Essai
de reformulation théosophiste

Les concepts philosophiques nés
dans la Grèce antique constituent
encore aujourd'hui les bases de notre civilisation occidentale. Le
système de Platon, par exemple, synthétise plusieurs doctrines
comme celles de Socrate, d’Héraclite, de Parménide, et de
Pythagore. Il prétend que les êtres perpétuellement changeants qui
peuplent notre monde sont des copies impermanentes de modèles
universels, fixes et immuables, situés le Monde invisible des
"Formes" ou des "Idées", lesquelles existent par et en
elles-mêmes. Les âmes les ont aperçues, à l’origine, et en ont
gardé réminiscence. Même prisonnières de corps matériels impurs,
les âmes éternelles peuvent reconnaître les pures "Idées" dont
elles ont souvenir, et elles désirent escalader le ciel pour
retourner les contempler. Citons aussi Démocrite qui pensait que
la nature, née du hasard et de la nécessité, était
éternelle, incréée, et sans finalité, et qui appela l’homme
Microcosme. Puis s'établit un concept assimilant l'être humain
à un résumé complet du Cosmos, (Macrocosme), avec une corrélation
parfaite entre les parties. C'est le Microcosme des Théosophes. |

Lien vers la monade de Lebnitz
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La métaphysique des Théosophes, des Anthroposophes,
et celle des Rose Croix de Max Heindel, postulent qu'à l'origine, le "Grand Être", ou "Monade
universelle", différencie, en soi-même, non pas hors de soi-même,
des vagues de vie spirituelles, des légions successives d'esprits
inexpérimentés. Reflets du Grand Être, ces "monades"
individuelles peuvent accéder à la conscience de leur nature divine en expérimentant
la réalité. (Leibniz en fait des entités essentielles
individualisées "sans fenêtres", douées d'appétits, de perceptions
et de mémoire). Elles doivent traverser des cycles cosmiques
en commençant par s'incarner dans la matière dense.
Pendant cette "Involution", la monade accède à la conscience de soi
et élabore l'appareil de manifestation de son individualité. Lorsque le point bas,
le nadir de la matérialité, est atteint, la monade a complété son
exploration du Monde. Elle a pris conscience de sa
véritable nature et la seconde période commence. Cette
"Évolution" nécessite un changement d'état. Elle va lui permettre de remonter
progressivement vers l'omniscience divine en développant sa propre réalité.
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Comme tous les initiateurs,
les Théosophes ont bâti des doctrines
complexes pour communiquer leurs intuitions. Ce n'est pas l'objet de
cette étude qui porte sur les fondements.
La Gnose était à l'origine une façon de penser le Monde
et s'accordait parfaitement avec les religions. La persécution
regroupa les Gnostiques, les amenant à formaliser leurs convictions.
Ils furent les premiers théologiens de la Chrétienté. Ils
enseignent encore que le moi spirituel humain (inconscient) est
une partie altérée de Dieu emprisonnée dans la matière. Mais l’Homme peut devenir
conscient de son essence divine. La révélation gnostique n'est pas
acquise par la raison mais donnée par un appel intérieur de
l'Esprit. Elle énonce que l'esprit humain s'incarne dans la chair,
(involution), et y demeure tant qu'il n'a pas compris sa nature
véritable. Il remonte ensuite vers la divinité, (évolution).
D'autres concepts s'ajoutent. Le Monde résulterait de l'union des
contraires, tels l'Univers et le Néant, la Vie et la Mort, le Bien
et le Mal, le Positif et le Négatif, etc.. On retrouve ces
fondements dans la pensée gnostique.
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Il
est donc conséquent que les Théosophes distinguent deux aspects
antagonistes dans les fondements du Monde, et que les groupes
religieux qui en sont issus professent le dualisme de la Création.
Cependant, dans le cadre panthéiste général qui caractérise la
Gnose, il n'existe qu'une seule réalité ultime. C'est la
perception humaine qui en oppose les différentes manifestations.
Au nadir de l'incarnation, la prise de conscience doit faire
disparaître ces oppositions illusoires. Avec l'acquisition de
l'intellect, l'Homme microcosmique semble approcher de ce point.
L'intellect permet de découvrir ce qui est caché à partir de ce
qui est connu. Dans l'expérimentation de la matière, il reste
encore beaucoup de mystères. Ici et dans cet essai, nous
utiliserons l'intellect pour éclairer cet inconnu à la lumière des
concepts théosophistes gnostiques. On pourrait légitimement
choisir d'autres méthodes ou éclairages. Cependant, dans la recherche
sincère de l'unité de son être, le chercheur solitaire doit se libérer des à
priori doctrinaux. Sa démarche doit donc aussi accepter d'intégrer
intelligemment l'observable. |
Évangile de Marie-Madeleine -
L'intellect
Pierre dit à Marie: "Soeur, nous
savons que le Maître t'a aimée différemment des autres femmes.
Dis-nous les paroles qu'Il t'a dites, dont tu te souviens et dont
nous n'avons pas la connaissance..."
Marie leur dit : "Ce qui ne
vous a pas été donné d'entendre, je vais vous le dire: j'ai eu
une vision du Maître, et je Lui ai dit: «Seigneur, je Te vois
aujourd'hui dans cette apparition». II répondit : «Bienheureuse,
toi qui ne te troubles pas à ma vue. Là où est l'intellect, là est
le trésor.»
Alors, je Lui dis: «Seigneur, dans l'instant, celui
qui contemple Ton apparition, est-ce par l'âme qu'il voit ? Ou par
l'esprit ?». Le Maître répondit: Ni par l'âme ni par l'esprit ;
mais l'intellect étant entre les deux, c'est lui qui voit et c'est
lui qui [...] (révèle ?)»
L'évangile de Marie-Madeleine, (1er texte du codex de Berlin), est
un texte gnostique des apocryphes du Nouveau Testament, découvert
en 1896 à Akhmin en Égypte dans une tombe chrétienne. Il est écrit
dans un dialecte copte et sa traduction ne s'est achevée que vers
1950. |
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Á
l'origine, disent les
Théosophes, le Grand Être (Dieu) différencie en lui-même des
vagues successives d'esprits vierges qui s'incarnent pour expérimenter la matière.
Dans cette l'involution, ils prennent conscience de leur nature,
véritable puis évoluent vers l'état divin. Dans le présent, ils en
sont à des degrés différents de réalisation, et certains
commencent l'involution quand d'autres ont terminé l'évolution.
L'état du Monde et celui de l'Homme reflètent cette situation. Les
novices du chaos tentent de construire les instruments
adéquats, (les corps vivants). Les plus compétents peuvent
intervenir pour les aider. Ainsi en est-il également sous notre
Soleil. Á l'origine, des esprits y ont commencé l'exploration
en transformant la matière inerte en matière vivante. C'est dans
le pouvoir de leur nature divine. Les
vivants ne sont pas les produits de la création, ils en sont les
outils. Mais les esprits organisateurs agissent avec les moyens et dans le champ
qu'ils maîtrisent. Dans l'involution, les moyens sont des corps
dotés d'âmes, et le champ d'action est
la Force de vie dont le grand moteur est le Désir. |
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Les corps animés sont
donc les
appareils biologiques, "les véhicules", que
les esprits construisent pour expérimenter la matière. En ce qui
concerne notre la vague de vie, lorsque la planète Terre a été
suffisamment refroidie, ce travail de construction a entrepris la
production de molécules auto-réplicantes. Ces éléments furent
contenus dans des alvéoles isolées évoluant en cellules fermées
contenant des chromosomes
indépendants capables d'en mémoriser et d'en piloter la structure. L'ARN puis l'ADN furent inventés. Les vivants
appareils transformèrent la Terre, se multipliant en épuisant les
éléments naturels constitutifs des protéines. Stoppés sur le
chemin, les monades firent alors des choix terribles, inventant la
gueule et les membres, les dents et les griffes, la prédation et
la mort. Puis vint la conquête des eaux et de la terre, avec l'invention des
poissons et des batraciens, des reptiles et des dinosaures, des
oiseaux et des mammifères, et la plus récente, celle de
l'Homme. Fondamentalement, les activités, les comportements de tous ces êtres
sont établis sur une immense variété de peurs et
de désirs. |
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La Théosophie
dit qu'en ce monde, les monades construisent des
véhicules pour explorer la matière. Ces appareils biologiques sont
les corps vivants. Ils sont progressivement perfectionnés grâce à
des moyens divers comme les lois de l'hérédité et de la sélection.
Ce travail est en cours depuis plus de deux milliards d'années,
mais le temps n'a pas de valeur. C'est une immense illusion. Le temps
apparaît quand quelqu'un regarde une pendule. Avant que la
conscience naisse dans l'Homme, personne ne regardait aucune
pendule. Le temps est une perception de l'âme liée au déploiement
de la conscience. Il en est d'ailleurs atrocement de même de la
souffrance et de la mort. Le fauve ne se soucie pas de ce qu'il
inflige à sa proie. Il se procure simplement les protéines dont il
a besoin. Mais dans l'âme humaine, à notre niveau d'involution, un
début de compassion commence à apparaître. L'espèce reste
cependant prédatrice, exploitant la chair animale et la misère
humaine. Bien des esprits, enfermés dans leur immaturité,
demeurent primitifs. Chez quelques autres, naît une faculté nouvelle. |
6000 years ago
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Cette
faculté nouvelle d'amour grandit dans l'âme. On pourrait penser qu'elle
caractérise notre état humain. C'est un peu vrai mais sa présence
est visiblement amorcée chez la plupart des vivants. Car, ce qu'on
appelle "âme", c'est la constante manifestation de la
grande force de vie
dans l'être. L'âme n'est pas l'esprit, et ce divin principe de vie se
retire quand survient la mort physique du corps. Les Théosophes
pensent que l'amour terrestre, qu'il soit de couple ou de groupe, est un
accord de monades coopérant pour construire ou préserver les
vivants outils exploratoires du Monde. C'est une association
utile ou nécessaire aux âmes, le temps d'une vie. Or, c'est
l'immortel esprit divin, non pas l'âme mortelle, qui doit réaliser
dans l'éternité, non pas dans le temps, son involution
dans des incarnations successives. Quand il aura atteint le nadir de corporéité,
il remontera vers sa divine origine. L'intellect est le moyen
actuellement utilisé pour avancer dans ce projet. Deux portes sont
ouvertes dans la conscience humaine, la raison qui tente
d'ordonner le monde phénoménal, et l'intuition pour en parfaire la
compréhension.
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L'Esprit
individuel est immortel. Utilisant
l'intellect, il commence à prendre conscience de sa nature
véritable. Il doit aussi démasquer toutes les illusions composant le
Monde, et cette étape est terrifiante. Car le temps est illusion, les
êtres innombrables sont illusoires, la beauté et l'harmonie, la
laideur et la violence, le plaisir et la souffrance, le Bien et le
Mal, la vie, la mort, et même
l'amour terrestre sont seulement des aspects vécus dans
l'initiation involutive de l'Esprit au Réel. Tout
le passé des incarnations doit être abandonné, renoncé, oublié. La totalité
karmique doit être neutralisée. Á ce stade de l'épreuve,
l'Esprit, (la monade individuelle
microcosmique), entre dans un désert sans repère ni
chemin. Il est dans un autre mode de
manifestation divine, un domaine spirituel fort différent où le
don répond au désir, où la douceur répond à la force. C'est la
sphère du principe de l'Amour Même dont l’éblouissement ne peut
être contemplé par un vivant qui n'ait pas changé sa nature. Son
vivant véhicule doit être transfiguré. Alors, dit la Gnose, la Joie manifestée du
Père descend ouvrir le chemin du retour au Royaume.
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