Les mythes platoniciens de
réincarnation
La
théorie de la renaissance (ou réincarnation) remonte à l'Orphisme qui la
considérait comme une connaissance secrète réservée aux initiés des religions à
Mystères. Platon ne la présentait pas comme une hypothèse mythique, mais comme une
conviction philosophique. Dans le dialogue de Phédon, il dit que chaque âme
use plusieurs corps, surtout si sa vie dure de longues années. Pour le
philosophe, cette conviction a pour conséquence logique la mémoire de
ces expériences qu'il appelle réminiscence. Insistant sur cette idée, il fait dire
à Socrate, dans le dialogue de "Menon", que l’âme de l’homme est immortelle, que
tantôt elle s’échappe, ce qu’on appelle mourir, et tantôt reparaît, mais ne
périt jamais, et que, pour cette raison, il faut mener une vie la plus sainte
possible. Quand Perséphone, dit Socrate, a reçu des morts la rançon d’une
ancienne faute, elle renvoie leurs âmes vers le soleil d’en haut, à la neuvième
année. Et concernant la connaissance, puisque l’âme est immortelle et qu’elle a
vécu plusieurs vies, elle a vu tout ce qui se passe tant ici que dans l’Hadès,
et il n’est rien qu’elle n’ait appris. Comme tout se tient dans la nature et que
l’âme a tout appris, rien d’empêche qu’en se rappelant une seule chose, (ce que
les hommes appellent faussement apprendre), elle retrouve d’elle-même toutes les
autres, pourvu qu’elle soit courageuse et ne se lasse point de chercher, car
chercher c’est bien autre chose que se ressouvenir. "Et je ne puis donc,
dit
Socrate, t'enseigner aucune chose puisque je soutiens qu'il n'y a pas
d'enseignements mais seulement des réminiscences".
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Illustration de la réminiscence par Dali - (l'Angelus de Millet)
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Plus
loin, Socrate insiste. Si l’âme est immortelle, il faut en prendre soin, non
seulement pour le temps que nous appelons vivre, mais pour tout le temps à
venir, et l'on s’expose à un terrible danger si on la néglige. Si la mort nous
délivrait de tout, quelle aubaine pour les méchants d’être débarrassés à la fois
de leur corps et de leur méchanceté. Mais pour l’âme immortelle, il n’y a
d’autre moyen de se sauver que de devenir la meilleure et la plus sage possible.
En quittant le corps, elle ne garde que l’instruction et l’éducation, qui sont
ce qui sert ou nuit le plus au mort, quand il part pour l’autre monde. En effet
après la mort, le génie que le sort a attaché à chaque homme le conduit en un
lieu où les morts sont rassemblés pour qu'ils se rendent chez Hadès. Lorsqu’ils
y ont reçu le sort qu’ils méritaient et qu’ils y sont restés le temps prescrit,
un autre guide les ramène ici, après de longues périodes de temps. Mais la route
de l'Hadès n’est ni simple, ni unique puisqu'on y a besoin de guides .Il y a
beaucoup de bifurcations et de détours. L’âme réglée et sage suit son guide et
n’ignore pas ce qui l’attend, mais celle qui est passionnément attachée au
corps, reste longtemps éprise de ce corps et du monde visible. Ce n’est qu’après
une longue résistance et beaucoup de souffrances, qu’elle est entraînée de force
par le génie qui en est chargé. Rejoignant les autres, l’âme qui a fait le mal,
ou commis des meurtres ou d’autres crimes, voit tout le monde se détourner
d’elle et erre longtemps seule jusqu’à ce que la nécessité l’entraîne dans le
séjour qui lui convient. Mais celle qui a vécu toute sa vie dans la pureté et la
tempérance et qui a eu le bonheur d’être guidée par les dieux trouve tout de
suite la résidence qui lui est réservée.
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Hadès |
Voici ce qu'énonce Socrate
dans le "Georgias". Écoute donc ce que je crois être une vérité. Après
l'avoir reçu des mains de leur père, Zeus, Poséidon et Hadès se partagèrent le
Monde. La loi de Cronos était que le mortel qui avait mené une vie juste allât
après sa mort dans les îles Fortunées, et qu'au contraire celui qui avait vécu
dans l'injustice allât dans le lieu de punition appelé Tartare. Les hommes
étaient alors jugés vivants par des juges vivants, qui fixaient leur sort juste
avant leur mort. Hadès et les gouverneurs des îles Fortunées dirent à Zeus qu'on
leur envoyait des hommes qui ne méritaient pas le sort assigné. Les jugements,
dit Zeus, sont mauvais parce qu'on juge les hommes tout vêtus et lorsqu'ils sont
en vie. Certains ont l'âme corrompue mais sont revêtus de beaux corps et de
richesses et l'on atteste qu'ils ont bien vécu. Les juges eux mêmes, jugent
vêtus, ayant devant leur âme leurs yeux, leurs oreilles et leur corps qui les
enveloppe. Leurs vêtements et ceux des personnes qu'ils jugent sont autant
d'obstacles. Prométhée ôtera aux hommes la prescience de leur dernière heure.
Ils seront jugés après leur mort, dans une nudité entière de ce qui les
environne. Le juge lui-même sera nu, mort, et examinera immédiatement, dans son
âme, celle de chacun, aussitôt mort, et nu, afin que le jugement soit juste.
J'établit donc pour juges trois de mes fils, deux d'Asie, Minos et Rhadamanthe,
et un d'Europe, Eaque. Après leur mort, ils rendront les jugements là où
aboutissent trois chemins, dont celui des îles Fortunées et celui du Tartare.
Rhadamanthe jugera les hommes d'Asie, Eaque ceux d'Europe, et Minos décidera en
dernier ressort dans les cas litigieux, afin que la sentence soit parfaitement
équitable.
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Les trois juges des Enfers, par Gustave Doré |
Et Socrate
poursuit. Il y a sous terre des fleuves intarissables qui roulent des eaux chaudes et froides,
et des rivières de feu. Tous se
jettent dans l’abîme du Tartare et
en sortent à nouveau. Quand les morts arrivent à l’endroit où leur génie les
amène, ils sont jugés. Ceux qui on tenu l’entre-deux dans leur conduite, se dirigent vers l’Achéron, s’embarquent
dans des nacelles qui les portent au marais Achérousiade. Ils y habitent un temps et s’y purifient. S’ils ont commis des injustices, ils en
supportent la
peine puis sont absous. S’ils ont fait de bonnes actions, ils en
obtiennent la récompense, chacun suivant son mérite. Ceux qui sont
jugés incurables à cause de l’énormité de leurs crimes sont précipités dans le
Tartare d’où ils ne sortiront jamais. Ceux qui ont commis des fautes
grandes mais expiables, ont frappé leur père ou leur mère puis s'en sont
repentis, ou ceux qui ont commis un meurtre dans des
conditions similaires, ceux-là doivent aussi être
précipités dans le Tartare, mais lorsque qu'ils y ont passé un an,
le flot les rejette. Quand le courant les a ramenés au bord du marais Achérousiade, ils appellent à grands cris ceux qu’ils ont tués ou
violentés, les supplient et les conjurent de les laisser aborder. S’ils les fléchissent, ils
descendent et voient la fin de leurs maux, sinon, ils sont de
nouveau emportés dans le Tartare et punis jusqu’à ce
qu’ils aient fléchi ceux qu’ils ont maltraités. Enfin ceux qui qui sont
reconnus pour la sainteté de leur vie
sont exemptés de ces séjours souterrains. Délivrés de l'emprisonnement, ils
montent habiter sur terre dans de pures demeures. Parmi eux,
ceux qui se sont purifiés par la philosophie vivent à l’avenir
absolument sans corps, dans des lieux encore plus beaux.
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Les méchants sont précipités dans le Tartare
le volcan du Tartare |
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