Arts et Sciences, Hommes et Dieux
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( Mise à jour de juillet 2017 )
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  Petit Manuel d’Humanité

CAHIER 35 - Les antiques religions à Mystères.

MANUSCRIT
ORIGINAL


 
N° 00035434
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réservés

 

Table des Matières interactive.

Introduction.
Les religions à Mystères.
Adonis, Cybèle et Attis.

Sérapis, Isis et Osiris.
Mithra et le Soleil.

Sol Invictus et le Paléochristianisme.

Le Mithaeum de San Clemente.

Moteur de recherche & Barre de navigation.

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 Les antiques religions à Mystères.

Introduction

 

 

Sol Invictus

Entre les années  ~300 et +400, l'empire de Rome est à son apogée. Il a intégré le grand Empire d’Alexandre et s’étend de la Manche à la Mer Rouge et à l’Atlantique, incluant la Grande Bretagne, la Gaule, une partie de la Germanie, l'Ibérie, l'Italie, la Grèce et les Balkans, l'Afrique du Nord, l'Egypte, la Perse,  la Turquie et tous les petits états riverains de la Méditerranée, (la Mare internum, ou Mare nostrum, la Mer Romaine privée). Malgré les grandes difficultés liées à la dimension de l’empire et aux ambitions humaines, les empereurs romains ont su mettre en place les structures politiques, administratives, économiques, commerciales, juridiques, militaires, (et même religieuses), nécessaires pour faire fonctionner cet immense ensemble et assurer sa sécurité. Jamais dans l’Histoire, les échanges n’ont été plus faciles et plus sûrs, au sein de l’ensemble méditerranéen unifié, qu’au temps des Romains. Les cités et les campagnes reçoivent l’eau distribuée par des aqueducs. Des réseaux de voies de communication, terrestres et maritimes, permettent de voyager et de commercer facilement dans tout l’Empire. Cette situation a débuté entre le ~16ème et le ~14ème siècle, et elle s'est poursuivie pendant plus de mille ans. La Bible hébraïque a été rédigée entre le ~11ème et le ~3ème  siècle avant J.C. Á la fin de cette époque, l'influence grecque et les idées platoniciennes ont profondément marqué la société romaine, et elles ont gagné tout l’Empire. Rome et Alexandrie sont devenues des foyers d’illumination spirituelle et des creusets de transmutation, marqués par une grande tolérance. Dans les quelques siècles qui encadrent la naissance du Christianisme, de nombreux courants de pensée circulent dans le monde antique. Des temples aux divers dieux sont construits partout. Il y a même à Rome un temple au "Dieu inconnu". Les différentes écoles cohabitent et envoient des missions un peu partout pour répandre leurs cultes et leurs idées, (et cela concerne aussi la Palestine et le Judaïsme). Cette importante turbulence amène des confrontations qui opposent les anciens cultes agraires traditionnels aux religions spiritualistes nouvelles et aux idées des penseurs néo-platoniciens, hermétistes, gnostiques et chrétiens.  

  

Les religions à Mystères

 


 

 

Dionysos
 

Les cultes à mystères apparaissent progressivement dans le Monde romain entre les années  ~300 et +400, et ils introduisent dans les croyances et pratiques religieuses antiques des concepts d’immortalité de l’âme, de salut et de résurrection et des rituels initiatiques originaux. Sous l’influence de l’hellénisme plus ou moins platonicien qui les tolère, et au contact des très nombreux immigrants qui s’installent dans l’empire, les Romains accentuent encore leur grande facilité d’assimilation. Ils adoptent les nouveautés doctrinales des croyances étrangères et transforment les cultes orientaux dont les pratiques inhabituelles viennent secouer la morne monotonie de leurs habitudes. La plupart des nouvelles liturgies, (et ultérieurement le Christianisme), s’adressent à des dieux souffrants dont les cultes évoquent la passion. Les fidèles reproduisent sur eux-mêmes les tribulations du dieu. Ces pratiques entraînent des privations pénibles et des souffrances occasionnellement sanglantes. Elles provoquent aussi de frénétiques comportements de défoulement et des émotions violentes qui fascinent les citoyens romains blasés et fatigués par la décomposition politique et les traditions vieillissantes. Les nouveaux initiés  pratiquent même parfois de graves automutilations et des rites pénitentiels de flagellation. Le plus souvent, des paroxysmes extatiques accompagnent la révélation progressive du dieu.

Orphée  (époque romaine) The Orpheos Bakkikos Crucifixion
(Altes museum of Berlin, destroyed Word War II)

La religion romaine traditionnelle avait essentiellement une fonction de cohésion civique. Les nombreux dieux romains habitaient la Terre, intervenant souvent dans les affaires humaines. Les cultes à mystères s'adressent à des divinités abstraites. Les plus connus sont les Mystères d’Éleusis, qui célébraient les deux déesses, Déméter (Cérès à Rome), et Perséphone, mais d’autres vénérations concernaient Apollon, Dionysos, Cybèle et Attis, Mithra, Astarté, Pan, Adonis (et Atargatis, déesse syrienne proche du précédent). Il faut aussi citer des cultes égyptiens tardifs très cotés à l'époque ptolémaïque et romaine tels ceux d’Isis, Osiris, Sérapis, ou Anubis. On rencontrait aussi l'Orphisme, l'Hermétisme (Hermés Trismégiste), et divers Ba’al, (sauveurs), dont ceux connus en Syrie sous les noms de Jupiter Héliopolitain (ou Dolichénien), auxquels s'ajoutaient les divers courants gnostiques et le Christianisme primitif. Les liturgies, prenantes et colorées, s’appuient sur des initiations successives qui expliquent les significations cachées des Mystères. Elles sont accompagnées de baptêmes exaltants dont les rites de mort et de résurrection ponctuent la progression des initiés vers le salut dans un autre monde. Dans chaque niveau initiatique, des cérémonies marquent l’entrée dans une fraternité accueillante, et les rituels comportent souvent des repas en commun qui soudent la communauté.

Dionysos

On distingue les cultes qui dérivent des mythes agraires, attachés au cycle des saisons, de ceux qui visent à relier les âmes humaines au domaine divin. Mais les doctrines intègrent souvent les concepts platoniciens ou mélangent les deux aspects. Un culte ancien est l'Orphisme, dont le héros, Orphée, bien connu par la légende d'Eurydice, serait apparu 1300 ans avant J. C. Fils d'Apollon (ou du roi Œgrus), et de la muse Callipyge, mi-homme, mi-dieu, il serait à l'origine des Mystères d'Eleusis. Á la fois religion initiatique et philosophie, l'Orphisme postule que l'âme humaine réside dans la prison du corps pour expier un crime originel. Elle s'en purifiera, après de nombreuses incarnations, par l'ascétisme et l'initiation spirituelle. Les Orphistes étaient végétariens. L'Orphisme, religion de salut, serait un prélude au Christianisme. Dionysos est aussi un dieu particulier. Fils de Zeus et de Sémélé, qui mourut enceinte en contemplant la gloire du dieu. Zeus porta l'enfant dans sa cuisse jusqu'à sa naissance. Deux fois né, Dionysos est le dieu du vin et de la vie exubérante. Il visita les Enfers, et poursuivi par la jalousie d'Héra, il fut démembré par les Titans avant de devenir immortel. On le célébrait aux fêtes des Dionysies. Il était l'objet d'un Culte à Mystère dont le Cortège Dionysiaque de Satyres et de Ménades, conduit par Silène, aurait déchiré Orphée.

Plus de détails 

Déméter

Les Mystères d’Éleusis célébraient le culte de Déméter (l’antique Terre-Mère préhellénique) et de Perséphone ou Coré, la fille qu’elle conçut de Zeus. C'est une déesse agraire qui occupe une place importante dans la religion grecque. Associée à l’abondance, elle est identifiée à Cérès par les Romains. Dans la légende éleusinienne, Hadès, dieu des enfers, enleva la jeune Coré. Brisée de chagrin, Déméter abandonna sa fonction et la Terre devint stérile. Devant le désastre, Zeus chargea Hermès de libérer Coré. Le rusé Hadès offrit à la jeune femme une grenade dont elle mangea un seul grain. Ayant goûté à la nourriture des morts, elle devrait rester aux enfers. Mais Zeus intervint, décidant que Coré Perséphone passera chaque hiver trois mois chez les morts, et reviendra sur la Terre des vivants le reste de l’année. Fécondée par Zeus, Perséphone conçut un fils, Zagréus, dont l’histoire ressemble à celle de Dionysos. Poursuivi par la jalousie de Héra, (ou Junon), Zagréus revêtit plusieurs apparences. Transformé en taureau, il fut dévoré par les Titans mais la déesse Pallas, (Athéna), préserva son cœur. Zeus foudroya les Titans et absorba le cœur de son fils qui, régénéré, devint Iacchos, assimilé à Bacchus, lui-même identifié à Dionysos. Ces mythes conjoints semblent provenir de cultes agraires primitifs associant en syncrétisme les cultes dionysiaques et l’Orphisme.

Zagreus démembré par les Titans

Les Eleusinies sont les fêtes les plus connues de ce culte antique. Elles auraient été institués à l'instigation de Triptolème, fils de Céréos, qui avait reçu de Déméter la mission de répandre le blé dans le Monde. Célébrées dans le Télestrérion chaque année, elles faisaient participer les fidèles à la résurrection de l’enfant divin revenu de l’empire de la mort. Á Éleusis, avant l'automne, des cérémonies extérieures préparaient la célébration des Mystères. Ces préliminaires ont été bien décrites et nous sont relativement connues. Des reliques mystérieuses, (les hiéra sacrées), étaient transportées en procession jusqu'à Athènes et déposées dans le sanctuaire "Éleusinion". Une excommunication solennelle était prononcée contre les impurs, puis les mystes, (candidats admis), entraient dans la mer pour se purifier. Après quelques jours de retraite et de jeûne, la procession immense des fidèles et des mystes retournait à Éleusis, précédée de l'effigie de Iacchos, des hiéra, et des autorités. Les cérémonies secrètes commençaient dont les rites sont restés mystérieux. La divulgation en était rigoureusement interdite. Les Mystères d'Éleusis étaient extrêmement populaires au-delà même de la Grèce, au point que la salle d'initiation, le Télestrérion, atteignit finalement une surface de 2600 m2. Malgré le nombre immense des fidèles, aucun n'a jamais commis le sacrilège de rompre cet interdit.

Les Mystères d'Éleusis

Les rites séparaient les initiés, appelés à la vraie vie éternelle, des non-initiés, destinés au bourbier infernal. Après avoir rompu le jeûne, les mystes recevaient une révélation bouleversante : Bienheureux qui a reçu cette vision, avant de descendre sous la terre. Il connaît ce qu’est la fin de la vie. Il sait ce qu’est le principe donné par Zeus. (Pindare, Hymne, vers ~480). L’initiation assurait par elle-même le salut et la future survie personnelle du myste. Définitivement sauvé par cette entremise extérieure, il n’était tenu à aucun comportement moral particulier. En cela, au moins autant que par la foi en une vie future et l'orientation monothéiste héritée de l’Orphisme, les Mystères Éleusiniens préparaient le passage du Paganisme au Christianisme. Toutes ces légendes concordent. Dionysos-Bacchus, fils de Zeus et de Perséphone, jalousé par Héra, est tué et dévoré par les Titans primordiaux. Zeus les foudroie. Dionysos ressuscité, nait ainsi deux fois. Les hommes naissent des cendres des Titans avec leur nature animale et matérielle, mais leur âme recèle une parcelle du Dieu dévoré. Et dans la théogonie des Orphistes, six générations divines bouclent sur elles-mêmes. Phanés, (la Lumière originelle), fils de Zeus, est le premier roi des Dieux, suivi de Nuit, d’Ouranos, de Kronos, et de Zeus qui remet enfin son pouvoir au fils, deux fois né, Dionysos, lequel est aussi le retour eschatologique de Phanés, le Lumineux des origines.

  

Le triomphe de Dionysos

Adonis, Cybèle et Attis
 



La mort d'Adonis

 

Adonis était le dieu syrio-phénicien des arbres, des fleurs et des fruits. Son culte évoque la mort et la renaissance de la végétation. Aphrodite s'éprit d’Adonis dés sa naissance. Elle confia l’enfant à Perséphone qui s’en éprit à son tour. Zeus partagea le temps d'Adonis entre les deux déesses. Mais Adonis fut tué à la chasse par un sanglier furieux, et de son sang naquit une anémone. Les Adonies (Mystères) évoquent la mort et la renaissance de la végétation. Leurs célébrations avait lieu l'été, à Athènes, Alexandrie, et Byblos où la fête mobilisait toute la population. Les jeunes filles pleuraient la mort de l'adolescent et étendaient sa statue sur un lit de fleurs. Le lendemain, la statue du dieu était redressée et il était proclamé ressuscité. D'autres rites portaient les femmes à se prostituer aux étrangers et d’en verser le prix au temple d’Aphrodite. Á Athènes, les femmes la célébraient dans les maisons. Elles cultivaient des plantes et des aromates dans des terrines, les célèbres jardins d’Adonis. Les cérémonies et les pleurs se déroulaient autour des jardinets. La fête s’achevait par la cueillette des aromates et des graines, promesses de renouveau. Á Alexandrie, la commémoration était un spectacle. "Aphrodite Isis" et "Adonis Osiris" s’attendrissaient d'abord dans un décor champêtre, avec banquets, chants, et danses. Suivait la procession des femmes en pleurs portant la statue d’Adonis vers la mer. Enfin, Aphrodite descendait aux Enfers et ramenait Adonis ressuscité dans l’allégresse générale.


Cybèle et Attis

Le culte de Cybèle (Kubele) provient de Phrygie, (Turquie actuelle). C'est la Grande Mère de tous comme des dieux. Souveraine du ciel et symbole de la Terre Mère originelle, elle était honorée en Asie Mineure sous les appellations de Kubile, Misa, Hipta. Cybèle fut la première divinité étrangère admise à Rome. Elle fut assimilée à Déméter et à Cérès. Un culte analogue était rendu à Ma (ou Sabazios), importé de Syrie. Puis, des dieux syriens ou égyptiens s’installèrent sobrement puis des temples furent consacrés à Isis, Astarté, puis Mithra. Mère des dieux, Cybèle était vénérée comme mère de Zeus ou de Jupiter. A l'origine, le culte de la Magna Mater, était célébré au sommet des montagnes, ou dans les grottes.  Dans le légende, Cybèle devint amoureuse d’Attis qu’elle avait découvert endormi sur la rive du fleuve Gallos. Elle le coiffa d’un bonnet étoilé, et le garda auprès d’elle. Attis était fils de la déesse vierge Dana qui le conçut en mangeant une amande. Il abandonna Cybèle pour épouser "la fille du fleuve" Sagaritis, une nymphe dont il était amoureux. Cybèle, folle de colère, provoqua la mort de Sagaritis. Désespéré, Attis voulut s’autodétruire par émasculation. Emue par sa douleur, la déesse primordiale ranima le dieu repentant qui revint alors vivre près elle. D'autre texte disent que Cybèle le changea en pin. En rappel de la passion d'Attis, les galles, les serviteurs de Cybèle, s'auto castraient et promenaient un pin au travers des villes.

Cybèle et son tambourin

Le culte de Kubila, (la Grande mère ou Mère des Dieux que les Grecs et les Romains nommèrent Cybèle ou Agdistis), était le plus célèbre en Phrygie. Personnifiant la nature féconde, elle était adorée sur le mont Dindymon sous le nom "Mère Montagne". Elle portait une coiffe en forme de tour. Abandonnée à sa naissance, elle fut recueillie par un félin qui l'initia aux Mystères, et c'est pourquoi son trône était gardé par deux léopards (ou deux lions). Cybèle disposait de toutes les richesses de la terre et elle exigeait que son époux resta vierge. C'était le jeune berger Attis (ou Atys), fils de Nana ou Nada, la fille du Dieu fleuve Sangarios (ou Sangarius ou Sakarya). Il était coiffé d'un bonnet phrygien typique (repris par les révolutionnaires français en 1789). Les Phrygiens vénéraient aussi Sabazios, dieu représenté à cheval, ayant pour attribut un serpent. Les Grecs associèrent Sabazios à Zeus ou à Dionysos, et l'opposèrent à la Déesse d'Éleusis, la Magna Mater, autre Grande Mère, dont la créature était le taureau. Quand les Carthaginois d'Hannibal envahirent l'Italie, un oracle de la Sibylle de Cumes énonça  que les ennemis seraient vaincus si le culte de Cybèle était introduit à Rome. En ~204, lors de la seconde guerre punique, le Sénat romain fit venir du "Métrôon" de Pergame, en Phrygie, la "Pierre Noire" cubique de Cybèle et le culte asiatique en fut alors importé. Cette "Pierre Noire" sacrée était probablement un aérolithe comme celle qui représentait le dieu syrien "Elagabal".

Lien vers un dessin moderne d'Attis au bonnet phrygien

Plusieurs empereurs romains favorisèrent les cultes de Cybèle et Attis. Un temple fut construit au mont Palatin où le clergé phrygien en accomplissait les rites dont la cérémonie du "Lavatio". Á l'origine, début avril, un char menait l'idole et la Pierre Noire jusqu'au fleuve Almo pour la baigner avant de la ramener au temple, couverte de fleurs. Puis, un magistrat romain ouvrait les fêtes dites "Megalensia" et leurs festins.  Plus tard, les solennités des "Attideia" furent autorisées avant le "Lavatio". Commémorant la passion d'Attis, elles commençaient par une neuvaine d'abstinences alimentaires et sexuelles. Fin mars, on célébrait "l'entrée de l'arbre". Les porteurs apportaient au temple un pin coupé et décoré qui représentait le cadavre d'Attis. Il était longuement adoré et pleuré puis mis au tombeau le 24 mars, "Jour du Sang", avec un cérémonial sanglant. Les fidèles et les "galles" dansaient frénétiquement au son des tambourins et des trompes, en se lacérant pour éclabousser de sang le pin sacré et ses abords. Des fanatiques se castraient alors avec des éclats de silex mis à leur disposition. Marqués au fer rouge, ils s'en allaient en ville jeter cette "moisson du dieu Gallos" en une quelconque maison dont les habitants devaient alors les nourrir et les vêtir d'habits féminins. La nuit suivante (Hilaries) préparait la résurrection d'Attis.  Cette fête joyeuse avait un éclat particulier. Elle était conduite par l'empereur et le Sénat jusqu'au temple où Attis était proclamé ressuscité.

Le rite du taurobole à Rome

La castration étant interdite aux citoyens romains, un sacrifice de substitution, le Taurobole, (taureau de Ba’al ?), fut institué. Le sang d'un taureau mutilé se déversait sur le myste alors réputé purifié, revigoré, et rené, (au sens d’une nouvelle naissance), pour vingt ans, la cérémonie étant ensuite répétée. Ultérieurement, ce baptême sanglant assura, par lui-même et par transfert, la résurrection et le salut éternel de l’initié, comme celui d’Attis après son sacrifice volontaire. Ces rites de mutilation ont pu être induits par les circoncisions sémitiques. Associant la sexualité et le péché, elles annonçaient les traditions de célibat et les futures castrations de pureté de mystiques comme Origène. Dans son traité "Des dieux et du monde", le néo-platonicien Sallustius nous donne une interprétation théologique de ce mythe. Cybèle est la grande déesse primordiale qui donne la vie, et Attis est, en ce monde, l’artisan du changement. C’est pourquoi il est trouvé au bord du fleuve. Comme les puissances primordiales perfectionnent continûment les puissances secondaires, la Mère s’éprend d’Attis et lui donne la puissance céleste symbolisée par la coiffure étoilée. Cependant Attis à son tour s’éprend d’une nymphe, symbole de la génération. Mais Attis prend conscience que toute génération est destinée à périr. Craignant donc que du mauvais ne sorte le pire, il jette sa puissance génératrice dans le monde du devenir et revient vivre avec les dieux.

  

On retrouve ici la doctrine d’Hermès concernant le destin de l’âme, la chute dans la matière et le retour aux dieux au prix du sacrifice de la personnalité terrestre. Le sacrifice d’Attis préparait sa résurrection. "Attis est ressuscité ! Evohé !" chantaient les mystes. Dans la légende égyptienne, Osiris aussi ne devint immortel qu’avec la perte de son phallus.  Mais, fin mars, c'était aussi la fête du printemps et du retour du Soleil, comme celle de Pâques pour les Chrétiens.

 



Le char de Cybèle

Sérapis, Isis et Osiris

 


 

Á l'époque romaine, la religion égyptienne n'a plus qu'un rapport lointain avec les cultes archaïques. Les Lagides ont jumelé les panthéons, et les statues des nouveaux dieux nilotiques respectaient les canons grecs. Sérapis fut l'une des plus remarquables de ces figurations nouvelles. Le nom viendrait du mot "oserapis", ou Osiris-Apis, le "taureau mort", assimilé à Osiris. Les Grecs le comparaient à Pluton ou à Dionysos le ressuscité. En arrière plan de ces cultes dits "isiaques" on retrouve les vieux mythes agraires reliés au retour cyclique des saisons. La mort du héros ou du souverain, ici Osiris, est suivie de sa résurrection. Les Romains étaient fascinés par l'exotisme des cultes initiatiques égyptiens. Cependant, après le suicide de Cléopâtre, incarnation pharaonique d’Isis tuée par un aspic, la ferveur fut très éprouvée, et la religion temporairement persécutée.  La plupart des empereurs romains l'ont cependant soutenue. Caligula, Claude, Néron, Vespasien, Domitien, Hadrien, et Marc Aurèle favorisèrent successivement le rétablissement des cultes alexandrins qui gênaient pourtant l’expansion chrétienne dans l’empire. Le cruel Commode, autoritairement déifié, poursuivit cette politique jusqu’à la caricature (et jusqu’à son assassinat). Au 2ème siècle, la religion égyptienne revitalisée gagna même les provinces extérieures de l’Empire, la Gaule, l’Espagne, les plaines du Danube, et elle se répandit dans tout le Nord de l’Afrique, y compris Carthage.

Empereur romain
 statufié en Égyptien

Ce culte de Sérapis fut à l’origine de la diffusion des cultes égyptiens dans le monde gréco-romain. Sérapis synthétisait Zeus, Osiris et Apis. Ptolémée Sôter lui fit bâtir le Serapeum, un temple immense et somptueux. Au début de l'ère, le culte de Sérapis était installé à Rome avec celui d'Isis. Comme les autres cultes à mystère, l’initiation isiaque comportait une mort fictive. Elle faisait du myste un nouvel Osiris qui mourrait et ressuscitait chaque année. Les cérémonies secrètes sont restées assez mystérieuses. Le nom d’Osiris ne devait jamais y être énoncé. Hérodote lui-même avait été initié et resta très attentif à ne jamais citer le nom sacré dans la relation de son voyage en Égypte, vers ~450. Voici comment il en parle. "Dans le temple de Minerve, à Saïs, on peut voir la sépulture du dieu dont il serait sacrilège de prononcer le nom (...). On donne de nuit, sur le lac de la Roue, à Délos, des représentations de sa passion que les Égyptiens appellent des Mystères. J’en sais beaucoup plus sur ces Mystères, mais je me garderai bien d’en parler, ainsi que des Mystères de Cérès que les Égyptiens appellent la fête des Rites (...). A Saïs, la nuit de la fête d’Isis, tout le monde allume des lampes dehors, autour des maisons. On appelle cela la Fête des Illuminations. Ceux qui n’assistent pas à la cérémonie veillent quand même chez eux toute la nuit et allument leurs lampes, si bien que, cette nuit-là, toute l’Égypte est illuminée.

Image funéraire Image funéraire

La culture originaire d'Alexandrie rayonnait tout autour de la Méditerranée ce qui favorisa l'extension des cultes nilotiques dans tout l'Empire. Au ~2e siècle, Isis, la grande déesse de vie et de résurrection eut un autel au Capitole. Elle fut bientôt adorée partout et son culte revêtit des aspects curieux et une importance considérable. En dépit des réactions et des destructions périodiquement ordonnées par le Sénat, les cultes égyptiens restèrent très populaires à Rome, tout particulièrement celui d’Isis. Il apparaît aujourd’hui que certaines statues chrétiennes, miraculeusement trouvées, seraient en fait des idoles antiques consacrées à la très païenne déesse égyptienne. Quelques vierges noires pourraient être des statues d’Isis. Les cultes isiaques célébraient quotidiennement des rites qui évoquaient le rôle solaire d’Osiris. Il y avait un office du matin, avec ouverture des portes du temple, allumage des feux, présentation aux fidèles de l’eau du Nil, (symbole d’Osiris), toilette et vêture des statues, chants et prières. Un autre office commençait l'après-midi vers quatorze heures, avec hymnes et longue adoration extatique. Il durait jusqu’à l’adieu du soir à la déesse et la fermeture du temple. Les dévots pouvaient louer des cellules pour la nuit, et une organisation conventuelle hôtelière permettait même aux fidèles de faire retraite à l’intérieur du temple. L’organisation des cultes et du clergé était remarquablement efficace.

Isis allaitant Horus à Rome Isis allaitant Horus en Égypte

La légende d’Isis et d’Osiris était commémorée à Rome par deux grandes fêtes, celle du Navigium ou du Vaisseau d’Isis, au printemps, et celle de l’Invention d’Osiris, à l’automne. Les fidèles parcouraient la ville, frappant aux portes de maisons et agitant leurs sistres pour inviter les habitants aux célébrations. La fête du Vaisseau d’Isis débutait par un véritable carnaval, avec costumes divers ou même déguisements cocasses. Une grande procession rigoureusement ordonnancée commençait ensuite. En tête venaient les femmes couronnées de fleurs, suivies de la foule, portant des cierges et des flambeaux, puis le groupe des mystes, vêtus de lin blanc et agitant des sistres sonores. Les prêtres terminaient le cortège. Ils avançaient, le crâne rasé et tout de blanc vêtus, avec les divers instruments de leurs fonction, lampes et caducées. Ils précédaient les porteurs des représentations des dieux, les statues d’Anubis, d’Isis Hathor, des vases d’or contenant de l’eau Osirienne du Nil. Le Grand Prêtre fermait la marche, portant une couronne de roses et un sistre d’or. Au bord de la mer un vaisseau attendait, décoré à l’égyptienne. On disposait autour de lui toutes les figures des dieux, et les prêtres le purifiaient avec du feu, des œufs et du souffre. Puis ils le consacraient à Isis et on le chargeait des diverses offrandes apportées par la foule. Enfin, on le libérait et on le laissait s’en aller en mer, au gré des courants.

Les attributs d'Isis Plan d'un Iseum ou temple d'Isis Sérapis

La grande fête initiatique de l’Invention d’Osiris avait lieu fin Octobre. Elle commençait par trois jours de plaintes, de simulacres et de deuil en évocation de la mort d’Osiris et de la désespérance d’Isis recherchant les morceaux du corps démembré par Seth. Au matin du troisième jour, la foule s’assemblait pour la cérémonie spectaculaire de la fin des retrouvailles. Les fidèles criaient " Nous l’avons retrouvé ! "  et la joie explosait.  Les mystes étaient ensuite baptisés avec de l’eau lustrale, et le prêtre appelait sur eux la bénédiction des dieux. Il ordonnait leur purification et donnait des instructions secrètes relatives au déroulement des Mystères qui devient être célébrés dix jours plus tard. Au soir de l’initiation, le candidat vêtu de blanc entrait au fond du sanctuaire, et le vrai mystère commençait. Sur celui-ci, nous ne savons pas grand chose, si ce n’est que le myste passait alors "le seuil de Proserpine" et subissait une mort symbolique. Au cours de la nuit, il semble que, nouvel Osiris, il suivait symboliquement la course du soleil dans le séjour des morts. A l’aube, avec le soleil du matin, il réapparaissait vêtu de douze robes qui symbolisaient les constellations. Il était couronné des "palmes d’Horus" et revêtait "la robe olympienne", attribut des dieux. Dans cette splendeur, il était alors présenté à la foule, sur une estrade, face à la statue d’Isis. Ces nouvelles naissances étaient suivies de banquets, ce jour là et le lendemain.  

Temple d'Isis

La présence d'un important clergé permanent et la célébration d'offices quotidiens constituaient une grande nouveauté dans le monde romain. Ils l'ont préparé à l'arrivée des imposants ministères chrétiens. Le culte isiaque accordait une grande importance à la femme. Isis était tout à la fois la mère universelle, la reine du ciel, et l'image renouvelée de toutes les grandes déesses gréco-latines, Déméter, Vénus, Artémis, Héra, Cybèle et d'autres. Son culte plaisant er même joyeux n'était entaché d'aucun rite sanglant. Il répondait tout autant aux besoins individuels de retraite spirituelle des dévots solitaires qu'aux aspirations festives collectives auxquelles répondaient les grandes célébrations saisonnières. Aussi fut-il très populaire. Les statues de la déesse étaient souvent parées de bijoux précieux et les cérémonies spectaculaires réjouissaient autant le peuple que les esthètes. Le pouvoir s'en émut parfois jusqu'à vouloir limiter son influence. Plusieurs empereurs, tels Auguste ou Tibère, s'y employèrent. Ses temples furent plusieurs fois détruits puis reconstruits. Le culte fut parfois temporairement interdit dans la Cité et la statue d'Isis fut même jetée au Tibre, mais d'autres empereurs s'employèrent à le soutenir. Les cultes nilotiques de Sérapis et d'Isis prospérèrent en Gaule, en Espagne, en Afrique du Nord, et dans tout le Bassin méditerranéen jusque dans les lointaines provinces danubiennes, et certaines  monnaies romaines portèrent les empreintes des dieux isiaques

  

 

Fresque du sanctuaire d'Isis à Herculanum

Mithra et le Soleil
 

 

 

Mithra était un dieu solaire, mais aussi un sauveur des hommes. Il vint d'Iran par le canal des Phrygiens, et trouva probablement son origine plus lointaine dans le dieu indien védique Mitra, " l'Ami ". Son culte est apparu vers le ~5ème siècle et a donc précédé le mythe chrétien de plus de 600 ans. Il fut tardivement célébré dans le monde hellénistique qui tendit à l'assimiler à Hermès. Mithra joua d'abord un simple rôle de médiateur entre Ahriman, le Mal, et le Dieu suprême, Ahura Mazdä, la Lumière du Soleil. Il grandit ensuite et en vint presque à l'égaler. "Je le créai aussi digne de sacrifices, aussi digne de prières que Moi-même, ‘Ahura Mazdä. (Avesta, Yasht 10, strophe 1). Mithra était une lumineuse image du Soleil, violent et guerrier, impossible à vaincre. Il fut même assimilé tardivement au Sol Invictus d'Aurélien. Son culte ne se répandit dans l'Empire qu'à partir de 90, mais son importance devint ensuite très grande, surtout chez les militaires. Voyons donc le mythe. Sur l'ordre du Soleil, apporté par un corbeau, Mithra est associé au salut du monde en mettant à mort un taureau qu'Ahriman vient d'infecter pour vicier la source universelle de la vie. En sacrifiant l'animal, il répand son sang éternel avant qu'il soit corrompu. De cet épanchement, Mithra fait naître les plantes et les autres créatures. Il arrache ses proies à l'Esprit du Mal et monte ensuite sur le char du Soleil. Il est donc à la fois démiurge et sauveur, et par ce baptême de sang, ses fidèles obtiendront l'éternité.

Le culte à Mystère de Mithra,(Mithriacisme ou Mithraïsme), ne se reliait pas aux antiques religions agraires. Il était associé à un dieu solaire transcendant qui intervenait dans les affaires du Monde. Le mythe se retrouve sous diverses formes dans d'autres religions, car il s'agit d'une divinité très ancienne. Á l'origine, c'était un dieu iranien bienveillant qui protégeait les justes, et on l'identifie dans l'Hindouisme à coté d'Indra, dans le Zoroastrisme d'Ahura Mazda et, peut-être, dans le Manichéisme. Le culte procédait d'un syncrétisme associant diverses croyances moyen-orientales. Mithra était toujours représenté portant un bonnet phrygien et tuant un taureau. Á partir de la Grèce, le culte fut importé à Rome par les légions, et au premier siècle, le Mithra grec devint le "Mithras" romain, identifié dés le 1er siècle. Son culte avait lieu dans un temple appelé "mithraeum". Les premiers temples de "Mithras" furent des cavernes arrosées de sources. Puis on les construisit en pierre sur ce modèle intérieur. Dans une longues salle, on trouvait à droite et à gauche, deux banquettes sur lesquelles les fidèles s'allongeaient à la Romaine pour prendre les repas sacramentels. Un couloir central reliait l'entrée, où étaient placées des vasques, à l'autel où était disposée l'image de Mithra éclairée de lampes. La voûte était très souvent décorée d'étoiles, et les murs ornés de peintures. Le culte était quotidien et l'on sanctifiait tout particulièrement le dimanche, dédié au Soleil.

Aspect intérieur d'un Mithraeum, ou temple de Mithra

De très nombreux temples consacrés à "Mithra ou Mithras" ont été édifiés du 2ème au 6ème siècle dans tout l'empire romain. Ils étaient toujours de taille réduite, impliquant de petites confréries, exclusivement masculines. L’acte cultuel de base était le sacrifice d'un poulet, parfois d'un mouton, rarement d'un taureau. La victime était consommée au cours d'un repas en commun commémorant le banquet fait par Mithra et le Soleil après la mort du taureau. Dans les initiations, on offrait du pain et, semble-t-il, du vin, avec des invocations secrètes. Le rituel quotidien du Mystère est resté relativement secret. Nous savons cependant qu'il comportait sept degrés hiérarchiques d’initiation associés à des symboles astraux ainsi qu'à des fonctions précises et des positions bien définies dans le temple. Il semble que le premier degré, les Corbeaux, associés à Mercure, assuraient le service des repas, le second, les Époux à Vénus, les Soldats à Mars, les Lions, à Jupiter, brûlaient l'encens et fournissaient le sacrifice, les Perses à la Lune, les Courriers du Soleil portaient probablement les torches, et le Père lié à Saturne, coiffé d'un bonnet phrygien, portait une baguette et un anneau comme un évêque. Il était à Rome le chef suprême de l’église mithriaque. Les initiations étaient complexes. Leurs cérémonials comportaient divers renoncements, un baptême d’eau, un marquage au fer rouge sur le front, un simulacre de mise à mort et des rituels propres à chaque degré.

Positions des degrés hiérarchiques
dans le Mithraeum

De l'entrée en bas vers l'autel en haut

Les Corbeaux
Les Epoux
Les Soldats
Les Lions
Les Perses
Les Courriers du Soleil
Le Père
L'image de Mithra

Selon la légende, Mithra naquit adulte, sous un arbre sacré, près d'une source également sacrée, d'une pierre, (d'autres disent d'une vierge). Il portait un bonnet phrygien, une torche et un couteau, (ce qui dut grandement compliquer la parturition). Immédiatement adoré, il but à la source, coupa des fruits sacrés et s'en nourrit, puis il se confectionna des vêtements de feuilles. Dans la montagne, il rencontra le taureau primordial, le saisit par les cornes et le chevaucha. L'animal l'entraina dans un galop sauvage et le fit tomber, mais Mithra s'accrocha à ses cornes jusqu'à l'épuiser. Puis le dieu attacha le taureau, le chargea sur ses épaules et poursuivit son chemin. Arrivé à la grotte, un corbeau envoyé par le Soleil lui demanda de faire un sacrifice. L'immolation du taureau caractérise la statuaire rituelle. Mithra appuie le genou sur le garrot de l'animal dont il relève la tête. Il le poignarde de la main droite tandis qu'un chien et un serpent en boivent le sang et qu'un scorpion lui pince les testicules. Le Soleil et Mithra partagèrent ensuite un repas. On ignore la véritable signification de l'allégorie. Il semblerait que la scène tend à représenter la victoire de la vie sur le mal. De nombreux symboles astrologiques lui sont associés, le serpent (hydra), le chien (canis), le scorpion (scorpio), le taureau (taurus). Associé à la lune, le taureau symboliserait la source de la vie viciée par le scorpion d'Arhiman. En tuant le taureau, Mithra purifie la source de vie et d'incarnation des âmes.

Ruines d'un Mithraeum

Les mithraïstes envisageaient la fin du monde comme une conflagration universelle, et à la fin des temps, la tauroctonie se renouvellera, purifiant l'univers. Le culte de Mithra impliquait un système cosmogonique complexe, qui donnait à l’astrologie une place importante dont on retrouve les traces dans les ruines des sanctuaires. Ce culte n'a jamais réussi à pénétrer les couches populaires et est toujours resté le fait d'une certaine élite en particulier militaire. Il est entré en concurrence avec le développement du Christianisme, tout particulièrement au moment de la promotion par l’empereur Aurélien du culte solaire dit "Sol invictis". Ces cultes étaient de dangereux rivaux pour le Christianisme qui prenait de l'expansion. Julien l'apostat essaya donc de l'affaiblir par la promotion du culte de Mithra et du Soleil. Les connaissances que nous avons des croyances mithriaques sont incomplètes. Les informations proviennent surtout d'observateurs chrétiens qui n'étaient pas fort objectifs, et l'archéologie demeure la principale source d'informations. Le Mithriacisme ne survécut pas à l'essor du Christianisme qui effaçait ses symboles et bâtissait ses églises au dessus des vieux temples. Un élément subsista cependant jusqu'à nos jours. La fête de Mithra avait lieu le 25 décembre. Le Christianisme la perpétua dans la fête de Noël. Le 25 décembre célébrait la naissance d'un nouveau soleil et cette date fut conservée par les chrétiens pour célébrer la naissance de Jésus.

 

Bas relief mithraïste à Rome
 Le Soleil est au centre, la Lune à gauche et Mithra à droite

Les deux porteurs de torches, Cautès et Cautopatès,
symbolisent le lever et le coucher du jour

Sol Invictus et le Paléochristianisme

 

 

 

Les empereurs romains ont longtemps essayé de fonder une religion universelle établissant la légitimité de leur fonction. Ils ont d’abord magnifié le culte de Quirinus, dieu fondateur de Rome, puis ils ont établi le culte de la ville même, "la Rome Eternelle", en s'appuyant sur le rôle traditionnellement sacerdotal du prince. Ils essayèrent ensuite de capter des divinités parmi les plus populaires, telle Cybèle par Marius, par Sylla, Hercule Invictus par Pompée. César prétendit prouver son ascendance avec Vénus et lui fit élever un temple dans son nouveau Forum, (Vénus Génitrix). Cela permit d'ailleurs au Sénat de diviniser l'empereur de son vivant, et de lui consacrer un temple particulier sous le nom de Jupiter Julius. Après la mort de César, son culte fut institué comme Diuus Julius, et pérennisé. Le fils adoptif de César, Octavien, prit ensuite le titre de Diui Filius, fils du divinisé, et le culte impérial fut ainsi fondé. Le culte solaire "Sol Invictis" fut lancé au 3ème siècle par l'empereur Aurélien qui fit élever un temple magnifique au champ de Mars, en l'an 274. L'empereur considérait le Soleil comme son protecteur personnel, et il le proclama "Dieu Souverain de l'Empire Romain". Ce culte nouveau semble avoir été partiellement confondu avec celui de Mithra ou lui avoir été pour le moins associé. Aurélien tentait alors de réunir dans un même culte solaire, les Chrétiens, les Mithriastes, les Syriens et les Isiastes, et il fixa la fête de la renaissance du Soleil au 25 décembre.

Monnaies romaines à l'effigie de Sol Invictus

Les traditions romaines montraient une grande tolérance vis-à-vis de tous les cultes. Par contraste, la maison de l’empereur avait transformé le respect des exigences du culte impérial en preuve de loyalisme envers Rome et son empereur. Cette politique despotique créait de sérieuses difficultés car les mentalités avaient beaucoup évolué. Les multiples divinités étaient de plus en plus considérées comme les manifestations diversifiées, les avatars, d’une même unique et grande divinité universelle. Les antiques sumériens croyaient que l’humanité progressait par vagues successives vers son accomplissement éternel. Nous dirons qu'au début de notre ère, la vague humaine franchissait un seuil d'évolution spirituelle. On comprend mieux alors les tentatives visant à établir un culte national devenu politiquement indispensable. L'une des divinités pressenties avait d'ailleurs été Isis, la Suprême Souveraine, la Mère Universelle, dont le culte avait été encouragé. D'autres étaient sur les rangs, mais le succès d’un culte unique imposé par l’appareil d’État était aléatoire face aux "Mystères mystiques" des religions émergentes. Le " Pansolarisme " d'Aurélien, associé au culte de Mithra, subsista cependant assez longtemps, jusqu'au tout début du 5ème siècle. Il semble avoir été, avant le Christianisme, la dernière tentative impériale pour adapter les structures religieuses d'État à cet "hénothéisme", cette recherche d’une déité souveraine et universelle, qui progressait rapidement dans les mentalités.

Représentation de Sol Invictus, que l'on traduira par Soleil Invincible (litt. invaincu)

Après ce relatif échec d’un culte bâti sur la religion romaine traditionnelle et imposé par l’État, il ne restait aux empereurs qu'une seule possibilité pour reprendre la main sur l'évolution des peuples. Il leur fallait promouvoir l'un de ces cultes mystiques si appréciés, et l'associer aux pouvoirs d'état, politique, civil et militaire. Logiquement, ils devaient choisir la populaire religion d'amour, de joie, et d'éternité des pacifiques adorateurs d'Isis, ou bien le culte viril de Mithra, si voisin du culte solaire universel qu'ils prônaient. Cependant, étonnamment, pour des motifs tout à fait mineurs, ils firent le choix d'un autre culte à Mystère venu de la Palestine qui était alors la zone d'influence romaine la plus active dans le Moyen Orient. Ils choisirent le Christianisme naissant, et la face du Monde en fut changée. En 325, pour régler des querelles intestines aux églises chrétiennes, Constantin convoqua le concile œcuménique de Nicée. Appropriant de façon autoritaire le pouvoir doctrinal et les structures sacerdotales, et punissant sévèrement les évêques contestataires, il déclara le Christianisme comme la religion officielle de l'État. Le véritable instaurateur du Christianisme autoritaire fut cependant l'empereur Théodose (bientôt excommunié d'ailleurs). La conversion des empereurs puis leur totale soumission à l'autorité religieuse croissante livra à l'intransigeance chrétienne tout l'appareil du pouvoir impérial et ses terribles moyens de coercition. Elle s'en servit durement.

Mosaïque du Christ fusionné avec Sol Invictus

Issus d’Israël dont ils venaient de se séparer, les Paléochrétiens avaient conservé l'intransigeante tradition hébraïque. Ils voulaient être un peuple élu parmi tous les autres et ils attendaient la fin prochaine du Monde. Et, comme les Esséniens, ils se croyaient, hélas, chargés d’une mission sacrée, faire de leur propre Dieu le seul Dieu universel. Ils s'y employèrent activement, et en 382, l’autel de la Victoire, symbole de l'antique religion romaine, fut enlevé du Sénat malgré les protestations de Symmaque, le Préfet de Rome. "Nous réclamons le respect pour les dieux de nos pères, les dieux de notre patrie. Il est juste de croire que tous les hommes adorent le même Un. Car nous regardons les mêmes étoiles, le même ciel nous recouvre, le même univers nous entoure. Qu’importe le moyen par lequel chacun de nous atteint la vérité. On ne peut parvenir par une seule voie à un si grand mystère". Le doux prophète galiléen prêchait la liberté, la tolérance, le salut par la grâce gratuitement donnée, et l’amour de Dieu et des hommes. Le dessein de la religion fondée en son nom fut d’établir impitoyablement sur les structures romaines, l’empire d’un Dieu jaloux, à l’image du vieux Dieu biblique, forçant la conversion, par le fer et le feu, le viol des consciences et la torture, la prison et les bûchers.  En 391, les académies et tous les cultes traditionnels furent interdits dans tout l’Empire, les flambeaux des vieux autels s’éteignirent,  les anciens dieux tombèrent et leurs temples magnifiques furent détruits.

Ex voto à Sol Invictis  Le char du Soleil

La prédication du Christ se fondait sur base la grâce divine offerte aux pécheurs repentants. Elle affirmait la présence actuelle et permanente du Royaume de Dieu dans le cœur des hommes. Elle réduisait les rigoureuses exigences hébraïques à la seule obligation de l'amour de Dieu et du prochain, et elle offrait à tous le pardon divin et la paix de l’âme. Dans un premier temps, elle s'épanouit par la conquête des cœurs. Sous l'influence de Paul de Tarse, la nouvelle religion définit ses dogmes, structura sa hiérarchie et élabora ses propres rites en empruntant beaucoup aux cultes à mystères auxquels elle aurait pu joindre sa lumière. Persuadée de l’importance de sa mission sacrée, elle affronta alors les autres croyances et travailla fanatiquement à leur élimination. En charge institutionnelle du contrôle de la justesse des actes et des consciences jusqu'à la tête de l'Empire, le Christianisme monta en puissance. Il se heurta rapidement au pouvoir, excommuniant Théodose et obtenant de lui une pénitence publique en 390. Après la soumission du puissant empereur de Rome, rien ne pouvait plus l'arrêter. Au cours des siècles suivants, après l’interdiction des cultes traditionnels et la destruction des temples, le Christianisme s’attacha à effacer méticuleusement toutes leurs traces. Il construisit ses sanctuaires dans les lieux consacrés, sur les anciens monuments et sur les ruines des temples détruits, et il plaqua ses propres fêtes votives sur les antiques célébrations agraires.

Vitrail médiéval

Les peuples de l'Antiquité romaine considéraient qu'aucune tradition religieuse ne pouvait prétendre posséder seule la vérité lentement révélée. "Celle-ci est révélée par les dieux. Elle se répand dans l'humanité sous différentes formes. Chaque peuple, chaque culte, porte une part des secrets divins.". Cette attitude permit la coexistence pacifique avec les cultes à Mystères. Tout au contraire, les Paléochrétiens se révélèrent particulièrement intransigeants ce qui déclencha l'hostilité de leurs opposants. Elle est déjà manifeste au 2ème siècle dans la Polémique anti chrétienne de Celse. Nous sommes ceux à qui Dieu révèle et prédit tout. C'est pour nous seuls qu'il gouverne.. négligeant l'univers et le cours des astres.. C'est pour nous seuls que tout a été fait et est organisé pour nous servir.". Il faut admettre, aussi douloureux que cela soit pour un Chrétien d'aujourd'hui, (et ce l'est aussi pour moi-même), qu'à l'époque, l'expansion du Christianisme fut imposée par l'appareil d'État avec les rigueurs de  la loi, en coopération avec l'activité des hiérarchies religieuses. La situation empira encore dramatiquement avec un  terrible renforcement juridique, et il me semble, qu'à ce moment, l'Eglise céda à la tentation du pouvoir et quitta la voie évangélique. Dès lors, il suffit à l'autorité religieuse d'excommunier quiconque ou de le déclarer hérétique pour le renvoyer devant un tribunal civil, ce qui le vouait automatiquement à la prison et la torture, au gibet ou au bûcher. D'innombrables personnes furent, hélas, concernées.

Car, en 435, il devint obligatoire d'être chrétien, sous peine de mort.

Et cette situation dura plus de mille ans.

Craignons que ne se lèvent de nouveaux intégrismes !

 

 

Sol Invictus associé à Mithras

 

 

Le Mithaeum de San Clemente

 

 


 

San Clemente à Rome

 


Visite du Mithraeum sous l'église de San Clemente
 

Plan du Mithraeum

de San Clemente à Rome

 

 

 

Mithra - Bas relief de San Clemente 

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