certains langages ont enfin été déchiffrés, tout un monde inconnu et oublié est sorti du passé. Mais dautres signes, émis parfois sous nos pieds par dautres civilisations oubliées, comme celle des mégalithes, gardent encore tous leurs mystères. Et puis il faut bien faire la part des légendes héroïques qui amplifient parfois démesurément les actions dun grand personnage dont lexistence est historiquement incertaine. Cet effet de loupe est très courant dans les inscriptions funéraires des tombeaux royaux, et dans les récits dexploits guerriers. |
Les pasteurs auraient inventé le commerce et la guerre. Nous savons quaprès la fin de lère glaciaire, lévolution civilisatrice sest manifestée par lapparition de plusieurs phénomènes concomitants parmi lesquels linvention de lagriculture et de lélevage, avec la sélection des végétaux utiles comme les céréales, et la domestication despèces animales, les chevaux, les chiens, divers bovins, ovins ou caprins, oiseaux, etc.. Ces inventions sont anciennes. Les grains de blé retrouvés dans la grotte de Mazanderan auraient douze mille ans. Ils ont été datés par la méthode du carbone 14. Dautres hommes se sont orientés vers lexploitation du milieu marin. Les groupes humains se sont partiellement déterminés à partir des choix quils ont fait de lun ou lautre de ces nouveaux comportements, lesquels ont induit chez eux des modes de vie caractéristiques. Ceux qui ont choisi lagriculture sont devenus relativement sédentaires. Entre le défrichage des sols, les labours, les semailles, et les moissons, il était nécessaire de protéger longuement les champs des prédateurs, puis dattendre le produit des travaux. Les agriculteurs se sont donc installés sur les terrains quils cultivaient et y ont construit des abris permanents, des habitations souvent groupées. La surface de leurs terres était limitée par leur force physique et la médiocrité de leur outillage. Ils étaient donc relativement pacifiques, se bornant à défendre leurs biens. Les pasteurs auraient inventé le commerce et la guerre. Le comportement des pasteurs différait fortement de celui des cultivateurs. Leurs troupeaux épuisant rapidement les ressources des sols exploités, ils étaient constamment à la recherche de nouveaux pâturages dans lesquels ils sinstallaient par la force si nécessaire. Ils se comportaient en nomades et vivaient dans des campements provisoires. Ils menaient une existence vagabonde et aventureuse, ne pouvant accumuler ni nourriture conservable ni biens durables. Cela débouchait forcément sur des comportements déchange et de commerce, mais aussi sur des rapines occasionnelles, des besoins importants de conquête de territoires et des combats inévitables. |
LHomme a pris conscience de son pouvoir sur la nature. Bien évidemment, ce discours simplificateur est à relativiser. La culture de terres arides avec des semences peu productives procure des rendements assez faibles. Cette pratique nest donc pas exclusive dun certain nomadisme et de la conservation de comportements occasionnellement prédateurs. Ce quil faut prendre en compte, cest que lhumanité a franchi à cette époque un stade réellement très important de son évolution. LHomme a pris conscience alors quil pouvait modifier son environnement. A partir de cette conscience, il a adopté des comportements nouveaux et il a mis au point des outillages adaptés et des techniques qui lui ont permis de réaliser, dans la pratique quotidienne, ces transformations désirées et planifiées de son environnement et de ses habitudes de vie. Parmi les conséquences des changements induits par la mise en uvre des pouvoirs de maîtrise de la nature, nous avons identifié des événements très importants. Il faut porter laccent sur la rationalisation des appareils dhabitat et sur linvention de la poterie. Les premières habitations humaines étaient bâties en utilisant une technique très simple. Elles étaient petites, circulaires, et à demi enterrées. Cette forme est facile à réaliser en partant dun pieu central autour duquel on trace un cercle à laide dune corde ou dun bâton. Lintérieur est ensuite creusé. La terre est rejetée à lextérieur jusquà obtention de la hauteur totale désirée. Le toit est fait de peaux tendues sur une légère charpente de bois inclinée et appuyée sur le mat central. Ces trous gardent leurs caractéristiques typiques au travers des âges, même sils sont complètement comblés par des matériaux dapport. Les archéologues en ont trouvé les marques dans la plupart des sites habités dans la préhistoire qui en comprenaient généralement quelques-uns, plus ou moins groupés. On retrouvait encore ce modèle circulaire primitif mondialement répandu, chez des populations qui les utilisaient relativement récemment. Citons pour exemples les imitations que sont les yourtes sibériennes, les igloos esquimaux, les tipis indiens, ou les huttes africaines. |
Ainsi était lantique Jéricho au pays de Canaan. Les cités primitives ont dabord été des villages de ce genre. Sur ce modèle, elles se sont ensuite progressivement entourées de fossés profonds et de palissades de pieux qui sont devenues des murailles défensives. Larchitecture et les techniques ont évolué, le plan des édifices est devenu rectangulaire, la pierre et largile cuite ont remplacé la terre, les branches et les peaux danimaux. Les cités ont alors acquis leurs caractéristiques spécifiques, qui comprennent des murs denceinte autour des habitations, des citernes et des silos pour les vivants, des tombes pour les morts, un temple pour le dieu, et un palais pour le roi. En Mésopotamie, elles sont devenues ce qui a ensuite été appelé des Villes-États, ou des Cités-États. La vieille cité de Jéricho, Arikhâ, dans la vallée du Jourdain, en Cisjordanie, date probablement de neuf mille ans. Elle compte parmi les plus anciennes cités dont nous ayons retrouvé le site et les ruines. Les fouilles entreprises à partir de 1867 ont révélé quelle aurait été détruite bien longtemps avant que soit écrit le récit biblique de sa conquête au son des trompettes. Elle avait déjà disparu avant même que les tribus nomades qui devinrent plus tard le peuple hébreu ne commencent à fréquenter ces territoires, et naurait été relevée que mille ans av. .JC. Les terribles récits de massacres et de sacrifices humains associés à sa conquête pourraient être partiellement rodomontades guerrières ou paraboles édifiantes et symboliques à lusage des fidèles, fabulations plus tardives destinées à poser les racines de la fondation divine dune histoire qui nous est encore racontée comme suit. Jéricho - Ancien Testament par Louis Segond - Josué - 6. 1) Jéricho était fermée et barricadée devant les enfants dIsraël. Personne ne sortait, et personne nentrait. 2) LÉternel dit à Josué : Vois, je livre en tes mains Jéricho, et son roi et ses vaillants soldats... 20) Le peuple poussa des cris, et les prêtres sonnèrent des trompettes. Lorsque le peuple entendit le son des trompettes, il poussa un grand cri, et la muraille sécroula. Le peuple monta dans la ville, chacun devant soi. Ils semparèrent de la ville. 21) Et ils dévouèrent par interdit, au fil de l’épée, tout ce qui était dans la ville, hommes et femmes, enfants et vieillards, jusqu’aux bœufs, aux brebis, et aux ânes 24) Ils brûlèrent la ville et tout ce qui sy trouvait, seulement ils mirent dans la maison de lÉternel largent, lor, et tous les objets dairain et de fer... Cependant, si Jéricho na pas été détruite par les Hébreux, les archéologues ont pu vérifier la réalité de la destruction de Hazor, une autre importante cité cananéenne dont la Bible évoque également la conquête. Certains de ces sacrifices rituels ont donc eu réellement lieu. Cela entache la réputation de lÉternel des Hébreux. Parmi les plus anciennes cités primitives, on peut citer Ougarit, dans lactuelle Syrie, prés de Ras Shanra. Elle semble avoir été établie au Néolithique, puis sêtre développée de façon classique. Les fouilles entreprises en 1929 ont mis à jour au moins cinq niveaux superposés dont les plus élevés montrent des murailles et des fortifications, des temples dédiés à Dogon et à Baal, des palais et des tombes maçonnées. Comme beaucoup dautres dans cette région, la ville fut ruinée par un tremblement de terre au 14ème siècle av.JC. On pourrait aussi évoquer Byblos, (Gébal), en Phénicie, les antiques cités dÉgypte, ou la légendaire ville de Troie, (Ilion), redécouverte par Schliemann sur la parole dHomère, mais nous ne faisons pas ici un inventaire. |
Les hommes passèrent de la broche au chaudron. Essayons de situer cela dans le temps et lespace pour comprendre comment ces vieilles civilisations ont établi leurs racines. Il y a sept ou huit mille ans, partout dans le monde peu habité que nous avons décrit, cétait lépoque néolithique, lÂge de la pierre polie. En tous lieux, les traces qui en ont été retrouvées présentent des similitudes. Nous avons des habitudes intellectuelles qui appellent des façons de penser et des images conventionnelles. Intuitivement, nous plaquons sur lhistoire imaginaire de toutes les civilisations primitives un même schéma de développement, proche de celui que jai décrit précédemment. Il nous mène logiquement depuis le village aux habitations circulaires semi enterrées jusquaux cités fortifiées, antiques ou médiévales, puis aux gigantesques métropoles actuelles qui en sont la suite naturelle. Nous associons la présence du palais et du temple à lexistence dune société hiérarchisée pratiquant une religion. Cette conceptualisation nous semble normale, conforme à un modèle général qui serait représentatif dune progression typique assez uniforme de lhumanité. Reste à savoir si ces idées simples reflètent la réalité. Daprès les travaux des préhistoriens, la culture néolithique a diffusé dans le Monde à partir de plusieurs foyers. Le premier, bien reconnu, est le foyer mésopotamien, situé entre la Méditerranée et le Golfe persique. Les inventions nouvelles, la structuration de la société et les modifications comportementales quelles induisaient, ont progressé à la fois vers lEst et vers lOuest en laissant des ruines et des marques dans les sols. Pour les suivre à la trace, si lon peut dire, nous avons besoin de témoins qui aient résisté à lusure des siècles, et par chance, nous en avons un. Parmi les nouveaux outils adoptés par les néolithiques, lune des techniques les plus novatrices est sans doute lutilisation de la poterie cuite au feu. Sa forme et son décor sont caractéristiques de la population qui la fabrique. Les poteries sont très fragiles mais leurs fragments sont très durables. Une poterie cassée traverse les siècles sans réellement saltérer. Les morceaux des pots cassés vont donc nous servir de traceurs pour suivre la progression des civilisations à travers le temps et lespace. Lusage de la poterie transforme complètement lart de vivre des utilisateurs qui peuvent dorénavant faire bouillir les viandes au lieu de les rôtir, et faire cuire à leau les racines et les graines. Cela signifie quils accèdent à une plus grande quantité et une plus large variété de nourriture. Cest pourquoi la poterie est réellement un traceur durable, très valable pour suivre la progression civilisatrice. Les hommes passèrent de la broche au chaudron. Cette formulation un peu comique masque un événement tellement important que les Grecs lavaient inscrit dans leur rituel sacrificiel. Ils cuisaient les chairs des animaux sacrifiés dans un ordre immuable, le rôtissage des pièces offertes aux Dieux précédant la cuisson dans leau de la nourriture destinée aux hommes. Ce signe, allant du rôti au bouilli, rappelait que lhumanité, engagée sur la voie allant du mal au meilleur, avait rôti ses viandes avant de les bouillir. Le grand péché des Titans, qui mirent à mort Dionysos, fils de Zeus et de Perséphone dans le mythe des Orphites, fut le sacrilège commis en inversant le rite et en faisant bouillir le corps de la victime avant de le rôtir pour le dévorer. Linversion de la broche et du chaudron marquait la volonté de dénier la valeur sacramentelle des sacrifices animaux aux Dieux, ce qui leur amena, dit la légende, la fureur et la foudre de Zeus. |
Des hommes, des cailloux, des bâtons, et des pots. Toute lindustrie des hommes, disait un philosophe, consiste à façonner et assembler des cailloux, des bâtons et des pots. Cest encore très vrai aujourdhui quoique les façonnages et les assemblages soient beaucoup plus sophistiqués. En ramassant, comme le petit Poucet, les restes de ces assemblages de cailloux et surtout les morceaux de poteries semés derrière eux par les hommes, nous allons pouvoir suivre la piste, non pas du peuplement, mais du cheminement spatial et temporel de cette invention civilisatrice, à travers les continents, dans les populations déjà en place. Vers lEurope et vers lAsie, on peut distinguer plusieurs voies qui partent toutes du premier foyer, lorigine commune dont nous avons vu quelle était située sur la côte est de la Méditerranée, au voisinage de la Mésopotamie. Cela eut lieu 7600 ans avant JC.
Mais l'Égypte navait pas attendu les Mésopotamiens. Dans le même temps, cest à dire vers ~7600 avant JC, un autre foyer, également extrêmement ancien de la culture néolithique, était apparu dans le centre du Sahara. En 1965, on a trouvé des fragments de poterie de plus de 9000 ans dans le massif montagneux de lAhaggar. De nombreux autres sites, explorés ensuite, dans lAcacus ou le Tassili, ont confirmé lancienneté de cette culture saharienne préhistorique établie sur une superficie comparable à celle de la France actuelle. Dans ces lieux, comme dans le Proche Orient, les hommes ont franchi un stade important de leur évolution en prenant conscience quils avaient le pouvoir de modifier leur environnement. Ils ont adopté des comportements nouveaux et mis au point des techniques précises qui ont transformé leurs habitudes. Parmi celles-ci, nous trouvons un art rupestre particulier démontrant lexistence de pratiques agricoles et délevage, et de nombreux restes de poteries y compris des grands récipients. Le Sahara central était alors beaucoup moins aride quà présent. Une phase humide sy était installée onze mille ans avant JC, et elle a persisté pendant 8500 ans avec une brève période très aride vers lan ~5000. Le climat a même été froid et très pluvieux pendant plus de 1500 ans, à partir de lan ~7000, générant de nombreux lacs et marais. Dans les zones montagneuses, les premiers habitats néolithiques sétablissaient souvent en abris sous roche. Construits en appui sur les parois rocheuses, ils avaient une forme semi-circulaire marquée par des demi-cercles de grosses pierres sur lesquelles sappuyaient les branchages supportant les peaux de clôture ou de couverture. Ailleurs, les huttes étaient classiquement circulaires. Comme en Europe, les sépultures étaient soignées. Elles renfermaient des corps enduits docre ou de kaolin, parfois placés dans des vanneries. Les ethnies semblaient diverses. Contrairement à lart des grottes ornées européennes, lart rupestre saharien présente la particularité de représenter des scènes assez explicites faisant largement place aux représentations humaines. Ces peintures nous apportent donc de précieux témoignages concernant les activités de ces populations. Dans le Tassili, on trouve des scènes évoquant la plantation de végétaux. Dautres peintures stylisées, très élégantes, montrent des danseurs en action. On trouve aussi des représentations de bergers conduisant des troupeaux dovins, de caprins, de bovins, parmi lesquelles on peut évoquer une très belle scène montrant un troupeau dune trentaine de vaches de couleurs variées. Il faut aussi signaler les peintures dites des Têtes rondes, avec des animaux locaux, antilopes, mouflons, girafes, éléphants, et des représentations de personnages fantastiques aux allures dextra-terrestres. Avec le retour de la sécheresse et du climat aride, les populations sahariennes sen sont allées et leurs traces se sont perdues dans les sables du désert. On a pu cependant suivre lexpansion de leur culture dans quatre directions principales.
En suivant les traces de la propagation des techniques nouvelles telles lagriculture, lélevage, ou la poterie, et des changements comportementaux correspondants, comme labandon progressif du nomadisme, la modification des modes dhabitat, nous avons finalement identifié au moins deux vagues distinctes et parallèles, (Mais il y en a dautres), qui se sont étendues progressivement chez les anciennes populations en modifiant profondément leurs modes de vie. Lune est partie de Mésopotamie vers lEurope et lAsie, lautre a rayonné à partir du centre du Sahara. |
Après la poterie, lHomme inventa le bronze. Les choses ont continué à changer de façon analogue. Notre civilisation européenne actuelle est le résultat dun long développement issu de linfluence de vagues civilisatrices successives se propageant par les mêmes chemins, souvent à partir des mêmes sources. Au départ, avant lan ~3000, les historiens et les archéologues nont guère identifié que deux ou trois populations qui entraient alors dans lâge du bronze, et qui étaient donc capables de réaliser des alliages de plusieurs métaux, cuivre, étain, et zinc. Comme la poterie, cette invention technique nouvelle constitue un excellent marqueur de lavancement dans lévolution dune population. Il y a une grande différence entre lusage du cuivre et celui du bronze. Comme lor, le cuivre se trouve occasionnellement à létat de pépites dans la nature. Il est présent dans des minerais natifs dont on peut lextraire par une opération simple de grillage, laquelle est un chauffage moyen, au rouge. Cest un matériau ductile qui mis en uvre par un façonnage facile, souvent réduit à un simple martelage. La fabrication du bronze est plus complexe. Elle nécessite la fusion des différents constituants et implique donc un niveau plus élevé de technicité. Il faut avoir mis au point des creusets, des fours, et des moules, fondre complètement les composants, et maîtriser la composition des alliages et leur métallurgie. Le bronze nest pas très ductile. Cest un matériau dur qui résiste bien aux efforts mais qui est cassant. Le martelage ne convient donc plus pour la fabrication des objets. Il faut aussi savoir trouver, extraire et traiter les minerais correspondants, ce qui implique des travaux miniers conséquents, une connaissance géologique assez avancée, et la capacité datteindre des températures assez élevées. Toutes ces techniques supposent également une forme de transmission du savoir et une sorte décole de formation des travailleurs. Des technologies différentes sont également de bons marqueurs, parmi lesquelles on peut citer la métallurgie du fer, opération complexe qui réclame des températures élevées nécessitant le soufflage des fours, la fabrication du verre et des émaux, le tissage, etc..
D’autres civilisations se sont manifestées d’une autre façon. Rappelons ici brièvement les nombreux monuments de pierres brutes, levés ou menhirs, assemblés en tables ou dolmens. Ils datent également d’environ cinq mille ans et gardent tous leurs mystères. Ils sont l’œuvre de populations nombreuses et organisées, disposant de circuits commerciaux, produisant en série des poteries et des objets de pierre polie, de bronze, et même de fer. Aucun écrit ne nous est en parvenu, et ces civilisations sont entrées dans l’oubli qui avait emporté celle de Mésopotamie et celle d'Égypte avant le déchiffrement de leurs écritures. |
Cette très vieille Égypte. Pour linstant, nous allons nous intéresser à quelques aspects, (hélas trop restreints), de cette très vieille Égypte, dont les temples ruinés sont restés si longtemps oubliés, enfouis sous les sables. Il y a plusieurs histoires de l'Égypte Il faut distinguer celles qu’ont contées les Grecs et les Romains, et celles des philosophes, des théologiens, ou des romantiques. Nous allons nous pencher sur celle qui a surgi du passé après que l’on ait compris ses hiéroglyphes et commencé à exhumer ses sarcophages et à interroger ses témoins très souvent gigantesques. L'Égypte est née du Nil, dans le cours inférieur, les mille derniers kilomètres du plus long fleuve du Monde, puisquil en mesure environ six mille sept cents. Ce nom Égypte est un mot grec tardif. Les anciens habitants appelaient leurs pays le Pays Noir, le Kemt, tandis que ses voisins nomades le nommaient Misraïm. Au sud immédiat du Kemp se situaient la Nubie, (ancienne Éthiopie, Méroé), la région dite de Kouch, et le pays des esprits. (Soudan). Dans la préhistoire, le pays était occupé par différentes peuplades organisées en royaumes distincts réglés par des systèmes totémiques, ce qui explique peut-être laspect souvent zoomorphe des dieux égyptiens. Au Nord, on trouvait le peuple du Cobra, autour de la ville de Bouto, et le peuple de lAbeille, autour de la ville de Saïs. Plus au Sud, vivait le peuple du Roseau, prés de la ville dHenen-Nesout, (Héracléopolis), et celui du Faucon, avec les villes de Nekhen, (Hiéraconpolis), Louxor, et Thinis. Tous ces peuples saffrontèrent jusquà ce quun roi du Sud, le légendaire Meni, ou Menès, (ou Aha le combattant), originaire de Thinis, soumette par les armes l’ensemble de l'Égypte, et en devienne le premier Roi en lan ~3407 av.JC. Il fonda alors la première dynastie et la ville de Mennofer, (Memphis), dans le bas du delta. |
Tant et tant de dieux. L’histoire de l'Égypte est véritablement très longue puisque, pendant ces trois mille quatre cents ans, trente dynasties comptant de nombreux pharaons prendront la tête du pays jusquà la mort de Cléopâtre, en lan ~30 av.JC, pendant la conquête romaine. Beaucoup d’événements se sont produits, invasions et conquêtes, tyrannies et révolutions, à tel point qu‘il a fallu doubler l’espace consacré à l'Égypte dans notre annexe historique. La constante en est cependant lémergence dune foi en la survie de lâme. On ne peut dailleurs pas comprendre le système politique et le panthéon religieux égyptien si lon ne prend pas en compte la complexité de ses origines et les guerres de religions qui ont précédé son unification. En effet, chacun des peuples avait ses propres traditions, ses légitimités hiérarchiques, ses dieux locaux et ses systèmes théogoniques originels particuliers, qui se combinaient avec les dieux des autres. Cest très compliqué et très surprenant. En Basse Égypte, la principale ville est Héliopolis. Dans cette Cité du Soleil, on adore la Trinité Solaire.
Atoum, Dieu créateur,
à la fois Totalité et Néant, Soleil du Soir. On révère aussi les divinités élémentaires.
Chou, lAir,
Tefnout, lhumidité. Dans le delta du Nil, dautres divinités sont identifiées.
Osiris, Dieu de
la fécondité, Mort et ressuscité, Juge des morts. Dans la région des pyramides, vers Memphis.
Ptah, Dieu créateur,
artisan du Monde. En Moyenne Égypte, il y a dautres divinités. Autour dHermopolis, Thôt, dieu de lécriture, de lintellect, et conducteur des morts. Autour de Tell El-Armana. Aton, le disque solaire, seigneur du cosmos. En Haute Égypte, région de Thèbes, Karnak, Louksor, on a un panthéon complémentaire.
Amon, dorigine
thébaine, devenu le Dieu Universel. Il faut ajouter des divinités fondamentales dorigine indéterminée.
Maât, lÉquilibre,
lOrdre divin, lOrdonnateur universel.
|
A lorigine, le Monde était informe et vide ! Létude de la cosmogonie égyptienne nous réserve également quelques surprises et va nous permettre des rapprochements remarquables tant avec les idées de la cosmo physique quavec des concepts métaphysiques ou religieux antiques et modernes. A lorigine, le Monde était informe et vide. On y trouvait Noun, locéan primordial des possibles, le chaos primordial essentiel, le lieu de toutes les potentialités. De Noun procéda Atoum, le premier dieu primordial. Créateur issu du néant chaotique auquel il retourne, il est à la fois la totalité de lêtre et le non-être. Il est Tout en ce sens quil nest rien en particulier. A partir dAtoum vont naître toutes les forces naturelles et tous les autres dieux. Créateur, démiurge, architecte de lUnivers, il est un dieu solaire. Il se manifeste aux hommes sous les trois formes associées au Soleil, Ré - Atoum - Khepri, et visualise quotidiennement la grande loi universelle. Monter, briller , descendre. Chaque jour la barque du Soleil parcourt les cieux, et chaque soir celle dAtoum, soleil moribond, senfonce dans locéan des eaux primordiales, dans labîme du chaos originel dont il est issu quil traverse, et dont il renaît à laurore sous la forme de Khepri, soleil de matin revivifié et recréé, symbolisé par un scarabée, avant de monter au Zénith et dy flamboyer, en tant que Ré dieu créateur et soleil vivifiant du midi. Ce sont les symboles du destin humain. On trouve là tout à la fois le concept scientifique moderne du vide originel énergisé doù notre univers émergea un jour par une transmutation mystérieuse, les concepts antiques dun Dieu primordial omnipotent qui a créé le Monde à partir du Chaos et qui sy manifeste en Trinité, et lidée tellement importante de la résurrection et de la vie éternelle qui constitue lapport majeur de la pensée égyptienne à lhumanité. Au commencement, par sa volonté et sa propre génitalité, Atoum suscita deux élémentals primordiaux, Chou, lAir, (de genre masculin), et Tefnout, lEau, lhumidité, (de genre féminin), qui se tiennent dans le cosmos. A leur tour, Chou et Teftout engendrèrent, (et non plus suscitèrent), le couple terrestre primordial, Geb, le sol, (de genre masculin), et Nout, le ciel des origines et, plus tard, la voûte céleste étoilée, (de genre féminin). Geb et Nout se tenaient toujours étroitement embrassés. Le Soleil créateur, Ré, ordonna quils soient séparés. Chou, lAir, se glissa entre le sol et le ciel, et il éleva Nout qui depuis lors se tient courbée en arc au-dessus de la terre, en formant dorénavant de son corps la voûte étoilée du ciel. Cependant, la séparation de Geb et de Nout n’interrompit pas leur étreinte. De leur union naquirent quatre enfants jumeaux qui formèrent ensuite deux couples, Osiris et Isis, Seth et Nephtys, dont l’histoire mythique fonde les cultes et tous les rites de l'Égypte Ici aussi il y a quelques remarques à faire. Il convient de noter la convention particulière qui donne le genre masculin à la terre et le genre féminin au ciel. Cela renverse les formes de représentation auxquelles nous sommes habitués. Les mythes antiques placent généralement au firmament un géniteur mâle fécondant une terre femelle aux caractères maternels évidents. La cosmogonie de lénnéade hiéliopolitaine, que nous examinons ici, distribue différemment et subtilement les deux rôles. Dans liconographie égyptienne, Nout, le ciel étoilé, est souvent immense, courbée en arc, pieds et mains touchant la terre, comme la représente son hiéroglyphe. La subtilité du mythe égyptien consiste à donner à Geb, le mâle géniteur, actif par nature, ici cependant couché, un rôle passif dans la génération du Monde, tout en réservant à Nout, la mère au ventre piqué détoiles, essentiellement passive par nature, ici courbée au-dessus de Geb, un rôle réellement actif dans lincitation et la production de sa propre fécondation. On pense aux combinaisons chinoises du Ying et du Yang, ou à une formulation précoce des aspects complémentaires de la psyché humaine, lanima et lanimus. Le mythe porte en lui la justification des coutumes égyptiennes dunion incestueuses des pharaons, frères et surs, puisquils incarnent Horus, fils dOsiris et dIsis, et sont porteurs légitimes de la filiation divine. On trouvera aussi, ci-dessous, les idées relatives à lantagonisme des forces créatrices et destructrices entraînant la variabilité du Monde et sa destruction finalement inexorable. Voilà, aux yeux des anciens Égyptiens, comment le Monde antique est issu du chaos primordial, comme le Cosmos moderne est issu du vide énergétique, et comment les forces naturelles, ou les dieux, ont commencé à le créer et à lorganiser. Ce Monde est en équilibre quand il se conforme aux prescriptions de Maât, lOrdre Divin, auquel lobéissance est due. Cet équilibre est toujours précaire et temporaire. La création actuelle est incertaine et changeante car elle na pas épuisé les potentialités de lOcéan illimité des possibles, et lOrdre divin reste toujours menacé par son éternel ennemi le Désordre, lindestructible Noun, le Chaos originel. |
Les Égyptiens croyaient plus en la survie quà limmortalité. Après le mythe solaire, voici celui dOsiris. Fils de Geb, (le sol terrestre), et de Nout, (la voûte céleste), Osiris, Dieu de la fécondité, devint le roi légitime de l'Égypte, le pharaon fondateur. Après avoir proscrit lanthropophagie, il enseigna aux hommes les techniques de lagriculture et de lélevage. Il fonda les premières villes. Il bâtit les premiers temples aux dieux et instaura leur culte. Il donna au peuple égyptien ses lois et le soumis à lordre divin universel, (manifesté dans la divinité Maât). Osiris, pharaon de droit divin, étant un dieu ne pouvait épouser qu’une déesse. Il épousa donc sa sœur Isis, l’épouse magicienne et la mère des tous les vivants. A sa suite, ses descendants, les pharaons, incarnations divines de son fils Horus, épousèrent donc leurs sœurs. Le pouvoir du Pharaon, Dieu incarné, était absolu. Toute l'Égypte lui appartenait, y compris ses habitants qui ne détenaient que les usufruits consentis. Tous les hommes étaient ses serfs et toutes les femmes étaient potentiellement ses épouses. Seth, le frère jumeau d’Osiris, était stérile. Dieu maléfique de la pluie et du désert, il jalousait la royauté civilisatrice d’Osiris et voulait le punir d’avoir donné à leur commune jumelle Nephtys, sa propre épouse, un fils divin, Anubis. Seth tendit un piège, fit allonger Osiris dans un coffre qu’il referma, le faisant mourir d’asphyxie. Le coffre fût jeté dans le Nil, retrouvé et caché par Isis, et finalement repris par Seth qui démembra le corps et en fit quatorze morceaux qu’il dispersa dans toute l'Égypte Isis et sa sur Néphry les recherchèrent et les retrouvèrent un à un, (sauf le phallus qui, avalé par un poisson, dût être refait en bois). Isis reconstitua le corps mort dOsiris et lenveloppa de bandelettes. Anubis, sur lordre de Ré, pratiqua alors le premier rite de lembaumement et Isis la magicienne, battant des ailes au-dessus de son époux, le ramena à la vie. Elle sunit à lui et donna plus tard naissance au premier successeur dOsiris Pharaon, Horus, celui qui sincarnera dans les futurs pharaons. Osiris, privé de son phallus, perdit sa royauté mais gagna limmortalité divine. Ressuscité, il va devenir le roi des royaumes des morts et leur juge. De son coté, Seth fut vaincu par Horus qui perdit un il dans la bataille. Seth, castré et réduit à limpuissance, demandera son pardon et deviendra le batelier de la barque solaire de Ré, à lavant de laquelle il repousse éternellement les tentations mortelles proposées par Apophis, le Serpent, le Chaos primordial. |
Osiris, Dieu, fils de Dieu, sacrifié, mort et ressuscité. Image terrestre de la mort et de la résurrection quotidienne du Soleil, par sa passion et sa résurrection, Osiris est devenu le témoin et le gage de la résurrection et de limmortalité de lhomme. Il faut insister sur limportance primordiale du rite de lembaumement institué par Anubis. Cest ce seul rite qui garantit la survie et laccès au royaume des morts, en assurant la conservation du véhicule corporel à travers les vicissitudes du temps. A lorigine, elle était le privilège des pharaons, qui seuls survivaient. Sa démocratisation ne se fit que très lentement, à travers un certain nombre de grands désordres et de révolutions. Nous nallons pas explorer les nombreux autres mythes égyptiens. Bien des célébrités y ont consacré leurs vies sans en épuiser la matière. Quelques aspects méritent dêtre évoqués. Ils ont marqué les civilisations ultérieures. Penchons-nous donc un instant sur la façon dont les Égyptiens se reliaient eux-mêmes au cosmos, afin dessayer de comprendre comment ils concevaient lhomme et son origine, en relation avec leur cosmogonie. Comme tous les autres êtres vivants, les hommes sont modelés sur le tour du potier divin, le Dieu Khnoum. Il nest pas une créature dexception dans lunivers des vivants, où il se tient parmi les dieux et les bêtes, mais sa nature complexe et consciente lui permet de se représenter les êtres et les choses. Cela lui confère sur eux un pouvoir magique quil exerce par des rites. Le pharaon est le seul officiant possible puisquil réalise en sa personne lincarnation de la nature divine dans la forme humaine. Pour définir lêtre humain, les Égyptiens prenaient en compte de nombreux aspects de la personnalité. Il nest pas facile de préciser lesquels. La bipolarisation simple corps âme, à laquelle nous sommes traditionnellement habitués, ne convient pas, non plus que la division ésotérique ternaire corps âme esprit. Les notions égyptiennes définissant lindividualité sont beaucoup plus subtiles.
Pour assurer la survie au-delà de la mort, il était nécessaire de préserver tous les éléments constitutifs de la personnalité, parmi lesquels la sauvegarde du corps tenait un rôle de premier plan. Lembaumement des cadavres était une opération très importante car la survie dépendait de la ressemblance et de létat de conservation des corps. La préparation de la momie demandait environ trois mois, à la suite desquels les funérailles officielles étaient célébrées. La momie était placée dans un ou plusieurs sarcophages fabriqués à sa ressemblance, et elle ne devait plus jamais en sortir. Elle était ensuite déposée dans un tombeau sûr, garni de tous les éléments nécessaires à la vie ordinaire, y compris les 365 statuettes des serviteurs, les répondants, qui assumaient les travaux et répondaient aux éventuelles demandes. Alors le long voyage des morts vers lAmenti, le pays des ombres, pouvait commencer. Le tribunal des morts était présidé par Osiris assisté de quarante-deux juges à corps dhommes et têtes danimaux. Le tribunal procédait à linterrogatoire puis à la pesée du cur devant les Maîtres de Justice, Horus et Anubis. Si lâme répondait correctement aux questions rituelles, et si son cur était assez léger, elle était admise au Paradis, parfois dans la barque solaire partageant sa course autour du Monde. Si elle était jugée coupable, elle descendait dans lEnfer égyptien, obscur lieu de terribles châtiments et de multiples supplices, antique annonciateur de lenfer de soufre et de feu des Chrétiens. |
Sur les autels Égypte, il y avait des animaux vivants. Dans son Panthéon Égyptien, Champollion explique lhabitude quavaient les Égyptiens de représenter leurs dieux par des animaux, (ce qui scandalisait énormément leurs visiteurs). Daprès Clément dAlexandrie, dit Champollion, les temples égyptiens, leurs portiques et les vestibules sont magnifiquement décorés... Mais si vous avancez dans le fond du temple et que vous cherchiez la statue du dieu auquel il est consacré, un pastophore ou quelque autre employé savance dun air grave en chantant un paean en langue égyptienne, et soulève un peu le voile comme pour vous montrer le Dieu. Que voyez-vous alors ? Un chat, un crocodile, un serpent indigène ou quelque animal de ce genre ! Le Dieu des Égyptiens parait. Cest une bête sauvage se vautrant sur un tapis de pourpre! Cette habitude, nous dit Champollion, paraissait aux yeux des Égyptiens, une chose bien simple et bien naturelle. Ils pensaient qu’il était contraire au bon sens et à la religion d’adresser des prières et des offrandes à une image purement matérielle de la divinité, et de la représenter dans le sanctuaire par un être complètement privé de son souffle créateur. C’est pour cela qu’ils choisirent des êtres vivants dont les qualités distinctives rappelaient indirectement celles que l’on adorait dans la divinité même Chaque dieu eut son animal sacré, qui devint ainsi son image visible dans tous les temples d'Égypte Dans cet esprit, les dieux peuvent être représentés de différentes façons. Lorsquils sont simplement anthropomorphes, ils portent en complément les attributs de leur divinité et le symbole qui leur est associé. Cest ainsi quAmon, ou Amon-Ra, est représenté par un personnage bleu avec une barbe mâle noire. Il est assis sur un trône et tient dans sa main gauche un sceptre à tête doiseau symbolisant la bienfaisance, et dans sa main droite la croix ansée, symbole de la vie divine. Il est coiffé de la haute coiffure royale multicolore et porte un riche pectoral et des bijoux variés. Les dieux sont aussi représentés par des personnages dotés dun corps humain et de la tête de lanimal qui leur est associé. Amon-Ra est alors doté dune tête de bélier, (ou de plusieurs, jusquà six), et dun disque solaire, les autres attributs restant inchangés. Le bélier était considéré comme un animal fort remarquable. Il était lanimal sacré de Thèbes où lon trouve dimmenses allées bordées de sculptures monolithiques de béliers, Comme chef et conducteur de troupeau il devint le symbole de la prééminence et, pour cela, fut utilisé comme élément premier du Zodiaque. Nous avons aussi vu que le bélier vivant pouvait aussi figurer le Dieu au plus secret des temples. Rappelons que cétait le ba des dieux qui descendait dans les animaux sacrés vivants des autels. A part le bélier dAmon, les symboles animaux les plus connus sont les suivants. Le Cobra est un symbole du Dieu solaire Atoum, le Chat est la Déesse Bastet, bon génie domestique, tandis que la Chatte, (ou la Lionne), est Tefnou, déesse de Nubie. Le Chacal ou Chien noir représente Anubis lembaumeur, le Babouin est Hapi, génie funéraire, fils dHorus, le Faucon surmonté du disque solaire, cest Ré le Soleil. Loiseau coiffé du Pschent est Horus, le Crocodile est Sebek, allié du maléfique Seth, lIbis, (ou plus tardivement le Babouin), est Thot, identifié à Hermès, lHippopotame femelle symbolise Thoueris, la déesse de la fécondité, lOie figue Geb, le Sol ou la Terre, le Vautour représente Isis à la recherche dOsiris, et le Taureau est Apis ou Phré, selon la couleur du disque posé entre ses cornes. Le culte d’Apis était l’un des plus anciens de Égypte pharaonique. Les dépouilles des taureaux qui le personnifiaient sur lautel étaient momifiées et déposées dans dénormes sarcophages réunis dans une étonnante nécropole souterraine particulière, le Serapeum de Saqqarah. |
Les Égyptiens utilisaient sept cents hiéroglyphes. Nous allons revenir un moment sur les autres expressions du génie égyptien afin de mesurer limportance énorme des legs que cette civilisation nous préparait alors même quelle sengageait dans la voie qui devait la mener à loubli millénaire. Parlons donc un peu de lécriture, de lart, des découvertes et des techniques des Égyptiens Très loin dans la préhistoire, ces peuples ont utilisé la sculpture, le dessin, la peinture, et inventé les hiéroglyphes, une forme particulière décriture qui est restée très longtemps mystérieuse dont la signification avait été perdue. Les nombreux hiéroglyphes étaient des signes scripturaux qui avaient une double valeur dusage. Ils pouvaient être des idéogrammes, des dessins représentant un objet concret, ou bien des phonogrammes, des dessins évoquant phonétiquement une partie dun mot désignant une idée abstraite ou un objet concret, les déterminatifs. Les deux sont souvent combinés pour le renforcer un même message. Ultérieurement, les signes phonétiques furent réduits à vingt-quatre et constituèrent un véritable alphabet. Après l’expédition de Bonaparte, leur déchiffrement par Champollion à partir de 1822 a fait sortir l'Égypte de loubli millénaire. Les réalisations de lart égyptien constituent certainement la source la plus importante des témoignages concernant cette civilisation. Il faudrait distinguer les objets époque par époque, ce qui prendrait tout un traité. Évoquons les poteries qui ont plus tardivement été couvertes démail, ce qui conduisit à la découverte du verre. Il y avait aussi des objets de pierre, des grands vases et des coupes dune grande perfection, en granite aussi bien quen albâtre, des accessoires de toilette et de maquillage, palettes à fards, peignes, épingles, pendentifs divoire ou dos, des bijoux et ornements de cuivre et dor ornés de perles et de pierres fines, et des meubles en bois et en métal, lits, chaises, fauteuils, tabourets, coffres, et quelques rares tables. Les réalisations les plus spectaculaires sont aussi celles qui nous sont les plus familières. Elles sont les produits de larchitecture, et concernent les temples, solaires ou divins, les pyramides, les tombeaux des rois et des notables, les riches villas, les habitations privées, citadines et rurales, et les pauvres cités ouvrières. Larchitecture égyptienne comporte des éléments particuliers qui établissent son caractère propre, tels les colonnes dont les chapiteaux imitent la fleur de papyrus, la gorge dite égyptienne, les frises en forme de roseaux, les terrasses de pierres plates, les plafonds supportés par des voûtes parfois en arc brisé, et les décorations en ronde-bosse. A lextérieur, on notera les stèles, les obélisques, les allées bordées dalignements de statues animales, souvent de sphinx. Pour la décoration des temples et des tombeaux, les Égyptiens ont utilisé la sculpture, essentiellement en bas relief, et la peinture de scènes polychromes souvent associées à des hiéroglyphes explicatifs. |
Lart égyptien est utilitaire, anonyme et collectif. Comme larchitecture, la statuaire et la peinture présentent des traits remarquables caractéristiques de cet art. Nous ne pouvons prendre connaissance que de leurs caractères généraux. Au premier abord, quoique très majestueuses, les statues peuvent nous sembler statiques. Nous sommes habitués à une statuaire scénique, qui évoque un événement connu ou les actions dun personnage célèbre, en mouvement. Il faut prendre en compte la culture différente dans laquelle sinscrit la réalisation. La statuaire égyptienne est présentative, en ce sens quelle représente de face des personnages au repos, des rois majestueux ou des dieux surhumains dans une position de domination appelant des hommages. Les artistes ont été contraints de se plier à une sorte de normalisation, (que nous appelons traditionnellement la loi de frontalité), qui ne leur laissait que peu de latitude de choix parmi les poses réputées acceptables pour les statues officielles. De plus, les statues sinscrivaient dans une conception architecturale globale dont elles devaient respecter les règles générales et les grandioses lignes densemble. Il faut aussi ajouter linfluence de la religion. La statue et le monument qui la recevait devaient durer le plus longtemps possible, à travers les effets du temps. Les formes tenaient compte de cette nécessité. Les visages devaient aussi être ressemblants. La survie des personnages représentés dépendait de la longue durée de leffigie et de la précision de la ressemblance. Aux yeux des réalisateurs des majestueux édifices, le talent, loriginalité ou la personnalité des artistes navaient aucun intérêt. Ils devaient seulement être de très bons artisans. Lintégration convenable dans lharmonie globale était la seule valeur. En Égypte, dit Platon, aucun artiste chargé de représenter une figure quelconque navait le droit dimaginer la moindre chose contraire à la tradition. Cela nest plus vrai après la révolution amarnienne dAkhenaton qui introduisit une nouvelle et très remarquable forme dart. Les Égyptiens utilisaient le dessin, la peinture, et le bas-relief pour décorer les monuments, les palais, les temples, et les tombeaux. Les scènes étaient narratives, décoratives, ou présentatives. Le dessin égyptien présente des particularités qui permettent de le caractériser. Il nutilise ni la perspective ni les fonds colorés, et il place généralement de profil la plupart des figurations de personnages. Les artistes représentent le corps humain en utilisant une méthode systématique. Cest pourquoi on peut même penser quil sagissait souvent dune somme de recettes techniques, ou de conventions, transmises par apprentissage à des artisans qui nétaient pas toujours des dessinateurs avertis. La tête apparaît toujours de profil, comme le nez et la bouche, mais lil, renforcé dun trait noir, est vu de face et entier. La teinte appliquée est plate, sans ombres ni nuances. Bizarrement, le haut du torse est vu de face, et les deux épaules sont représentées. Les torses des femmes sont également vus de face. Un seul sein est représenté, de profil, sur le coté du buste. Les jambes sont de profil, reliées au torse par le bassin vu de trois quarts. Un pagne facilite la transition. Les deux pieds, de profil, sont souvent identiques, (deux pieds gauches ou deux pieds droits selon le sens de la marche). Le pied de la jambe du second plan passe parfois au premier plan par un croisement conventionnel impossible et étonnant. Les bras sont dessinés sur toute leur longueur, quelle que soit lattitude. Lorsque les personnages sont en action, les dessinateurs hésitent et attachent parfois les deux bras à la même épaule, ce qui est assez curieux et déforme limage. Les mains sont à plat, les cinq doigts écartés. Comme pour les pieds, il y a souvent deux mains identiques, toutes deux droites ou gauches, selon les cas. |
Les dieux de l'Égypte étaient bleus comme ceux de lInde. Les hommes sont généralement colorés en ocre rouge et les femmes en ocre jaune, les vêtements sont souvent blancs, les cheveux sont noirs. La plupart des représentations des dieux sont colorées en bleu vif, comme en Inde, avec des vêtements et des accessoires traités dans dautres couleurs. Les ressuscités sont colorés en vert. Cette façon très spéciale de dessiner les personnages se retrouve d’ailleurs loin de l'Égypte, dans des fresques sumériennes et assyriennes anciennes. Cela démontre clairement lexistence de relations très précoces entre ces civilisations. Les conventions sont les mêmes mais les personnages sont représentés en conformité avec les caractères des peuples concernés.
On voit donc bien que les décorateurs de tous ces pays utilisaient un ensemble de règles rigides et précises quils appliquaient systématiquement de façon parfois irrationnelle ou maladroite. Nous pourrions penser quà ce degré, il sagissait presque dune forme décriture et que ces conventions de dessin stylisé étaient fortement marquées par les techniques utilisées pour tracer ces autres tracés conventionnels que sont les hiéroglyphes. Malgré toutes ces contraintes, appliquées très rigoureusement en Égypte, les scènes représentées sont restées extrêmement vivantes, détaillées, et très décoratives. Lorsquelles sont présentatives, elles nous présentent encore aujourdhui les pharaons et les dieux dans toute leur puissance, avec leurs attributs. Les scènes descriptives nous montrent tout le petit peuple qui menait sa vie quotidienne, laborieuse et attachante, à lombre des palais grandioses et des temples majestueux, et elles nous éclairent sur les habitudes et les murs des différentes époques. Elles nous racontent aussi lhistoire des exploits, des guerres, des victoires et des conquêtes de grands pharaons, des reines, des princes et des princesses qui les entouraient. Nous y trouvons, hélas, les évocations fréquentes des tortures et des massacres rituels de prisonniers, accomplis de la main même du pharaon. Ils étaient courants à lépoque et ils ne seront suspendus, (momentanément), que sous le court règne du pacifique Akhenaton et de Néfertiti qui tentèrent dinstaurer le culte monothéiste du Dieu solaire Aton. Les prisonniers étaient toujours fort cruellement traités. Très étroitement enchaînés, ils étaient amenés devant lautel et présentés au dieu du Soleil, puis le roi commençait lui-même le massacre, parfois au glaive, mais plus généralement à la massue ou au casse-tête. Nous gardons encore des évocations actuelles des instruments de ces meurtriers privilèges du pouvoir dans les bâtons de commandement des maréchaux et les sceptres des empereurs et des rois. Enfin, il faut absolument citer les admirables scènes décoratives de lépoque post-amarnienne, uvres de très grands artistes. Ils ont travaillé à la décoration des tombeaux et réalisé de merveilleux chefs-duvre, en particulier dans les panneaux décoratifs animaliers des tombes officielles, et même civiles privées du Moyen Empire, à partir de la révolution dAkhenaton. |
Les pyramides étaient des constructions sacrilèges. Il n’est pas possible de parler de l'Égypte, de ses temples, de ses palais et de ses tombeaux, sans évoquer ces monuments gigantesques et énigmatiques, que sont les Pyramides. Universellement connues, elles sont devenues le symbole du pays. Lélévation de ces pyramides semble avoir été, à lorigine, un acte sacrilège, commis par le roi en opposition à lautorité des pontifes. Ceux-ci célébraient, dans chaque temple, le culte sacré de Ré face à un autel pyramidal caché, appelé Benben, devant lequel ils accomplissaient les sacrifices. Les pyramides royales sont des imitations publiques et ostentatoires des Benben cachés des prêtres. La plus ancienne, la pyramide à degrés de Saqqarah, dans le désert proche de Memphis, date de la 2ème Dynastie. Elle aurait été élevée par le roi Djoser et son architecte Imhotep. Ses dimensions sont déjà appréciables, puisque ses terrasses successives s’élèvent jusqu’à soixante mètres de hauteur. Elle était accompagnée d’un temple à colonnades et d’une autre pyramide dédiée au Dieu. Les rois d'Égypte étaient traditionnellement enterrés dans de grands mausolées rectangulaires en terre crue, les mastabas. Imhotep innova en superposant des mastabas de pierre, de tailles décroissantes, jusquà constituer la première pyramide à degrés. Au début de la 4ème dynastie, vers ~2750, le roi Snéfrou fit élever la première vraie pyramide, aux arêtes rectilignes. Destinée à devenir le gigantesque Benben-Tombeau du roi, elle est située dans le désert au sud-ouest de Memphis. Elle mesure deux cent dix mètres de côté pour une hauteur de quatre-vingt-dix mètres. Les pharaons avaient pris goût aux pyramides. Ils avaient appris à les construire très solidement et leur donnèrent des tailles gigantesques. Ils en élevèrent au total soixante-neuf qui furent toutes pillées, à lexception de celle de Kheops dont le tombeau légendaire ne fut jamais retrouvé. Les descendants de Snéfrou voudront tous dépasser leur ancêtre. Son fils Khoufou, (Kheops), va faire plus grand. Il choisit un emplacement situé de lautre coté du Nil, et y fait élever une pyramide quasiment indestructible, la plus grande de toutes. Elle mesure deux cent trente mètres de côté et cent quarante-six mètres de haut, ce qui en fait luvre la plus énorme des quarante-cinq siècles suivants, y compris jusquau 19ème siècle. Kheops semble avoir été un tyran autoritaire. L’historien grec Hérodote, qui fut longtemps la référence obligée relativement à l'Égypte et qui transcrivit en grec tous ces noms égyptiens, considérait que Kheops avait été très arrogant envers les dieux. Il semble que ce jugement ne portait pas sur le benben géant et sacrilège quétait sa Pyramide mais quil concernait une tentative avortée du roi pour interdire les sacrifices humains. Khaf-Ré, (Khephren pour les Grecs comme pour nous), le frère de Kheops, qui lui succède, va ruser et élever sa pyramide sur un plateau dépassant de trois mètres la base de lautre, si bien quelle semble encore plus haute. Cest aussi Khephren qui fit élever à Gizeh le grand Sphinx, image de sa puissance impitoyable. Menkaou-Ré, (Mykérinos), le fils de Kheops a également construit sa pyramide. Elle est cependant moins élevée de moitié que celles de ses prédécesseurs. Les prêtres du Soleil dOn ont réagi à ces provocations royales et ont réussi à chasser les pharaons sacrilèges. Ils sinstallèrent ensuite sur le trône en fondant la dynastie des Prêtres Pharaons. La tradition fut momentanément rétablie, et lon recommença à construire des temples au dieu solaire, avec des benben pyramidaux à lintérieur. Les Pyramides sont à la fois les plus anciens et les plus grands édifices construits dans lantiquité. Cela constitue le premier des nombreux mystères qui leur sont associés. Il faudrait aussi parler des tombeaux et des temples, mais nous ne sommes pas dans un traité dégyptologie. Nous ne pouvons ici aborder superficiellement que quelques-uns des aspects remarquables de cette étonnante civilisation. |
Akhenaton et Néfertiti, fous dun seul Dieu. Aménophis IV, ~1375/~1354, fils dAmnophis III, épousa la princesse Néfertiti, et prit au début de son règne le nom mystique d’Akhenaton. Il engagea l'Égypte dans une extraordinaire révolution en abolissant le culte dAmon et de tous les autres dieux secondaires. Il établit le culte exclusif dAton, le disque solaire resplendissant. Abandonnant la capitale traditionnelle, Thèbes, il fonda limmense Akhet-Aton, lHorizon du Soleil, (Tell El-Amarna). Voici par exemple le début de lune de leurs prières. Ô toi, Dieu
Unique Affrontant eux aussi l’hostilité et la résistance des prêtres, Akhenaton et Néfertiti engagèrent l'Égypte dans un culte résolument monothéiste, prônant les valeurs de mérite individuel, de tolérance et de liberté, et pratiquant la douceur du comportement. Accessoirement cette attitude eut un grand retentissement artistique et aboutit à des formes d’expression plus naturalistes et décoratives qui donnèrent un nouvel essor à l’art égyptien. Sous ce règne d’engagement mystique et de modération, les possessions extérieures de l'Égypte tombèrent aux mains de ses ennemis. Le gendre dAkhenaton lui succéda très jeune, sous le nom de Toutankhaton. Sous linfluence du général Ay, il prit ensuite le nom de Toutankhamon à la mort dAkhenaton. Il revint alors dans la capitale thébaine et rétablit le culte officiel dAmon, effaçant tant que faire se pouvait tous les témoignages de lexistence de son prédécesseur hérétique, y compris sur les fresques et les inscriptions des temples et des tombeaux. Mort très jeune, Toutankhamon est surtout célèbre par le trésor immense et le contenu de sa tombe trouvée inviolée par Howard Carter et Lord Carnarvon en 1922. On se demande quelles fabuleuses richesses contenaient les tombes des grands pharaons. |
Un certain officier général. En langue égyptienne, un enfant se dit mose. Ce vocable se rencontre fréquemment dans des associations comme Amon-mose, et dans des noms humains comme Ahmose, (Ahmosis), Thoutmose, (Thoutmosis), ou Remose, (Ramsès). Ce constat, joint à dautres considérations très pertinentes tirées dune savante exégèse de la Bible, a conduit certains auteurs à proposer de donner une origine égyptienne au Moïse des Hébreux, et den faire un familier du pharaon, prince ou général. Sigmund Freud a vigoureusement relancé cette idée. Parmi les arguments quil a avancés, on trouve lassociation des vocables Aton, (Égyptien), Adonis, (Syrien), et Adonaï, (Hébreu). On remarque aussi que Hébreux pratiquaient la circoncision laquelle était une coutume égyptienne, (comme létablit Hérodote, et comme on la trouve décrite sur un bas-relief de Saqqarah). Flavius Joséphe, un historien juif du 1er siècle, écrivait déjà que Moïse était un général égyptien. A la fin de la révolution amarnienne, tandis que Néfertiti allait finir tristement ses jours à Akhet-Aton après la mort d’Akhenaton, Moïse, devenu renégat, aurait alors choisi de quitter l'Égypte en emmenant quelques tribus sémites nomades qui adhéraient au culte dAton, ainsi quun groupe de fidèles égyptiens qui devinrent les Lévites, lesquels nétaient pas réellement Hébreux. (AT - Nombres I,49). Si Moïse fut
bien un Égyptien, Selon Sigmund Freud, il y aurait eu deux Moïse. Le premier, le général égyptien, conduisit les mystiques et pacifiques tribus du Sud à la rencontre des conquérantes tribus du Nord conduites par le second, le gendre guerrier de Jethro, le prêtre hébreu du désert midianite. Cette thèse iconoclaste trouve aujourdhui laccord de très nombreux chercheurs. |
Le grand Alexandre. Après le rétablissement du culte dAton par Toutankhamon, (et le départ des Hébreux et de Moïse), lanarchie sinstalla et lempire fut partagé. Cest bientôt le début de ce que nous appelons la Basse Epoque, quoique nous évoquions actuellement des faits qui se sont déroulés il y a trois mille ans. On peut en résumer un peu lhistoire. Deux lignées de pharaons et de grands prêtres occupent alors le trône. Lempire reprend des forces et se lance à la reconquête de la Palestine, avec le pillage de Jérusalem. Puis lanarchie se réinstalle. Sous les rois Couchites, cest même la décadence. Les Assyriens sen rendent rapidement compte et Assourbanipal prend la ville de Thèbes, assurant la domination assyrienne pendant plus dun siècle. On assiste ensuite à une époque de renaissance et dexpansion sous les rois Saïtes qui reprennent la Syrie et la Palestine. Un roi Saïte, Nekao, fait même creuser un canal mettant le Nil en communication avec la mer Rouge. Mais les Égyptiens sont défaits par Nabuchodonosor qui prend la Syrie et la Palestine et déporte les Juifs à Babylone. Égypte conserve cependant l’île de Chypre. Après la bataille de Péluse, l'Égypte est conquise par Cambyse II et passe sous la domination perse. Trois cents ans avant notre ère, un conquérant macédonien, Alexandre dit le Grand, vainc les Perses et se fait reconnaître comme le Fils d’Amon, au sanctuaire de l’oasis de Siouah. En conséquence, il devient le seul roi légitime de l'Égypte Il fonde la ville et le port d’Alexandrie. Ses conquêtes s’étendent jusqu’aux frontières de la Chine. A sa mort, l'Égypte a déjà bien changé. Un des généraux dAlexandre, Ptolémée 1er, fait construire la célèbre bibliothèque et le musée. Il établit la dynastie tragique des Lagides, marquée par une succession ininterrompue de combats, de victoires, de défaites et dassassinats politiques pour sassurer le contrôle des diverses possessions dAlexandre. Son successeur construit le fameux phare dAlexandrie. Pendant ces alternances de prospérité et de décadence, les Romains investissent progressivement lempire. A lentrée de César dans Alexandrie, la bibliothèque est incendiée et les 700 000 manuscrits quelle contenait partent en fumée. La dynastie touche à sa fin. Cléopâtre, la dernière reine égyptienne, qui avait fait assassiner son frère et époux Ptolémée XII, gouverne un temps avec son fils Ptolémée XV, dit Césarion, le fils de César. Après le suicide dAntoine, son époux, et lassassinat de Césarion, sur lordre dOctave, la reine se fait mordre par un aspic. Par la victoire dActium, Octave-Auguste fait passer l'Égypte, pour un temps, sous la totale domination romaine. Cléopâtre Elle eut le
courage de regarder en face (Horace). |
Hermès Trismégiste. Pendant la période gréco-romaine, les Lagides ont gouverné le pays avec intelligence, mais ils sont restés des étrangers. De leur volonté dintégration sont nés des cultes syncrétiques tendant à réaliser des synthèses entre les dieux grecs et les équivalents égyptiens, ainsi que des cultes à Mystères comme en Grèce. Ptolémée 1er introduisit le culte de Sérapis qui fut lié à ceux dApis, le Taureau solaire, et de Ptah, puis fusionna avec celui dOsiris. On lassimila à Hadès, Asclépios, Poséidon, Dionysos. On en fit même un Dieu suprême sous le nom de Zeus-Sérapis. Thot, lIbis, le Babouin, le dieu intellectuel, fut identifié au dieu latin Mercure et au dieu grec Hermès sous le nom dHermès Trismégiste. (Il fut aussi associé à Anubis et sappela alors Hermanubis). Hermès Trismégiste est une personnalité religieuse remarquable, née de cette rencontre de lHermès grec, le messager des dieux, psychopompe guidant les âmes dans lautre monde, et du Thot égyptien, linventeur de lécriture, seigneur des sages, maître du culte de la magie et des savoirs cachés, qui conduit aussi lâme des défunts vers le tribunal infernal. Cest une
sorte de sacrilège, quand on prie Dieu, (Hermès Trismegiste - Corpus.Hermeticum - Asclépius). Plusieurs recueils lui sont attribués dont le Corpus Herméticum, très célèbre ouvrage ésotérique dune grande antiquité. Il contient Asclépius, un livre connu depuis le 9ème siècle, quon repère déjà au 5ème. Il décrit lorigine et la chute de lHomme. On aurait retrouvé des fragments du Corpus Herméticum dans lun des manuscrits de Nag Hammani. Or le Noûs, Père
de tous, Alors lHomme
qui avait plein pouvoir La Nature
sourit damour Alors la
Nature, ayant reçu en elle son aimé (daprès Hermès Trismégiste - Le Pimandre). |
Le Phare dAlexandrie brille encore. L'Égypte fascinait les Romains. Beaucoup dentre eux, même des empereurs, voudront "ségyptianiser", se prenant à ses mystères. Dés laffaiblissement du pouvoir romain, le monothéisme emporté par Moïse revient sous la nouvelle forme du Christianisme, et concurrence les cultes établis. Des communautés sorganisent et saffrontent pour défendre des philosophies nouvelles. La Tradition égyptienne, les Cultes romains importés, la Gnose, le Christianisme naissant, et divers courants qualifiés dhérétiques opposent leurs vérités relatives et leurs certitudes absolues.
Après la mort de Dèce, tué par les Goths, l'Église revient en force. Denys dAlexandrie succède à Origène. Il écrit des lettres pastorales dogmatiques. Anatase réfute les doctrines ariennes. Cependant, dans limmense nécropole dAlexandrie, décorée à la romaine, les défunts sont enterrés comme les anciens Égyptiens On place traditionnellement sur leurs légers sarcophages des images peintes à leur ressemblance pour assurer leur survie éternelle. A la fin du 4ème siècle, lEmpire dOccident sécroule. Il ne subsiste que lEmpire dOrient. Lempereur sinstalle à Byzance et lagitation des idées se poursuit.
Les Chrétiens sont assez pyromanes. Ils semblent avoir été obsédés par lenfer, le feu, les bûchers et les autodafés, (de livres ou dhommes). Les livres de lépoque étaient copiés à la main, en très peu dexemplaires. Lorsquils étaient brûlés, les idées quils portaient étaient détruites. Les idées mystiques de ceux qui furent condamnés par lÉglise, comme Origène, ne nous sont généralement connues quau travers des textes de condamnation. |
Puis vint lIslam. En 617, l'Égypte est conquise par les Perses. Elle est libérée par Héraclius, en 629, mais son nouveau destin se prépare ailleurs. En l’année 642 de notre ère, les conquérant arabes, conduits par le général Amr, envahirent de nouveau l'Égypte Ils la mirent sous le contrôle des califes Umayyades de Damas puis des Abbassides de Bahgdäd. Une autre histoire commença alors, celle de l'Égypte de Saladin. La population adopta progressivement la langue arabe et lIslam, en restant très momentanément relativement tolérante aux autres cultes. O mécréants
! Je nadore pas ce que vous adorez, (Coran - Sourate 109) |
Petite barre de navigation
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|