Arts et Sciences, Hommes et Dieux - ( Mise à jour de juillet 2017 ) |
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Petit Manuel d’Humanité | ||||||||||||||||
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La Traversée du Miroir noir.
Ami
contemplant ton miroir, Adam
ouvrit les yeux sur les êtres du monde, je ignorer ces fantômes, On na
le droit davoir raison quavec les faits dont
on dispose. |
La compétition pour survivre. Sans préjuger de la valeur des hypothèses en concurrence concernant lorigine du monde et le sens de la vie, nous avons vu que les êtres vivants, dont lhomme naturel, placés dans leur environnement normal, généralement hostile, subissent les dures contraintes de la compétition. Nous pouvons penser quils vont tenter de survivre en sadaptant aux conditions matérielles de leur milieu de vie et aux facultés des compétiteurs. Ce nest pas tout à fait aussi simple. On trouve en fait des réponses bien différentes au problème posé. Parfois cest la survie de lindividu qui est privilégiée, parfois cest celle de lespèce. Les êtres vivants subissent les dures contraintes de la compétition. Il ny a pas de règle type, mais on peut néanmoins considérer que les êtres vivants utilisent certaines des propriétés physiques et chimiques de leur milieu de vie pour mettre en place un arsenal de détecteurs. Ce sont ces appareils organiques, fonctionnant mécaniquement, que nous appelons organes sensoriels. Ils envoient vers le système nerveux central des signaux automatiquement codés qui sont en relation naturelle avec les stimuli émis par le monde extérieur, mais qui ne sont pas une véritable projection objective du réel. Nous avons appelé " Icônes " ces signaux sensoriels significatifs. Afin de comprendre pourquoi la nature a favorisé cette solution de représentation symbolique de préférence à une présentation objective plus exacte, nous devons engager une réflexion. Nous savons que les trains dicônes induits par les stimuli provenant du monde extérieur sont complétés par dautres icônes provenant des senseurs internes ou issus du système mémoriel. Ces paquets complexes de signes suivent divers chemins, vers le cerveau dune part, vers le système réflexe dautre part. Le cerveau tente den tirer une interprétation cohérente aboutissant à lélaboration dun objet mental unique et complet. Cela peut prendre un temps parfois dangereusement long. Le système réflexe agit sans attendre, et le plus souvent avant même de disposer de lensemble des informations existantes. Cela ne veut pourtant pas dire quà son niveau inconscient, le système réflexe ne dispose pas dun objet global aussi complet et cohérent que celui construit par le cerveau conscient. Il sagit ici dune construction rapide, à la cohérence fruste, bâtie avec un minimum déléments, de façon à gagner du temps. Prenons un exemple pour réfléchir à la nature de ces objets perceptifs quon imagine trop facilement imparfaits et grossiers. Un homme se déplace dans un sous bois obscur et va marcher sur une forme douteuse, un trou, un serpent, une énorme araignée ! Il sécarte brusquement. Il analyse ensuite avec son cerveau lobjet comme une ombre, une branche tordue ou une feuille morte. Le système réflexe avait très rapidement fait une autre analyse en fonction dun danger potentiel, ici inexistant, mais parfois très réel. En termes de survie lanalyse rapide était adéquate. Limage était précise et complète. Limprécision nétait absolument pas dans limage formée mais dans linsuffisance des signaux inducteurs. Il faut admettre que cela implique lutilisation par le système réflexe de nombreux icônes mémoriels associés instantanément aux icônes incidents momentanément insuffisants. Lobjet mental perçu, trou, serpent ou insecte géant, était unique, cohérent et complet, quoiqu'il ait été très rapidement élaboré. Sa finition permettait une action immédiate. Cela montre bien que lobjet mental nest pas une projection du réel, mais quil est une construction représentative symbolique, artificielle et synthétique, finie, cohérente et complète. Jai désigné par Univers lensemble des objets mentaux synthétiques que nous formons pour sa représentation. Par contraste, et pour bien marquer la différence conceptuelle que je vous proposais de faire, jai appelé Zoran le réel global, perpétuellement et mystérieusement inconnu parce que non expérimentable. Lorsque lêtre vivant, et tout particulièrement lhomme, se mesure à son environnement pour quelque raison que ce soit, il faut bien comprendre ce quil fait. Il tente de situer une image actuelle dans un ensemble mémorisé connu. Il essaye en fait de relier limage mentale quil se fait actuellement de la situation présente, à son Univers personnel, cest-à-dire à la somme des représentations mémorisées dont il dispose. Cela se fait de plusieurs façons, par la perception inconsciente ou réflexe, par lexamen ou la réflexion consciente, par le sentiment, ou par dautres moyens dont certains peuvent ne pas être encore connus. |
Des icônes de toutes sortes. Examinons le problème général posé par la réalisation dun tel lien didentification ou de reconnaissance. Pour leffectuer, lêtre vivant doit utiliser, consciemment ou inconsciemment, des représentations. Elles concernent dune part les objets intéressés, dautre part les interactions quil envisage avec eux. Ces projections hypothétiques de relations entre les objets extérieurs et lêtre lui-même, sont aussi des sortes dicônes assez particuliers. Ils sont élaborés non plus à partir de représentations expérimentales naturelles et immédiates du monde externe ou interne, mais pour représenter ces représentations déjà mémorisées, et leurs relations mutuelles contingentes. Ce sont, en quelque sorte, des icônes au second degré. Tout être vivant évolué, sans que ce propos implique lusage dune fonction de conscience au sens humain du terme, détermine son comportement à partir de ce genre " dicônes contingents ". En fonction de son organisation corporelle, de la structure et des possibilités de son système organique, il dispose dune sorte de bibliothèque dicônes, variable en nature, en quantité, et en qualité. Les organismes simples ne peuvent appeler quun nombre très limité de ces signes, et cela implique donc un comportement automatique et stéréotypé. Nous nallons pas nous risquer à formuler daudacieuses et invérifiables hypothèses sur la mémoire et les rêves des organismes primitifs, le psychisme des invertébrés, ou laffectivité des végétaux. Nous allons simplement regarder comment se comportent les cousins animaux les plus proches de lhomme, car les organismes complexes ont beaucoup de possibilités à leur disposition. Ils sadaptent très finement aux aléas présentés par le milieu. Nous constatons souvent que ces animaux commensaux semblent rêver pendant leur sommeil, et quils utilisent donc inconsciemment des images animées. Notez ici que jutilise le mot " images " avec le sens très général de représentations mentales. Je létends donc bien au-delà du sens purement optique. Les animations oniriques mettent en uvre des figures artificielles dobjets reliés au rêveur, cest-à-dire très précisément ces signes particuliers que nous avons appelés plus haut, faute de mieux, des icônes contingents. Je nutilise pas encore ici la notion de concept qui pourrait apparaître appropriée, mais nous y. reviendrons ultérieurement. Pour linstant jévoque des représentations mentales au second degré, groupant à la fois des objets et leur interaction avec le sujet. Ces catégories de signes, liés au sujet, deviendront dans le courant de lévolution et de la complexification organique des espèces, les très lointains précurseurs des mots. Les représentations subjectives que sont les précurseurs des mots peuvent être formulées en plusieurs sortes dimageries, ou " langages " distincts. Chez lhomme, le premier langage est purement mental. Je lappelle langage par commodité, car cest plutôt un enchaînement séquentiel dévocations significatives, sans règles ni syntaxe. Cela ressemble cependant à une langue, imagée au sens général, rapide, et non vocale, qui nutilise donc que les précurseurs des mots, et qui fonctionne au seul niveau cérébral. Il apparaît que tous les hommes utilisent mentalement cette même langue originelle et universelle avant dapprendre un langage maternel verbalisé avec les combinaisons sonores qui lui sont propres. Il est même très probable que ce proto langage mental imagé originel est également utilisé par les animaux. Ils lutilisent, au moins dans le rêve, pour produire une représentation interne du monde. Nous savons aujourdhui que de tels langages, sans mots verbaux, existent. Certains sont encore plus universels, tel le code génétique. Ce code exprime les principes de construction des différents corps vivants terrestres dans une forme qui semble reconnue par tous les organismes de notre planète. Il est également permis de penser quun code originel, plus fondamental encore, régit entièrement la structure physique de la matière et de ses composants. Il a été envisagé que cela puisse être la suite arithmétique des nombres entiers. Cette approche simplificatrice rationalisante, ne me paraît pas être un reflet parfaitement conforme à ce que le réel véritable, le Zoran, nous révèle progressivement de sa nature. Bien au contraire il semble nous dévoiler une structure toujours aussi complexe quelle que soit léchelle à laquelle se fait lexamen. Nous y reviendrons. Concernant notre sujet actuel, il ny a bien évidemment aucune raison pour que lusage du proto langage imagé soit limité chez lanimal au seul domaine du rêve. Nous pouvons penser quil fonctionne également, de façon plus générale, dans les autres domaines du comportement vital. Je ne prétends pas que les animaux pensent à la façon dont nous pensons. Notre fonction évoluée nécessite une réelle capacité dabstraction et lutilisation de vrais mots. Labbé CONDILLAC prétendait même que nous ne pouvons raisonner quavec le secours des mots. La qualité de notre pensée se réduirait alors à la valeur de notre maîtrise personnelle de la langue utilisée. Nous devons cependant reconnaître aux animaux une activité mentale intense et efficace, basée sur une bonne reconnaissance de la situation actuelle en relation avec lenvironnement, et logiquement orientée vers un but précis. Jutilise volontairement ici le terme " reconnaissance " avec le sens didentification à une situation déjà connue. Nous devons accepter lidée de cette capacité animale à manipuler ces schémas essentiels qui relient un percept, (cest-à-dire un objet mental induit par la réaction des sens à un stimulus provenant du monde extérieur), à un objet mental différent provenant du système mémoriel. Sans cela, les animaux seraient incapables de mener les actions correctes et adéquates, nécessairement adaptées aux événements aléatoires dun environnement variable. Rappelons-nous que nous parlons ici du langage mental primordial non vocal. Grâce à lui, lobjet mental, construit initialement à partir de la perception, est reconsidéré en intégrant sa relation avec le sujet. Il est transformé en schémas simplifiés, mémorisés et utilisables pour des opérations de classement, comparaison, rappel, et autres. Ces schémas symboliques, réduits à lessentiel de la représentation des objets et de leur relation avec le sujet, sont appelés concepts. |
Un système illogique de classification. La comparaison des percepts provenant du système sensoriel avec les concepts mémorisés aboutit à laction adéquate. Cette comparaison peut être consciente, ou inconsciente, sans que lon puisse à ce stade parler de pensée pour l'homme ou dinstinct pour l'animal. Il ne semble pas logique de distinguer pensée et instinct à partir de lidentité de celui qui pense. Quoique cela puisse gêner lorgueilleux prédateur quest lhomme, il me semble plus logique de faire une autre distinction catégorielle. On pourrait létablir en fonction du caractère conscient ou inconscient de lactivité cérébrale, et donc de lappel fait à des fonctions mentales avancées. Même en restant au niveau des animaux relativement lointains que sont les oiseaux, vous avez pu être frappés par certaines analogies comportementales avec lhomme.
Bernadette CHAUVIN a étudié des petits pics de jardin. Elle a démontré quils utilisaient un quasi-vocabulaire pour désigner les diverses nourritures quelle leur proposait, et quils étaient même capables de se nommer entre eux à partir de leurs préférences en la matière. Quiconque a observé longuement des oiseaux, sait quils ont des caractères différents, au sein de la même espèce. Il y a des machos jaloux et des couples coopératifs. Il y a des individus stupides, et il y a des rusés inventifs. Tous nous paraissent cruels. Les Romains étaient cependant persuadés que les jeunes cigognes prenaient grand soin de leurs parents âgés, au point quils ont appelé " loi des cigognes ", ( lex ciconiona ), la loi imposant aux enfants lobligation de soin et daliment concernant leurs parents. Ces analogies avec lhomme sont très troublantes, car nous croyons maintenant savoir que tous les oiseaux sont les derniers descendants des puissants dinosaures qui dominèrent si longtemps notre Terre. En ce temps là, les très petits mammifères primitifs dont nous sommes issus tentaient de survivre dans des conditions très précaires. Il faut donc que les analogies comportementales dont nous parlons trouvent leurs origines dans des ancêtres communs. Ceux-ci seraient les ascendants, tout à la fois des premiers dinosaures, lointains précurseurs des oiseaux, et des antiques reptiles mammaliens qui sont les très anciens précurseurs de lhomme. Dans la mesure ou nous lavons en commun avec les oiseaux, cela fait remonter la source commune du sens esthétique au-delà de deux cents millions dannées. Par ailleurs, ces mêmes oiseaux, héritiers des dinosaures, partagent avec les poissons une extrême diversification dans les formes et les couleurs. Les poissons sont encore beaucoup plus anciens que les dinosaures. Par conséquent, nous pouvons raisonnablement penser que tous ces grands reptiles très diversifiés étaient également très colorés. En raisonnant de la même façon, on peut parfaitement imaginer que certains reptiles primitifs chantaient, et quils ont transmis cette faculté à quelques descendants. Parmi ceux-ci on compte les dinosaures disparus, et plus tard les oiseaux. On y trouve aussi aujourdhui le chant des baleines et la musique et les mélodies des hommes. Nous voilà très loin de la représentation habituelle mettant en scène des monstres grisâtres barrissant comme des éléphants. Il faut admettre que la représentation traditionnelle est hypothétique, conventionnelle, et très peu vraisemblable. Mais il est difficile de changer un schéma de pensée, même avec le secours de la raison. Cest également à la même époque quapparaissent les plantes à fleurs avec toutes leurs couleurs, leurs formes variées, et leurs parfums capiteux, séducteurs dinsectes volants pollinisateurs. Tout cela sinstalle, par hasard ou par nécessité, à la même période de la Terre, puis sorganise harmonieusement. Il nest pas non plus interdit de penser que le hasard a bien fait les choses. Peut-être simplement que les temps étaient venus, des couleurs et des parfums, du chant des grenouilles, de celui des lézards et des cigales, des corolles, des étamines et des pistils, et du vol des abeilles. Dans la même ligne de pensée, réfléchissons à tous les rituels de pariade et à toutes les danses de séduction. Cela existe depuis les périodes les plus reculées, dans la plupart des espèces. Comme les scorpions, les paons, et les phoques, depuis la séparation des sexes, les Casanova de tous poils et de tous crins tentent de persuader les belles de leurs inégalables qualités, et sefforcent décarter par tout moyens les concurrents éventuels. Voyez donc nos frères humains, et comment ils sy prennent pour séduire leurs compagnes. Voici encore dautres pistes de réflexion.
Vous pouvez vous demander où je compte vous emmener avec ces histoires de fleurs parfumées, de dinosaures chantants, de phoques séducteurs, et de singes savants. Ce que je désire avant tout provoquer cest une rupture avec les habitudes traditionnelles de pensée. Je vous demande doser voir autrement le spectacle de la vie et la nature des choses. Dans ce chapitre et dans le suivant, je continuerai donc à vous proposer des hypothèses, ou des raisonnements non-conformistes. Évoquons maintenant deux aspects du fonctionnement corporel à laide de comparaisons que vous risquez de juger insolites qui sont pourtant évocatrices de la stricte évidence expérimentale. Sous linfluence des penseurs du siècle dernier, le mécanisme de la production de chaleur par le corps à été comparé à celui dune simple chaudière. On enfourne des hydro carbones dans le foyer. Lair respiré par les poumons contient de loxygène qui est transporté par le sang jusquaux cellules. Les aliments y sont brûlés pour dégager de la chaleur et des sous produits chimiques qui sont de leau et du gaz carbonique. Cette image appliquant simplement le principe de Carnot, est encore dans tous les esprits, y compris ceux de nombreux nutritionnistes. La réalité est bien moins simple mais plus admirable. Le corps ne fonctionne pas comme une chaudière. Les combustibles quil utilise sont des assemblages complexes de grosses molécules composées de multiples atomes. Des mécanismes chimiques très subtils fonctionnent successivement. Ils utilisent de nombreux catalyseurs différents et spécialisés. En leur présence, un seul atome de carbone à la fois est extrait de la molécule puis oxydé. Le système est donc comparable à un moteur extraordinaire dans lequel une batterie de carburateurs transformerait petit à petit le carburant tout en le brûlant progressivement, atome par atome. Limage de la chaudière ne tient pas. Le système ressemblerait plutôt à un alambic compliqué qui distillerait progressivement ses essences tout en les consumant pas à pas, à chaque stade délaboration, dans des lampes à huile multiples. |
Un corps vivant luisant d'étincelles. Voici une autre image imprécise, qui mérite dêtre reformulée. Nous savons que le corps vivant fonctionne avec des moyens électrochimiques. Laspect chimique est fréquemment vulgarisé, avec parfois des images imparfaites, comme nous venons de le voir. Laspect électrique est moins connu. Pour en donner une image intéressante, il faut comprendre que tous les phénomènes se passent au niveau de la cellule. Celle-ci est très petite. Elle peut être assimilée à une petite sphère enveloppée dune membrane isolante. Lintérieur et lextérieur sont conducteurs. On est donc en présence dun composant analogue à un micro condensateur. Les valeurs absolues des potentiels en regard sont très faibles, mais comme les distances diélectriques sont très petites, car lépaisseur de la membrane est infime, 5 à 10 nanomètres, les champs sont très élevés. A titre indicatif, ils sont de lordre de vingt mille volts par millimètre, cest-à-dire vingt fois plus élevés que les tensions tolérées par lair sec. Dans ces conditions, et en fonction de la répartition des ions chimiques de sodium et de potassium de chaque coté de la surface, on imagine aisément que la membrane isolante va subir des claquages, lesquels produiront des étincelles. Il sagit, bien entendu, de micro étincelles, à léchelle de la cellule microscopique, mais elles sont très nombreuses. On en compte environ cinq cent mille par seconde. Si nous pouvions voir laspect électrique des corps vivants à laide dorganes appropriés, ils nous apparaîtraient comme des nuages de myriades tourbillonnantes détincelles électriques fugitives. Nous ne les percevons pas consciemment, car nous navons pas les organes appropriés, mais toutes ces étincelles émettent forcément des ondes hertziennes, qui pourraient être inconsciemment perceptibles. Je vais encore changer de registre, et vous raconter une histoire. Savez-vous que le mois dernier, jai trouvé un trésor dans mon jardin. Ce nétait pas la première fois. Au printemps dernier, jen avais trouvé un autre, en retournant une pierre. Ces trésors nétaient pas précieux pour les hommes. Cétaient des trésors de souris ou de campagnols. Le premier contenait une centaine de noisettes, et le second comptait deux cents noyaux de cerises. Les arbres fournisseurs sont assez loin du lieu daccumulation. Ces trésors avaient demandé de gros effort aux petits animaux, pour lesquels ils représentaient lassurance dun hiver paisible. Mais un hibou, un chat, une nuit de gel, une épidémie, ont rendu ces précautions vaines. Le trésor dérisoire est resté inutile et caché, jusquà ce que je le découvre. Javais un voisin qui circulait la nuit avec sa carabine. Il ne surveillait pas ses noisettes, mais devait avoir un peu dor enfoui. La maladie et la mort sont venues, renvoyant aux enfants le trésor inutile. Ny a-t-il pas beaucoup danalogies entre le comportement des petits rongeurs sauvages qui accumulent des noyaux pour subsister pendant lhiver, et celui des hommes civilisés qui accumulent chaque jour bien plus de richesses quils ne pourront utiliser avant leur mort. Croyez-vous quil y ait plus de raison dans ces agissements humains que dans les précautions des souris. Lor des hommes ne vaut rien pour les souris, non plus que les noyaux des souris ne valent pour les hommes, mais que valent les noyaux et les pistoles des morts. Sur ces bases, et pour le moment, voulez-vous constater quil y a beaucoup moins de distance entre lanimal et lhomme que ce dernier ne veut ladmettre. Même en ce qui concerne la capacité à agir sur la nature à travers la maîtrise des outils et des armes, il sagit bien plus dune progression graduelle diffuse que de franchissements de seuils importants précisément établis.
Les réponses forment une nébuleuse, une sorte de chaos qui suit ses lois inconnues, aux termes desquelles nous croyons parfois distinguer un vecteur orienté vers un progrès dont nous serions la flèche. Nous retrouvons universellement cette complexité constamment révélée quelle que soit léchelle utilisée pour lexamen de la question. Si nous prenons suffisamment de recul dans lexamen général des manifestations de la vie, un schéma plus global semble apparaître. Quel que soit le système ou le groupe vivant considéré, on a limpression que des grands principes formateurs indépendants sont à luvre. On trouve dans chacun deux des êtres qui marchent, dautres qui nagent ou qui volent. Il y a des partout des prédateurs et des proies, des carnivores et des herbivores, des actifs et des tranquilles, des rapides et des lents, même chez les plantes. On trouve chez les poissons des fauves, des loups et des moutons. On trouve chez les hommes, des tigres, des agneaux, des bufs, des poissons, des serpents, des crapauds, ou parfois même des végétaux. Imaginez votre totem. Chacun peut chercher son modèle de vie, et découvrir son totem personnel, dans le monde qui lentoure. Cest une recherche très instructive sur le chemin de la véritable connaissance de soi. Ainsi dailleurs, les anciens féodaux choisissaient-ils leurs orgueilleuses devises, leurs blasons, et leurs pièces héraldiques chargées de symboles totémiques. Jai précédemment essayé de vous montrer combien notre connaissance du monde est colorée par les caractéristiques limitées de nos organes sensoriels. Jai désiré vous amener à admettre la très grande similitude de lhomme et de lanimal. Cela ne signifie pas que je désire identifier complètement lhomme à lanimal. Mais si lon veut réellement différencier lhomme par rapport à son environnement existentiel, il faut le faire à partir de bases rationnelles. Il nest pas raisonnable de pratiquer lautosuggestion de la domination universelle. De la même façon que pour les modes de vie et les moyens daction, nous pouvons extrapoler à partir des animaux en ce qui concerne la pensée. Sur la base dobservations attentives, nous pouvons raisonnablement croire que nous partageons avec beaucoup despèces animales la faculté de représenter mentalement la nature des éléments repérés dans le réel extérieur, leur interaction avec lobservateur, et les conséquences prévisibles de cette interaction. Cette faculté est organisée dans un système permettant de combiner entre eux les icônes de diverses sortes représentant ces différents éléments. Bien évidemment lefficacité globale du système dépend étroitement de la capacité de mémorisation disponible. Lanalyse combinatoire nous démontre que le nombre de combinaisons croit bien plus vite que le nombre des éléments mis en uvre. On a pu montrer que cette efficacité était liée à la fois au nombre de cellules nerveuses spécialisées présentes dans la matière cérébrale et au nombre de connections neuroniques établies simultanément entre ces cellules. Par rapport aux animaux, ces deux nombres sont très significativement plus élevés chez lhomme, ce qui lui donne une capacité opérationnelle beaucoup plus importante. On a pu estimer quun cerveau humain dispose de cent milliards de neurones. Cest un chiffre tellement énorme que sa signification réelle nous échappe complètement. Sachant que cent mille neurones meurent chaque jour, il nous en reste encore plus de quatre-vingt-dix milliards à la fin de notre vie. Toutes ces cellules sont reliées entre elles par des centaines, voire des dizaines de milliers, dinterconnexions. Il faut que le cerveau puisse exploiter une telle richesse fantastique dinformations. |
Le proto langage humain. Pour des raisons que jessaierai dexposer plus loin, le proto langage mental humain, figuratif, est traduit secondairement dans un langage déchange, qui peut être accessoirement verbalisé, éventuellement en plusieurs langues, y compris posturales, gestuelles, ou vocales. Jinsiste sur cette notion de langage déchange qui paraît très importante. Lorsque le proto langage imagé, utilisant des icônes privés à usage interne, est traduit en signes spécifiquement destinés à la communication, donc en signaux à usage externe déchange, on change de niveau. A partir de là on passe à lutilisation dun lexique collectif et partagé, lequel peut être non verbal. Même non vocalisé, ce lexique est composé de mots. On a maintenant affaire à des " mots mentaux ". Une nouvelle couche est ajoutée au biomécanisme cérébral. Pour décrire ce nouveau système, les linguistes utilisent des termes précis tels les " les sémantèmes " qui sont des éléments de significations liés à un signe, quils associent aux " lexèmes " qui sont les formes spécifiques prises par ces signes. Nous ne les suivrons pas dans ce domaine très spécialisé, tout en signalant que nous parlons surtout ici des " monèmes ". Notons cependant ici que de nouvelles familles de signes déchange apparaissent, parmi lesquelles celles qui résultent de lacquisition des apprentissages techniques et sociaux, liées encore plus étroitement aux caractéristiques partagées de lenvironnement de vie. Le passage des mots mentaux aux signaux codés, gestuels ou sonores, implique une traduction nécessitant lapparition dune couche biomécanique cérébrale supplémentaire associée à la production dorganes de signalisation adéquats. Le développement par lhomme de mots verbaux, émis par un appareil vocal perfectionné, en est une forme particulièrement remarquable. Le fonctionnement cérébral est dautant plus complexe quon utilisera plusieurs langues dexpression. Les polyglottes savent que lon peut penser en plusieurs langues, mais que le mode de pensée change avec le langage utilisé. Poursuivons cet exposé sans trop le compliquer. Nous considérerons que les mécanismes dexploitation des groupes de signes, codés aux fins déchange, fonctionnent comme un système de fiches. Celles-ci sont organisées et classées avec des index croisés qui en permettent la manipulation. On a appelé cela le système cérébral "lexico sémantique". Cest une sorte de dictionnaire intérieur contenant séparément différents éléments liés entre eux. (Sens, orthographe, lecture, écriture, prononciation, etc.). Il est nécessaire de comprendre comment cet outil est utilisé pour aboutir à lélaboration dune représentation du réel extérieur intelligible et conscient, utilisable par la raison. Le cerveau humain est ainsi fait quil ne permet la fixation de lattention vive que sur un seul objet mental à la fois. De ce fait, il fonctionne systématiquement en découpant dans le fantasme sensoriel ou conceptuel global soumis à lexamen, la seule partie répondant aux critères de sélection, en rejetant le reste dans une globalisation opposée et complémentaire. Tout ce que jappelle objet mental fantasmatique, depuis le précédent chapitre, subit cette dichotomie dés lors quil est soumis à la critique de la raison. Cela se produit systématiquement, que le fantasme provienne actuellement des organes des sens, quil soit puisé dans les banques de souvenirs, (ou quil soit lhabituelle combinaison des deux origines). Si lon attribue une propriété quelconque à un mot désignant un objet, physique ou mental, le cerveau explore de façon automatique les données totales disponibles dans ses banques, et les découpe à partir des critères de recherche. Il en extrait la représentation de lobjet, (ou du groupe des objets), qui possède cette propriété remarquable, et en forme un icône particulier. Il regroupe alors les objets qui nen disposent pas dans un ensemble complémentaire qui est écarté. Cette façon de faire peut aboutir, et aboutit en fait, à des résultats très étonnants, qui pourtant paraissent normaux et évidents à la plupart des gens. Pour me faire bien comprendre, je vous propose, en intermède, la petite expérience effective que voici. Concentrez-vous sur un concept relatif à un objet simple. Une " table ", par exemple. Manipulez mentalement ce concept pendant quelques secondes, en liaison avec votre système lexico sémantique personnel. Puis, évaluez pour chacun des mots ci-après, combien votre système met de temps pour contrôler quils sont bien dans les banques de son lexique. Table de cuisine, Avez-vous constaté que les temps daccès aux banques internes sont, en général, courts, environ quinze millisecondes. Mais certains cas accrochent, et nécessitent des temps beaucoup plus longs, par exemple cent millisecondes. Cest que les termes correspondants ne sont pas stockés de la même façon. Ils ne sont pas accessibles par lindex de fonction, mais ils nécessitent un passage supplémentaire par un autre index, par exemple orthographique. Cela est suivi dune réorganisation temporaire du contenu des banques. Les histoires drôles fonctionnent avec les mêmes mécanismes, non pas au niveau de la signification dun mot, mais à celui de la cohérence dun récit. La conclusion logique attendue est remplacée par un détournement qui provoque un allongement de la prise de sens. Ce temps peut être très long. Par exemple cette très courte histoire belge entendue à la radio. " Cétait un français ". (Note pour les Français, dont je suis - C'est tout, c'est fini) En principe, cela devrait faire rire immédiatement les Belges et hésiter longtemps les Français. En revanche, la simple annonce d’une histoire belge ou suisse prépare le rire sarcastique des français. Avant de conclure, et pour le plaisir, je vous en donne deux autres, de notre ami Pierre Dac. " L’élan du cœur n’a rien de commun avec l’élan du grand Nord ". " Rien n’est plus semblable à l’identique que ce qui est pareil à la même chose ". |
Le sens est préparé avant la présentation au conscient. On voit bien ici que linterventionnisme du mental va bien plus loin que le simple remplacement de stimuli sensoriels par des icônes complexes impliquant une relation avec le sujet. Nous constatons en fait, que le sens logique de lenchaînement des parties du discours est préparé avant la présentation au conscient. Le sens est préparé avant la présentation au conscient. Il sagit du même genre de travail que celui quaccomplissent les organes sensoriels, par exemple visuels, sur les stimuli extérieurs avant leur transmission au système central.
Je vous propose maintenant daller un peu plus loin dans notre petite expérience dexploration du fonctionnement mental. Il sagit dexpérience pratique et réalisable, à la portée de chacun. Reprenons notre exemple de la table. Nous avons vu que le cerveau a recherché un index daccès à son lexique. Puis il a été amené à modifier cet index, en faisant appel à une représentation différente de cette table, cest-à-dire à un autre concept. Il faut ici bien réaliser, que ce concept simple de la table peut différer énormément dune personne à lautre en fonction de sa représentation personnelle. Un concept combine un schéma simplifié, élaboré à partir de percepts mémorisés, et des relations mémorisées, entre ces percepts et le sujet. Le concept de table prendra donc en compte les habitudes culturelles et alimentaires des utilisateurs. Il faut sattendre à une différence importante entre celui du citadin européen et celui du pasteur nomade des steppes de Sibérie ou du Sahel. Nous pouvons utiliser notre cerveau pour créer un autre type dobjet mental, à savoir créer une représentation visuelle sur un écran intérieur, une image mentale véritable dont nous allons tenter dexaminer les propriétés. Avec cet exemple de la table, nous allons donc faire une courte expérience intérieure. Efforcez-vous de visualiser mentalement une table de votre connaissance, si possible étroite et longue, comme un comptoir. Imaginez quun pot de verre transparent contenant un liquide soit posé sur ce comptoir. Il faut que ce pot possède une poignée latérale comme un bock de bière par exemple, ou un pot de café. Visualisez sur le comptoir, ce pot avec sa poignée à gauche, et maintenez un instant la conscience claire de cette image. Maintenant, déplacez mentalement le pot jusquà lextrémité droite du comptoir, et examinez ce quest devenue limage. Vous constatez plusieurs choses.
Autre exercice. Ramenez le pot devant vous, puis faites le tourner autour de son axe vertical, ce qui est visualisé par la rotation de la poignée. Constatez à nouveau.
Maintenant rappelez-vous bien que ce pot contient un liquide dont le niveau est visible. Faites pivotez le pot autour dun axe horizontal. Que se passe-t-il ?
En plaçant le comptoir devant un décor, on peut aussi mettre en évidence lexistence de limites aux bords de limage. Celle-ci a donc un champ déterminé variable avec la taille des objets représentés. Cest une notion que devraient prendre en compte tous les professionnels de limage et des médias visuels. Ce fonctionnement mécanique automatisé de l’imagerie intérieure est tout à fait étonnant car on constate que les êtres et les objets qui sont représentés possèdent la plupart des attributs et des propriétés que nous attribuons à travers les percepts à leurs correspondants réels. Ils ont des proportions relatives correctes, une perspective, une vitesse et une inertie, une cinématique. Ils sont inscrits dans le cadre de limites du champ visuel, et sont même soumis à des contraintes culturelles qui interdisent, par exemple, de renverser un vase plein. Les objets imaginaires ont les propriétés mêmes que nous attribuons au réel. C’est ce fonctionnement automatisé qui est mis en œuvre de façon inconsciente au cours des rêves, des illusions, des délires ou des hallucinations. On a également montré que des images de ce type, donc initialement mémorielles, pouvaient être combinées avec des percepts sensoriels actuels, pour former une image composite dont on peut difficilement distinguer la vraie nature. |
Des mécanismes inconscients. Une question se pose ici. Il faut considérer à la fois lextrême importance réservée par le mental aux traces laissées dans la mémoire par les expériences individuelles, et lusage intensif qui en est fait constamment, y compris dans le traitement dun stimulus fugace pour en extraire un percept significatif. On peut alors en conclure que des différenciations individuelles sont telles quil ne peut y avoir aucune harmonisation dans les comportements de ces individus même au sein du même groupe ou de la même espèce. Heureusement la nature a mis en place des mécanismes de compensation et dharmonisation. Ils fonctionnent au niveau de linconscient le plus profond. Ils permettent déjà au nouveau-né de donner un sens commun aux perceptions sensorielles initiatrices après la naissance. Cest le sens parfois donné à " larchétype ". Par des moyens liés aux gènes, le support matériel du mental des êtres vivants serait préparé pour lélaboration de formes en creux, cest à dire dobjets mentaux préfabriqués, partagées par les groupes vivants. On peut se les figurer comme étant des boites préalablement étiquetées, mais vides. Les premières expériences vécues rempliraient ces boîtes disponibles avec les images mentales des objets réels correspondants. Cest de cette façon que lon peut comprendre les phénomènes dimprégnation qui sont mis en évidence par les expériences présentant une " mère artificielle " à des animaux nouveau-nés. ( Par exemple LORENZ avec les oisons). La forme vide, étiquetée " Maman ", combinée avec les relations préétablies de comportement social qui lui sont reliées, serait remplie par limage mentale du premier objet répondant aux conditions de sélection adéquates, particulières à lespèce. Cela peut être la vraie mère, mais parfois aussi lhumain nourricier ou un chiffon doux et coloré au bout dun bâton. Il est tout à fait démontré que ces mécanismes sont également fonctionnels chez le singe et chez lhomme. Ils peuvent très évidemment expliquer de graves déviations comportementales dont lorigine sera vainement recherchée dans lhistoire consciente du sujet. Le célèbre psychologue suisse, JUNG, va beaucoup plus loin. Dans une sorte dalchimie conceptuelle quil appelle la psychologie des profondeurs, il fait de lensemble des archétypes accessibles dans le cosmos, et partagés par les vivants, les bases unificatrices des individus, des familles, des espèces, et même de lunivers. Nous reviendrons plus tard sur les études menées par JUNG en coopération avec Von PAULI, savant physicien de très haut niveau. Elles permettent de supposer que des canaux de communication encore mystérieux et inconnus, établissent des liaisons, parfois acausales mais synchrones, entre tous les objets et tous les points du cosmos, quils soient inertes ou vivants. Pour évoquer ce que signifie le concept de synchronicité acausale introduit par ces deux savants, je vous propose un nouvel intermède. Je vous conterai donc brièvement l'histoire merveilleuse d'un homme du siècle dernier. Elle laisse beaucoup à penser au sujet de la vraie nature du monde, du hasard et de la liberté. Il s'appelait Edwin Laurentine Drake, mais on le surnommait le colonel. C'était un singulier personnage, assez original, qui vivait aux Etats Unis. En août 1858, il voulut créer une petite affaire commerciale personnelle, et entreprit de chercher de l'huile de schiste pour les lampes d'éclairage. Il décida tout à fait par hasard, et en fonction de circonstances parfaitement fortuites, de creuser un petit puits dans un village américain nommé Titusville. Le colonel n'était pas riche, et pouvait seulement payer deux ouvriers tâcherons pendant quatre jours. Attention, c'est ici que le sort trébuche. A la fin du quatrième jour, quelques heures avant le soir, les deux ouvriers d'Edwin Drake rencontrèrent le pétrole. La nappe d'huile se trouvait exactement à vingt-trois mètres de la surface. Plus jamais au monde, après ce premier puits, on ne trouva de pétrole aussi prés de la surface du sol. Le Colonel Edwin Laurentine Drake creusa le 27 août 1858 son premier puits, en trouvant, par hasard, le seul endroit au monde où ce pétrole lui était accessible. Au soir du premier jour de la nouvelle ère, les ouvriers avaient recueilli trois barils d'huile brute qu'ils raffinèrent pour en faire du pétrole lampant. Ils éliminèrent donc toutes les impuretés dangereuses ou nocives, telles l'essence et les éthers volatils, et comme ils étaient pauvres, cherchèrent partout ce que l'on pouvait bien en faire. Ces déchets sont aujourd'hui produits par milliards de tonnes, et couvrent actuellement l'essentiel des besoins humains dans tous les domaines de la vie courante. Comment appeler ou définir le facteur mystérieux qui guida le choix hasardeux du creusement de Drake aux premiers temps de lautomobile et à l'annonce de lère du Verseau. Avant de répondre, essayez donc de calculer la proportion de chances pour que cela se produise. On peut ici imaginer, irrationnellement mais simplement, que le pétrole était là, les hommes et le besoin aussi, et que le temps était venu de le découvrir. Drake, mystérieusement informé, fut linstrument synchrone de cette découverte acausale. Comme on le voit, les modes et les moyens de communication entre les êtres, vivants ou inertes, pourraient dépasser de très loin tout ce que nous savons, concernant les possibilités de nos organes sensoriels, ou celles dautres canaux encore inconnus. |
Les confins du réel total véritable, le Zoran, demeurent à jamais hors de portée. Lorsque nous portons le gigantesque regard de nos télescopes vers l'indéfiniment grand, nous découvrons sans cesse de nouvelles structures organisées, qui englobent le déjà connu dans un nouvel aspect, toujours plus inaccessible. Et lorsque nous braquons l'il démesurément myope de nos microscopes électroniques, sur l'indéfiniment petit, nous voyons également éclore ces structures toujours nouvelles d'aspect et de complexité, débouchant également sur d'autres organisations imbriquées, tout aussi inaccessibles. Il en est de même pour les structures vivantes, supports évolutifs de la pensée. Plus leur étude progresse, plus leur admirable complexité se révèle. Mais cela, le Zohar nous l'avait déjà dit. Chaque chose dans une autre chose. Chaque vie dans une autre vie. A lorigine, il y a le seul mystère. La particularité la plus fondamentale de lanimal humain est sa capacité à développer une personnalité propre, dotée dun ego conscient. Nous pouvons cependant penser quelle sest un jour caractérisée par lélimination organique et systématique de certaines facultés. Je pense particulièrement à la suppression volontaire de la capacité de réception intuitive des signaux collectifs émis à lusage commun du groupe grégaire auquel le pré humain appartenait. Beaucoup danimaux semblent disposer de cette aptitude collective. Ils peuvent émettre et recevoir, par des canaux divers, parfois inconnus, des signaux dinformation ou dalarme, utiles à chacun. Au stade primitif, ils les émettent systématiquement et leur obéissent aveuglément, mais lorsque lon sélève dans la hiérarchie de lintelligence animale, on constate une tendance croissante à masquer ou truquer lémission de ces signaux, dés lors quils induisent des désagréments pour lindividu émetteur. Les grands singes, nos cousins, agissent ainsi pour tromper délibérément les membres du groupe, et tout particulièrement pour détourner lattention des dominants, afin de sapproprier en cachette nourriture ou avantages. Lhumanisation aurait-elle commencé par le mensonge ? La tromperie dans le message émis aurait-elle provoqué secondairement la méfiance puis lindifférence pour le message reçu, avec pour conséquence lapparition de la sur valorisation du soi quest lego inflationniste. Nous nen savons bien évidemment rien. Un point nen reste pas moins vrai qui celui du fonctionnement inconscient et mécanique de lappareil mental. Lessentiel du fonctionnement mental est inconscient. Nous le savons, lintelligence, dans lacception de ce mot signifiant laccès à la conscience, ne traite que la partie émergente de liceberg de lactivité mentale. Le conscient, à son niveau, ne reçoit que les résumés succincts, exposant de façon aussi cohérente que possible, les matériaux constituant les éléments les plus plausibles de la situation actuelle. Ce constat nous amène à envisager des systèmes extrêmement variés, complexifiés à tous les niveaux. Nous savons que ces systèmes permettent une représentation symbolique cohérente des éléments extérieurs et de leurs interactions avec les organismes concernés. Ils deviennent donc utilisables, en tant que moyen de recherche, pour lobservation consciente et raisonnée des caractéristiques du monde extérieur, dans le but dune connaissance descriptive. Cette exploration est donc figurative. Primitivement limitée à lextérieur du corps physique de lobservateur, elle sera ensuite étendue à lenveloppe même de ce corps. Le mental en formera une image stable, mémorisée et reconnaissable, qui acquerra donc un caractère personnel. La description mentale explorera et mémorisera les facultés diverses reconnaissables, jusquau contenu interne du corps. Progressivement, le centre dobservation mental placera sa propre localisation dans cette personne physique quil reconnaît après lavoir mémorisée. Puis il senfermera dans limage de cette enveloppe superficielle, et senfoncera progressivement dans lintérieur jusquà occuper un centre ponctuel, non localisé, artificiel tout à fait abstrait, mais supposé autonome et distinct, lego. Dés lors, et à linstar des philosophes orientaux, nous pouvons considérer quil y a rupture de lunité entre deux entités. - Dune part le Monde extérieur réel, inconnu ou mal connu, et donc mal mémorisé, qui est globalisé et rejeté conceptuellement à lextérieur, lAutre. - Dune part, la fraction connue du Monde, représentée par un objet mental de plus en plus complexe, composé de tous les éléments mémorisés de nos expériences passées. Cet appareil composite est notre conscient. Il est placé sous le contrôle dun centre observateur interne, sans dimension, localisé en un point central imaginaire de notre personne, lEgo. |
Le mental ressemble à une maison. Krisnamurti nous dit que nous pouvons considérer notre conscient comme une maison. Il est organisé de la même façon, avec différentes pièces, plus ou moins accessibles, plus ou moins souvent utilisées. Une maison quelconque ne devient notre que lorsque nous y apportons nos propres meubles et nos propres objets, et que nous lhabitons. Chacun de nous garnit la sienne avec les objets mentaux dont il dispose, plus ou moins connus et familiers, plus ou moins conscients ou inconscients. En réalité, cest ce contenu particulier, propre à chacun, entièrement puisé dans le passé et lexpérience personnelle qui constitue lego. Il ny a pas de maison sans murs. La maison protège son contenu, cest-à-dire la somme des expériences, lego, contre les peurs, lagression, la souffrance, linconnu extérieur. En même temps elle nous enferme dans les limites de la fraction interne du Monde total que nous avons appropriée. Lego ordonne les représentations internes dont il dispose selon son humeur, ou sa conviction, du moment, et il les hiérarchise. Il décide que telle conviction est supérieure à telle autre, que tel comportement est plus méritoire que tel autre, que cette action est bonne et cette autre mauvaise, que Pierre est notre ami ou notre ennemi, et autres fantaisies. Comprenons que si lego décide duser dune fonction cérébrale supérieure, par exemple de la raison, pour accéder à un état de conscience différent, il ne pourra que modifier lordonnance des objets dont il dispose. Il les placera donc dans un ordre différent, lancien ordre devenant le désordre du nouvel état. On voit bien quil ny a pas de vraie novation dans cet ajustement. Cest toujours le même conscient, le même ego, qui habite la maison. Il sest simplement disposé autrement. Cette activité de rajustement est constante et continuelle. Nous lappelons la pensée. On voit bien que la pensée ne peut pas modifier réellement le contenu du cerveau puisquelle fonctionne toujours à lintérieur des murs, en utilisant seulement les produits du passé. Pour enrichir le contenu en introduisant un objet nouveau dans cette maison, il faut aller le chercher à lextérieur. Cest le rôle de lintelligence. Celle-ci ne travaille généralement pas avec des images mémorisées dexpériences passées, quelles soient figurées par des mots représentatifs du réel ou de lirréel, ou enfouies de façon inaccessible au plus profond des placards de la conscience. L’intelligence fonctionne instantanément, au moment présent et au contact du réel. Elle agit à l’extérieur en ignorant l’ego. Elle met le conscient, intérieur et limité, en contact avec un réel extérieur qui le dépassait jusqu’alors, et qu’il faudra bien dorénavant intégrer au conscient. Lintelligence est extérieure à lego. Elle est donc également extérieure à la volonté du conscient. Elle illumine lintellect de celui qui est capable douvrir la maison dans laquelle senferme son ego, et daller chercher à lextérieur les aspects nouveaux de la manifestation du réel. Puisquelle vient du dehors, elle nest donc pas réellement une faculté réservée à un homme particulier, qui en disposerait en propre dans son domaine personnel. Lintelligence existe en général dans le Monde, (mais certains hommes y ont un accès plus privilégié que dautres). Pour revenir à notre thème actuel de travail, ce nest pas le processus délaboration de la personne et de lego qui est à létude. Ce nest pas non plus la description précise et détaillée du mécanisme de manipulation des vrais "mots " ou des "mots mentaux", qui importe, mais le propos suivant. Nous devons considérer que ces changements de niveau permettent des changements dusage. On peut dorénavant passer de la manipulation de signes représentatifs liés au réel, à la manipulation de signes significatifs en eux-mêmes, destinés à des personnes dotées dun ego autonome. Dés lors, les combinaisons de ces signes ne sont plus seulement induites par larrivée de stimuli extérieurs. Elles peuvent aussi dépendre de léventuelle volonté, de limagination, de la fantaisie, de lhumeur ou du caprice de leur manipulateur. Les fonctions cérébrales supérieures deviennent possibles. Avec les mots, la faculté combinatoire, la pensée, nélabore plus un simple reflet intérieur symbolique lié au réel total véritable, le mystérieux Zoran, mais elle crée un sens propre. |
La pensée devient potentiellement créatrice d'illusion. Réorganisant à son gré son propre chaos intérieur dimageries électrochimiques symboliques, la pensée donne naissance à un univers intérieur fantasmatique, artificiel, fermé et personnel, isolé du réel extérieur dont il nest plus la représentation naturelle. Cet univers intérieur comprend tout à la fois les symboles représentatifs, artificiels et irréels, des éléments mémorisés du réel extérieur et de leurs interactions avec le sujet, mais aussi les produits artificiels également mémorisés, dexistence uniquement conceptuelle, lesquels sont nés de la logique limitée et de limagination débridée du conscient contrôlé par lego. Cet univers nest quirréel, il est donc trompeur. Dans sa démarche exploratoire, l’homme peut oublier, (et il oublie souvent), l’existence fondamentale et la réalité essentielle du réel total véritable, lunique et mystérieux Zoran dans lequel il se trouve. Il peut arriver à croire, (et il croit fréquemment), que l’univers intérieur conceptuel et imaginaire, issu de sa pensée combinatoire, constitue le seul et véritable réel extérieur, avec lequel il s’identifie. Car l ego, qui est la somme des pensées, nutilise que ses propres images. Il est seulement le mouvement continuel de ces images, puisées dans le passé, dont il a fait le reflet illusoire du Monde actuel. Lorsque lego regarde ce monde intérieur artificiel, cest donc toujours un reflet irréel qui se regarde lui-même. Il ne peut que se trouver beau et satisfait de ce quil voit. Dés lors, refusant lillumination de lintelligence, lhomme sépare son Univers intérieur, son ego, du Zoran, le réel total véritable. Refusant lunicité, il provoque la multiplicité. Comme Alice au pays des merveilles, il a traversé un miroir sombre aux mirages trompeurs. Il est derrière le miroir magique et noir des mots. A lenvers de ce miroir mental, lego ne manipule que des reflets électrochimiques, synthétiques et fugitifs, quil considère comme constitutifs tout à la fois de lirréel autant que du réel. Le réel total véritable, lAutre, (ou lAilleurs), est dorénavant séparé et rejeté à lextérieur de la personnalité consciente. Et en cela hélas, il devient donc à jamais non expérimentable. Dieu fit ce
singe à son image, |
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