L'histoire de Krisnamurti

En 1908, Annie Besant et C. W. Leadbeater ont rencontrét le jeune Jiddu Krishnamurti à
Adyar en Inde, et ils ont vu en lui le futur "instructeur du monde" qu'ils
cherchaient. La Société théosophique a été fondée à New York le 17 novembre 1875,
par Helena Petrovna Blavatsky, le Colonel Henry Steel Olcott, William
Quan Judge, Charles Sotheran, le Dr Seth Pancoast,
George H. Felt, entre autres. Elle compte aussi parmi ses membres Charles Leadbeater,
Francesca Arundale, Annie Besant et Rudolf Steiner. Elle est fort active
en Inde, d'abord à Varanasi puis à Adyar (près de Chennai). C'est une association
d'inspiration néospiritualiste destinée à diffuser la Théosophie, doctrine
révélée et diffusée par Helena Petrovna Blavatsky et ses successeurs. Il y avait à
l'époque de nombreuses démarches cosmogoniques et théogoniques relativement
nouvelles, des mythes nouveaux élaborés par des hommes illuminés qui désiraient
aider leurs lecteurs à entreprendre un cheminement personnel. En ce début du 20e
siècle, leurs recherches ésotériques et lumineuses ont profondément marqué la
société jusqu’à la seconde guerre mondiale. Ils ne purent parfois s’entendre
durablement, et la richesse du fondement commun et la profondeur des idées
qu’ils apportaient ont été dispersées dans des constructions
intellectuelles et des formes doctrinales différentes et assez arbitraires.
Leurs recherches et les cosmogonies correspondantes ont été élaborées et
publiées depuis la fin du 19ème siècle jusqu’en 1950. Inspirées par l’ésotérisme
antique, le spiritisme alors très en vogue, et les pressions sociales du temps,
elles portent déjà les marques des nouvelles théories concernant la structure du
cosmos, aussi bien que celles du contact avec l’Orient. Les divers groupes
spiritualistes usent couramment du le vieux symbolisme des nombres, avec des
niveaux d’organisation, ternaires ou septénaires, imbriqués les uns dans les
autres, et intègrent souvent des aspects astrologiques traditionnels alors très
prisés. Ils évoquent aussi les galaxies gigantesques découvertes en nombre
illimité dans l’immensité de l’univers. Leurs constructions cosmogoniques
reflètent une conception ordonnée et très hiérarchisée du cosmos correspondant
aux idéaux à la mode.
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Jiddu Krishnamurti,
enfant
|
A
cette époque, il n'y avait ni radio ni télévision et les seuls médias de
communication utilisés étaient l'écrit et la parole. Les penseurs du moment
écrivaient abondemment et étaient beaucoup lus quoique étant souvent en
concurrence entre eux. Ils parcouraient le monde entier
et donnaient de très nombreuses conférences publiques très entendues.
Leurs livres, encore disponibles, font preuve d'un mode de pensée
fort élaboré et précis, caractéristique de cette civilisation de l'écrit, à
l’opposé des conceptions simplifiées et floues, liées à l'actuelle et superficielle civilisation
de l'image. La doctrine de la Société Théosophique d'Helena Blavatsky
s'appuyait sur les enseignements de la philosophie occulte des premiers
Rose-Croix, des philosophes médiévaux (qui s'appelaient aussi Théosophes), et sur
l'étude de la mystique indienne et des religions orientales. Un nouvel groupe,
l'ordre Kabbalistique de la Rose-Croix
avait d'ailleurs été fondé en 1887, à Paris, par le Marquis Stanislas
de Guaita qui prônait un spiritualisme exaltant la tradition chrétienne
conduisant à l'avènement du royaume de Dieu. L'Ordre réunissait des hommes
actifs très connus, dont Péladan, cofondateur, et Papus qui déclarait que
ce courant rosicrucien synthétisait trois traditions, le Gnosticisme, (Cathares,
Vaudois, et Templiers dont dérivent les Maçons), les moines catholiques,
et enfin les divers initiés Hermétistes, Alchimistes, Kabbalistes). On
trouvait parmi eux Debussy et Erik Satie qui écrivit des Sonneries des
Rose-Croix pour accompagner le rituel). Guaita était aussi écrivain
et poète (Les Oiseaux de passage, 1881, La Muse noire, 1883, Rosa
Mystica, 1885). (La Rosa Mystica de Gaita est disponible à la Bibliothèque
Universitaire de la faculté de Lettres de Nancy 2, en édition originale). En
1890 Péladan créa le Tiers Ordre de la Rose-Croix, une section catholique
et mondaine qui rassemblait cent soixante-dix artistes célèbres. Il organisa
même des
salons qui attirèrent jusqu’à vingt-deux mille visiteurs.
Stanislas de Guaita mourut à 36 ans, en 1897, mais, à la lecture
des lignes précédentes, on peut juger de l'intérêt que provoquaient alors
ces diverses sociétés philosophiques.
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Annie Besan |
Les
Théosophes travaillaient à la résolution du problème fondamental
" Comment peut-on s’élever à la connaissance des mondes
supérieurs ". Après le décès de Mme Blavatsky le 8_mai"
1891 à Londres, la protectrice de Krisnamurti, Annie Besant, succéda au Colonel Olcott à la tête de la
Société théosophique de 1907 à 1933. Malgré les incidences
liées à la guerre de 14/18, elle donna au mouvement une
réputation mondiale Sa contribution à la lutte pour
l'indépendance de l'Inde fut également remarquable. La
Théosophie élaborait alors une " Cosmologie
Anthroposophique ", fondée sur la prééminence
de L’Homme Originel dans la genèse de l'Univers. Dans cette
théorie, l’Homme est bien plus qu'une simple créature biologique
car les Théosophes lui donnent une véritable dimension divine. Ils
l’associent au Logos créateur en lui attribuant une immense importance
cosmique. La Société Théosophique avait engagé une campagne
intensive destinée à promouvoir le futur "instructeur du
monde" rôle auquel elle préparait Krisnamurti. Leurs chefs
avaient fondé «L’Ordre de l’Etoile d’Orient»,
afin de regrouper tous les spiritualistes qui
attendaient la venue d’un grand Instructeur. Ils désignèrent Krishnamurti,
qui n'avait que 15 ans, comme Chef
de l’Ordre. Un journal, «Le Journal de l’étoile» devait
informer les milliers de membres dans
les différents pays du monde.
Le
Journal de l'Etoile
exposait comme suit la raison d’être de l’Ordre: «Cet ordre a été
fondé pour unir ceux qui - qu'ils soient ou non membres de la S.
T. - croient à la
venue prochaine d'un grand Instructeur spirituel, qui
viendra aider l'humanité. L’on espère que ses membres pourront,
sur le plan physique, faire quelque chose pour préparer l'opinion
publique à cette venue, pour créer une atmosphère de sympathie et
de révérence, et qu'ils pourront, sur les plans supérieurs, s'unir
afin de former un instrument dont Il pourra se servir. L'Ordre fut
fondé à Bénarès,
Lieu de l’Illumination du Bouddha, le 11/01/1911, avec des
administrateurs dans chaque pays.
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Rudolf Steiner |
L'évolution
de la Société
déplaisait énormément à un membre éminent, Rudolf Steiner, au
point qu'il décida alors de la quitter et de créer son propre
mouvement. C’est à cette époque que Krishnamurti commença à
tenir des conférences publiques.Alors que les
chefs de la Société Théosophique voyaient en lui le futur
Instructeur, capable de regrouper les différents courants
spirituels du monde et leurs adhérents dans un grand courant
commun, Krishnamurti affirmait sa propre personnalité.
Il ne «s’opposait» pas aux idées des autres,
ni à l’éducation reçue, mais il n’acceptait rien remettant tout en
question. Il voyait avec lucidité les méfaits de la
croyance aveugle et voulait déjà découvrir par lui-même. Cependant, le 11
août, en l'absence de Krishnamurti, tandis que le deuxième Camp de
l'Étoile se tenait à Ommen, dans le vaste domaine d'Eerde, Mme
Besant fit une stupéfiante déclaration «Notre réunion, ce matin,
dit-elle, présente un caractère spécial qui n'a pas été prévu
au moment où le programme a été rédigé, avec cette
différence qu'il n'y aura pas de discussion... Cette réunion, vous
ai-je dit, n'était pas prévue... Et maintenant, par ordre du Roi
(le Roi du Monde), j'ai à vous communiquer son message et aussi
quelques messages de N. S. Maitreya (le Christ) et de ses Frères
puissants (les Maîtres)... Ce qui est ici proclamé par moi, l'est
donc par ordre du Roi que je sers... etc..» Et elle annonça
que le Grand Instructeur allait enfin se manifester, qu'il avait
définitivement élu Krishnamurti comme véhicule et choisi ses douze
apôtres. De son coté, Krishnamurti se détachait progressivement
de l'influence théosophiques, mais, sans le dire clairement,
il a quand même laissé penser qu'il était l'Instructeur des Mondes, sans
vraiment le confirmer ni aussi le contredire ensuite. C’est seulement
deux ans plus tard, durant l’été 1929, au camp d'Ommen, qu'il
prononça un mémorable discours, dans lequel il déclara ne
pas être le «Messie» attendu, puis décida de dissoudre l'organisation
mondiale établie en 1913 pour le soutenir, l'étonnant « Ordre de
l'Étoile du Matin ». Le dernier lien avec la société théosophique
fut rompu avec la mort d'Annie Besant, sa mère adoptive, en 1933.
Krishnamurti passa le reste de sa vie à faire des conférences où il
exposait sa vision personnelle de la spiritualité et de l'amélioration de soi.
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LA DISSOLUTION DE L'ORDRE DE
L'ÉTOILE, UNE DÉCLARATION DE J. KRISHNAMURTI
Extrait du livre
«Krishnamurti et l'unité humaine»:Carlo SUARÈS, Editions Adyar –
Paris, 1962
« Ce matin, nous allons
discuter la dissolution de l'Ordre de l'Étoile. Beaucoup vont être
contents, d'autres en seront affligés. Mais il ne s’agit pas ici
de joie ni de tristesse, puisque cette dissolution est inévitable,
comme je vais vous le démontrer. La vérité est un pays sans
chemins, que l'on ne peut atteindre par aucune route, quelle
qu'elle soit: aucune religion, aucune secte. Tel est mon point de
vue: et je le maintiens d'une façon absolue et inconditionnelle.
La vérité, étant illimitée, inconditionnée, inapprochable par
quelque sentier que ce soit, ne peut pas être organisée. On ne
devrait donc pas créer d'organisations qui incitent les hommes à
suivre un chemin particulier. Si vous comprenez bien cela dès le
début, vous verrez à quel point il est impossible d'organiser une
croyance. Une croyance est une question purement individuelle, et
vous ne pouvez ni ne devez l'organiser .».
« Qui apporte la vérité ? »
« J e ne veux pas de spectateurs, je ne veux pas de disciples, Je ne
veux ni louanges ni admiration d’aucune sorte…
Je veux être le compagnon, non le maître. ».
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Rudolf
Steiner était un penseur autrichien né en 1861. Étudiant à Vienne,
docteur en philosophie et diplômé en diverses sciences, il
admirait l’œuvre scientifique de Goethe dont il inspira. (Il fonda
ultérieurement le Goetheanum prés de Bâle). Il voulait ouvrir un chemin de connaissance
vers la spiritualité universelle, la Gnose. Il dirigea un magazine
littéraire, et fonda avec Marie de Rivers, un journal Lucifer et Gnosis.
Il publiait, inspiré par Goethe et par l’hermétisme des Rose-Croix. La Société
Théosophique de Berlin lui fit donner des conférences et il y rencontra Annie Besant
qui le nomma en 1905 secrétaire général de la section allemande de l’association.
Steiner affirmait que l’Homme, (Être spirituel), est plus ancien que
tous les vivants sur Terre. Il se serait détaché d’un
être cosmique originel dont il conserve pourtant une particule
microcosme portant en elle l’univers dans sa totalité. Steiner
professait que les problèmes essentiels ne peuvent être résolus
tant que l’on demeure réfractaire à la connaissance des mondes
suprasensibles. Il acceptait de rénover le Christianisme aux
sources du Bouddhisme, mais refusait de suivre Annie Besant dans ses critiques
de Jésus, ses convictions spirites, et ses recherches des
réincarnations hindoues du Christ et de Bouddha. Lorsque
Krisnamurti fut présenté comme cette réincarnation,
Steiner se sépara des Théosophes et fonda sa propre doctrine,
l’Anthroposophie. L’Homme ordinaire ayant perdu la connaissance de son rôle originel, cette
connaissance, l’Anthroposophie, doit l’aider à reprendre sa
véritable place au sein du Cosmos. Elle se propose de l’éduquer et
de le guérir, d’harmoniser en lui l’être matériel (ou corps
physique), et l’être spirituel intérieur. L’Anthroposophie voit
dans le Christ le centre véritable de l’histoire terrestre. Rudolf
Steiner exerça une profonde influence par le rayonnement de sa
personnalité et l’enseignement de sa pensée qui fit de nombreux
adeptes. La doctrine eut des prolongements avec la fondation de
plusieurs écoles. Steiner publia une centaine d’ouvrages et
prononça plus de six mille conférences écrites. Il
professait l’existence d’un univers invisible et de mondes
suprasensibles, la réincarnation, l’existence de rythmes cosmiques
auxquels L’Homme est relié. Il enseignait l’expérience mystique
permettant de retrouver en soi la présence du divin. Selon ses
théories occultistes, l’homme possède trois natures, le corps physique,
le corps astral, et l’esprit. Steiner assurait que le corps astral
dispose d’organes subtils, ou chakras, en forme de roues ou
de fleurs. La morale des adeptes actuels de la doctrine occulte de Steiner repose
encore sur les cinq principes essentiels qui sont la maîtrise des pensées, le pouvoir
sur les volitions, l’égalité d’âme devant le plaisir ou la
douleur, la positivité dans les jugements, l’absence de prévention
dans les conceptions de l’existence.
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Mme Blavtaski
Citation d'une parole de Lord Bulwer-Lytton,
(dans son roman Zanoni), rappelée par Helena Petrona von Rottenstern Hahn,
beaucoup plus connue sous son nom de femme, Mme Blavatsky, dans
son livre le plus diffusé, Isis dévoilée, (1877).
Le
miroir de l’âme ne peut refléter en même temps la terre et le ciel
et l’un s’efface dés que l’autre s’y montre. (Zanoni).
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