Les théories de Robert Fludd
Trente
ans après la naissance de Giordano Bruno en Italie, un curieux
personnage, Robert Fludd, naissait en 1574 à Milgate
House, en Angleterre où il fut élevé dans
l’anglicanisme. Admis au Saint John’s College d’Oxford, il y
fut un étudiant sérieux dans la plupart des domaines enseigné. Il
y entra en contact avec des hermétistes et découvrit de
nombreux ouvrages de tendances hermétiques, kabbalistiques et
alchimiques. l'Angleterre était beaucoup plus tolérante aux idées
nouvelles que l'Italie ou la France. Il étudia la médecine puis
entreprit un voyage de six ans en France, en Espagne, en Italie,
en Allemagne, entre autres. Rentré en Angleterre, il obtint le
grade de Docteur en Médecine tout en continuant à lire les
ouvrages des alchimistes, kabbalistes et hermétistes. Il
correspondit avec les plus grands hermétistes de son temps et semble
avoir été en contact avec les Rose-Croix. A partir de 1617, Fludd
publia de nombreux ouvrages scientifiques ou hermétistes, des
traités d’astrologie, de médecine, d’alchimie, et des écrits
philosophiques ou théosophiques qui témoignent de l’extrême
étendue de ses connaissances ésotériques. Il aurait été (C'est
controversé), en
Grande-Bretagne, l’instructeur de la société secrète des
Rose-Croix, dont l’influence sur la formation de
la Maçonnerie écossaise est connue, et son système
théosophique semble être fondé sur l’enseignement
initiatique de la mystérieuse Fraternitas Rosae
Crucis. La métaphysique de Fludd est dualiste. Deux principes
régissent l’univers : Dieu et le Diable. Les deux royaumes sont en lutte perpétuelle.
Mais Fludd s’interrogeait quant à la nature de Dieu.
Est-il présent dans le Monde ou bien est-il en dehors ?
Comme celui de Bruno, le Dieu de Fludd est un dieu qui s’exprime
dans la création mais demeure transcendant, caché aux hommes et
infiniment bon. Fludd dit que Dieu et sa création
ne font qu’un, le monde étant un reflet de la divinité,
et donc Dieu et le monde sont deux aspects d’une même réalité.
Nous découvrons ainsi chez Fludd un parallélisme évident avec
l’Hermétisme rosicrucien, qui mêle obscurément la gnose et la
mystique à la pratique matérielle.
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Robert Fludd |
Dans
le système de Fludd, au commencement, c’est à dire au principe
des choses, il y a une Unité pure, infinie, totale, inconnaissable,
qui est le Néant primordial. Cette Monade unique et simple, n’est
rien, mais peut devenir tout en potentialité. Ce Dieu,
inconnu, s’est révélé à lui-même à partir du Néant avant
de créer le temps et le monde. Donc, pour s’exprimer, la Monade (
ou Père), s’est retirée d’une partie d’elle-même. De ce retrait,
furent ainsi créées la Ténèbre ou Mère) qui comprend toutes les
possibilités, celles du mal et du bien. Nous sommes bien en
présence d’un Dieu androgyne contenant deux principes, l’un
masculin, le Père, lumière non exprimée et la Mère, principe
féminin, la Ténèbre. La Création provient de la
séparation de la Lumière et de la Ténèbre, (du Père et de la Mère).
La Lumière s’est ensuite manifestée sous la forme du Fils. Et la
création s’opère à partir de la matière première qui est la Ténèbre.
Lors de la Création, le Verbe avait créé les Anges et
parmi ces derniers Lucifer. Celui-ci voulu devenir l’égal de Dieu
et dans son orgueil défia la divinité avant d’être précipité des
Cieux. On est ici devant une synthèse des mythes bibliques et
manichéens, au delà du dualisme platonicien corps-esprit. Le
Créateur donna alors naissance à Adam, doté d’une double nature.
Le corps adamique, androgyne, fut formé à partir de la terre
(d’où le nom d’Adam, rouge en hébreu) puis Dieu sépara Eve d’Adam
et la lui donna pour femme. Tentée par le Serpent, Eve tenta à son
tour Adam et ils goûtèrent aux fruits de l’Arbre de la Connaissance
du bien et du mal. Pour cette faute, ils furent chassés de l’Éden,
mais Dieu conserva toutefois à Adam une étincelle de Lumière
divine afin qu’il puisse s'y « réintégrer ». La Nature fut également
corrompue par le péché originel. Il est dit que la création charnelle humaine
n’est qu’une imitation de la Création divine. Mais la Rédemption, alchimique en
essence, sera accomplie par le Christ, second Adam, qui par son
sacrifice montre la Voie menant à la Vie Eternelle.
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Il existe donc deux
principes en Dieu, le principe positif et
centrifuge, la Voluntas et un principe négatif,
centripète, la Noluntas. Ces deux principes peuvent être
rapprochés à la Lumière et à la Ténèbre alchimiques.
L’univers est composé de l’union de ces deux
principes. On peut le réduire à trois mondes : le monde
archétype (la divinité), le macrocosme (le monde) et le microcosme
(l’homme). A l’image de l’univers, l'homme est aussi composé d'une âme,
d'un esprit et d'un corps. L’échelle des corps
est une échelle des âmes qui sont faites à des degrés variables
d’intensité de la Lumière divine. Tout être, tout objet a une âme,
même la pierre qui parait inerte. La vision préchrétienne de
Fludd est presque gnostique. Dieu est partout et en toutes
choses, l’univers n’étant qu’un reflet de la divinité et
Dieu seul a la puissance de vie ou de mort.
Comme l’homme, l’univers aussi a une âme. Fludd se
pose bien en défenseur du concept d’Anima Mundi, d’Âme du
Monde, si cher aux alchimistes et aux gnostiques,
dont la vision est à rapprocher des doctrines panthéistes.
L’homme est une image, en modèle réduit, du Grand Monde,
donc de Dieu, et les dix Sephiroth ont leur correspondance
au sein de l’homme, la Kabbale se posant ici en inspiratrice
de Fludd. Selon lui, la connaissance hermétique s’obtient par
l’illumination divine transcendant la raison. Cette science qui est
avant tout théosophie, (science de Dieu), puise en Lui à la source même de
toute Sagesse et Vérité. Le Christ en est l’incarnation.
L'homme originel avait de Dieu et de l’Univers, une connaissance
intuitive parfaite qui préserva en Adam une étincelle de lumière
et qui lui donnait la connaissance du secret des choses terrestres
et divines. Cette sapience (ou sagesse) sera transmise de
génération en génération par une suite ininterrompue d’Illuminés,
dévoués aux Mystères, aboutissant ainsi jusqu’à nous.
C'est cette Connaissance (ou Sagesse) qui permet à
l’homme de désir de retourner à la Source Première, ce qui est un concept
permanent des Rose-Croix. |
Citations tirées des deux traités traduits en français
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"En ce monde inférieur, Dieu ordonne, et les Astres exécutent.
S'il en était ainsi, qui oserait nier que la "Mens" des
animaux, et à plus forte raison celle des hommes n'est pas soumise
à l'ordonnance divine. ce n'est toutefois pas en ce sens que je
comprends que la "Mens" humaine est en quelque façon soumise à
l'opération des Astres, attendu que sa nature est bien plus divine
que celle des Astres. Il est possible, cependant, que le "Spiritus",
ce véhicule sur lequel cette Mens est transportée ../.. participe
aux changements célestes ../.. et que par conséquent, il
l'entraîne comme un char entraîne ses voyageurs".
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Robert Fludd - (Traité d'Astrologie) |
"L'Âme d'un corps
en est la lumière principale, et elle y domine préférablement à
toutes les autres puissances. Elle se conduit comme le Soleil au
milieu de notre système. Elle est donc, précisément, la Soleil du
Microcosme qui dirige, au moyen de ses rayons vivifiants, le corps
tout entier".
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Robert Fludd - (Traité de Géomancie) |
"Le corps humain se comporte vis à vis de l'âme comme un esclave
envers on maître. car le maître peut envoyer son esclave ici où là
sans que celui-ci perçoive en aucune façon l'intention de son
maître". |
Robert Fludd - (Traité de Géomancie) |
"De même que les rapports des astres
entre eux, les rapports des âmes ont des conséquences ici bas, car
les âmes sont des invisibles foyers de lumière et émettent des
rayons qui établissent des communications entre elles". |
Robert Fludd - (Traité de Géomancie) |
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Robert Fludd a exposé tout son système dans un ouvrage en latin,"Utriusque
Cosmi Tractatus" resté inachevé et qui devait être divisé en deux parties, le Traité du Microcosme
et le Traité du Macrocosme. On trouve dans celui-ci un Traité de Métaphysique, un
Traité d'Ontologie générale, un Traité de Géomancie (ou astrologie
terrestre), et un Traité d'Astrologie
générale. Seuls les deux derniers, très techniques , ont été
traduits en françaais (BNF). L'auteur est un métaphysicien kabbaliste, matérialiste
et panthéiste qui exclut toute intervention volontaire de Dieu
dans la Nature, laquelle aurait évolué en donnant naissance à un "Agent
Universel" subdivisé en quatre éléments structurés comme une
immense pyramide à base carrée, et tout l'univers comme toute de
ses parties, tout corps et tout système jusqu'à l'atome est
constitué de même. car selon le principe d'Hermés Trismégiste
énoncé dans la Table d'Emeraude, "Tout ce qui est en bas es
comme ce qui est en haut, et tout ce qui est en haut est comme ce
qui est en bas pour faire le miracle de toute chose". Selon ce
traité, l'astrologie considère les corps célestes ou Astres
comme des corps vivants, et leurs groupes, ou systèmes de planètes
tournant autour d'un centre, comme des êtres. C'est d'ailleurs
l'hypothèse d'Herschell, "Au lieu d'être isolées dans l'espace
infini, toutes les étoiles dépendent les unes des autres,
font partie d'un vaste ensemble soumis à une loi déterminée et
dans lequel chacune agit sur les autres en même temps qu'elle
subit leurs actions, ensemble, qui par conséquent, change et
évolue, constituant en réalité quelque chose de vivant".
L'auteur déclare : "Nous ne pouvons plus nous arrêter à
chercher une définition de la vie en prenant pour base
l'organisation, nous devons admettre que cette vie s'étend à la
moindre molécule qui existe, nous devons donc arriver à
l'hylozoïsme. Et nous trouvons la preuve de cette nouvelle
conception dans le quatrième état de la matière, l'état radiant".
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Robert Fludd -
Les couleurs de la lumière |
Robert Fludd imaginait un esprit
primordial et universel dont découleraient tous les autres. L'âme
en ferait partie. Dans le macrocosme, cet esprit serait doué d'un
double "mouvement", ou pulsion, constituant sa vertu
magnétique (attractive). Dans tous les corps, cet esprit modifié se retrouverait
doué d'un "mouvement" analogue. Quand il part
du centre, il y a attraction, et quand il revient vers le centre, il y a répulsion. Chaque corps
terrestre
aurait un astre particulier (un serviteur de Dieu) lui correspondant et chaque homme
aurait donc aussi son astre personnel. Fludd, comme Paracelse,
considérait chaque homme pris isolément comme un petit monde (microcosme),
à l'image du "macrososme", le grand monde, (C'est d'ailleurs un concept que conservent
encore aujourd'hui les Rose-Croix). Cette entité possède une
vertu attractive particulière, qu'il nomme" magnetica virtus microcosmica".
Le microsome est soumis aux mêmes lois que celles du macrocosme,
rayonnant à partir ou vers son centre. Dans les impressions positives, le coeur se dilate
poussant cette vertu vers le dehors, et dans les impressions négatives,
il se contracte en les dirigeant vers l'intérieur. Comme la Terre,
le corps humain aurait des pôles et des courants variés. Il possèderait
plusieurs axes polaires dont le plus important sépare la droite de la
gauche. Le côté droit serait positif et le gauche négatif. Ils
contrôlent leurs effluves par deux courants qui se
croisent en se modérant. Fludd, quoique médecin, n'hésitait pas
à impliquer les organes physiologiques dans ses théories.
Le foie, (la vésicule biliaire), serait le point central des
rayons du pôle austral, attirant les esprits et produisant gaieté, chaleur
et vie. La rate, à l'opposé, serait le centre
des rayons du pôle boréal, attirant les sucs grossiers de la terre
et produisant les vapeurs noires qui resserrent le cœur, causent
les ennuis, la tristesse, la mélancolie et parfois la mort. Fludd
distinguait également un magnétisme positif et un magnétisme négatif
susceptibles de régir les relations entre les personnes et
leur mutuelle sympathie ou antipathie, la conséquence en étant
l'hypothèse que les maladies puissent être guéries ou
transmises par l'action d'un individu sur un autre. |
L'Homme microcosmique cristallisé dans la matière
(Image de l'auteur)
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