L'organisation des cultes à Rome

Après
la mort du roi sabin Tatius, Romulus règne seul. Il disparait un jour pendant un
orage. On en conclut que son père, Mars, l'avait enlevé, et il est adoré depuis
comme un dieu sous le nom de Quirinus, l'un des trois principaux dieux du
panthéon Romain. Les activités civiles et religieuses sont confondues à Rome.
Elles sont régies par un calendrier cyclique mal connu, (qui change au cours du
temps en demeurant assez différent du nôtre). Le plus ancien ne dénombre
que 55 jours ouvrables, le reste de l'année étant réservé aux fêtes et aux
dieux. Sous la République, il y a 45 jours de fêtes religieuses et 60 jours de
jeux publics (qui furent portés à 175 sous l'Empire), environ un jour sur
deux. L'année romaine est calée sur le cycle lunaire. Elle commence en Mars et
ne compte initialement que 304 jours répartis sur dix mois (numérotés de un à
dix). On attend ensuite environ 60 jours jusqu'à ce que le grand Pontife déclare
ouverte l'année nouvelle. Le roi Numa Pompilus ajoute deux mois de 25 jours à ce
calendrier en les consacrant à Janus et Fébruus, (la correction nécessaire
a lieu tous les quatre ans). Jusqu'au 1er siècle, les Romains ignorent également
la semaine. Trois jours marquent la division du mois, les "Calendes", (premiers
jours), où l'on proclame les cultes du mois, les "Ides" qui en marquent le
milieu, et les "Nones", neuvièmes avant les Ides. Les dates sont calculées en
reculant par rapport au repère suivant. Jules César reforme ce calendrier en ~46
en le calant sur un cycle solaire de 365 jours, et Constantin introduit
officiellement la semaine de sept jours en 321 après J.C. |
MOIS
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Durée
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MARTIUS |
31
|
APRILIS |
30
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MAIUS |
31
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IUNIUS |
30
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QUINTILIS |
31
|
SEXTILIS |
30
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SEPTEMBER |
30
|
OCTOBER |
31
|
NOVEMBER |
30
|
DECEMBER |
30
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TOTAL |
304
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Nom français
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Nom romain
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samedi |
saturnus dies |
dimanche |
solis
dies |
lundi |
lunuae dies |
mardi |
martis dies |
mercredi |
mercurii dies |
jeudi |
jovis
dies |
vendredi |
veneris dies |
Graffiti sur un mur romain de Pompéi qui montre, à gauche, l'ordre et
les noms des jours
de la semaine romaine
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Calendrier romain |
Il apparaît ici que la semaine
romaine commençait le samedi |
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Il
y a à Rome, de nombreux prêtres répartis en deux groupes, les
Collèges et les Sodalités. Mais la notion de laïcité n'existe pas
et tout citoyen peut se transformer en célébrant puisque la
religion n'est qu'un rituel destiné à maintenir la bienveillance
générale des dieux. On comptait trois puis quatre Collèges dont les
Pontifes, avec un rôle est très important car ils dirigent toute la
religion romaine, les Augures, chargés d'interpréter les désirs des
dieux par l'observation des signes divinatoires, les Quindecemviri
qui consultent les Livres Sibyllins dans le même but, et enfin les
Septemviri qui supervisent les jeux publics, le culte rendu à
Jupiter Capitolin et les banquets sacrés. Il y a 16 Pontifes
majeurs, issus des sénateurs et 3 Pontifes mineurs, issus des chevaliers.
Nommés par cooptation, ils sont sous
l'autorité du (Pontifex Maximus), le Grand
Pontife (ultérieurement l'empereur), qui désigne parmi eux
le Rex Sacrorum, le roi des choses sacrées, un patricien
indissolublement marié qui a un rôle sacerdotal particulier. Les
Pontifes sont en charge de l'important calendrier. Ils président
toutes les fêtes traditionnelles, conservent les archives
religieuses, jugent certaines affaires privées (deuils,
mariages, testaments), Ils examinent les prodiges retenus par
les Augures, et consacrent les lieux et monuments publiques.
Á l'origine, ils entretenaient un pont sacré, d'où leur nom. Dans
le même collège, on trouve aussi les Vestales et les quinze
Flamines dont trois majeurs, le Flamine de Jupiter, Flamen
Dialis, le Flamine de Mars,Flamen Martialis, et le
Flamine de Quirinus, Flamen Quirinalis.
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Statue d'un
Pontife Romain
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L'empereur Hadrien
en Pontifex
Maximus |
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Les Vestales sont les
prêtresses de la déesse du feu Vespa, personnification divine des
foyers. Vénérées par tous les Romains, elles entretiennent le feu
perpétuel qui brûle dans le temple pour symboliser l'âme des
ancêtres, feu qu'on ne peut rallumer qu’aux rayons du soleil, avec
des miroirs, si jamais il s'éteint. Les Vestales sont des jeunes
filles choisies dans les familles patriciennes,
dès l'âge de six à dix ans. Parfaites et sans défaut physique,
elles doivent rester vierges et demeurent en service pour trente
ans. Elles sont au nombre de dix-huit, six en exercice, six novices et
six anciennes. Pendant les dix premières années, elles sont
instruites par les aînées, pendant les dix années, elles exercent
effectivement leur ministère, et pendant les dix dernières, elles
instruisent les novices. Elles rentrent ensuite dans
la société et peuvent se marier. Le Grand Pontife les nomme par
tirage au sort, et c'est aussi lui qui les punit très sévèrement
quand elles laissent le feu s'éteindre. Astreintes à la virginité,
les vestales doivent avoir une absolue pureté de mœurs. Celle qui
manquerait au vœu de chasteté serait emmurée vivante dans un
caveau avec quelques provisions et une lampe à huile. Comme tous
les hauts dignitaires, elles sont précédées d'un licteur et
suivies de nombreuses femmes et d'esclaves lorsqu'elles se
déplacent. Elles peuvent faire gracier un condamné à mort
rencontré sur leur chemin. Elles ne dépendent que du collège des pontifes,
et sont souvent appelées pour apaiser les petits conflits
familiaux. Vêtues de blanc avec un voile orangé, elles peuvent porter un
manteau pourpre et garder toute leur chevelure. |
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Vestales entretenant le Feu
sacré |
Consécration d'une Vestale |
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Placés sous l'autorité du Pontifex Maximus,
les Flamines sont attachés au culte d'un seul dieu. Trois flamines majeurs
sont issus des patriciens, celui de Jupiter, Flamen Dialis,
le Flamine de Mars,Flamen Martialis, et celui de Quirinus, Flamen
Quirinalis. Les douze autres, issus des plébéiens, regroupent
les Flamen Carmentalis (Carmentis), Flamen Cerialis (Ceres),
Flamen Falacer (Falacer), Flamen Floralis (Flora), Flamen
Furrinalis (Furrina), Flamen Palatualis (Palatua), Flamen Pomonalis
(Pomona), Flamen Portunalis (Portunus), Flamen Volcanalis (Vulcain),
et Flamen Volturnalis (Volturnus). Certains dieux nous sont inconnus,
l'institution semble remonter à Romulus ou Numa. Les Flamines
conservent chez eux le feu sacré, symbole de leur fonction.
La charge prestigieuse est contraignante. L'impétrant est
solennellement marié (par confarreatio, forme réservée aux
patriciens). Il porte l'apex, coiffe de cuir blanc surmontée
d'une touffe de laine. Il est soumis à de nombreuses obligations,
ne pouvant monter à cheval ni dormir trois nuits hors de chez
lui, ni passer sous une vigne, ni voir l'armée. Les pieds de
son lit sont enduits de glaise. Le flamine de Jupiter ne
touche pas les animaux impurs, ni un cadavre ou rien évoquant
la mort. Il ne porte aucun nœud ou agrafe, ne se tient pas nu
sous le ciel. En contrepartie, il siège au Sénat et dispose
d'un licteur et d'une chaise curule, comme les hauts magistrats.
Son épouse, la flaminica est vêtue de robes aux couleurs
vives et participe aux rites. Elle ne peut montrer ses chevilles
ni se coiffer avec un peigne en bois ou utiliser des ciseaux de fer, etc..
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Les
Augures forment le second collège religieux romain. Lors de la
fondation de Rome, c'est un augure étrusque du nom de Vettius
qui départage Romulus et Remus par l'observation des vautours.
Leur rôle est de faire connaître l'avis des dieux. Dans la Rome
antique, les décisions politiques sérieuses exigent la
consultation des augures, en charge de l’interprétation des
signes divins. L'avis des dieux peut être obtenu par un présage
lié à la survenance d'un évènement étrange dont le sens est
donné par le collège des augures et la consultation d'archives
spéciales ou des "Livres Sybillins". S'il n'y a aucun présage, l'augure
observe l'appétit des poulets sacrés ou épie ce qui se passe dan
un Templum, (non pas un temple), un lieu céleste dédié
aux dieux. Il délimite cet espace avec le lituus augural, un bâton sans nœud
terminé par une crosse courbe (qu'on retrouve dans la crosse des
évêques et dans le mot liturgie). Si des oiseaux y passent, c'est un signe, favorable
ou défavorable selon la direction de leur vol. Le lituus
est utilisé dans d'autres rites "d'inauguration", comme
lors de la fondation des édifices ou des villes. Quand l’armée part en
campagne, elle est accompagnée d'augures et emporte des poulets
dans des cages pour avoir des indications sur les combats
prochains. Les Haruspices, autres spécialistes des signes divins,
utilisent les pratiques divinatoires étrusques. Ils prédisent
surtout l’avenir en observant les entrailles d’animaux
sacrifiés, particulièrement leur foie. Contrairement aux Augures
de fonction publique, les Haruspices sont des voyants plutôt
consultés pour des questions d'ordre privé. |

Panorama processionnel (Musée
dell'Ara Pacis à Rome). |
Deux
autres collèges existent à Rome. Quinze prêtres dont la moitié de
plébéiens constituent le Collège des Quindecemviri sacris faciundis.
Placés sous l'autorité du Pontifex
Maximus, ils sont chargés de consulter les Livres Sibyllins. Il
s'agit de trois recueils d'oracles probablement acquis à la
Sybille de Cumes, au ~6e siècle, par le roi Tarquin le Superbe qui
les plaça dans le temple de Jupiter. Ils sont consultés dans les
circonstances graves, ou lors de l'apparition d'un prodige
manifestant une colère divine, afin de savoir quel dieu est irrité
et comment l'apaiser. Ils provoquèrent l'introduction de plusieurs
dieux grecs dans le Panthéon romain et l'instauration des
banquets sacrés donnés en l'honneur des dieux, et ils
conclurent parfois à la nécessité de sacrifices humains. Les Quindecemviri lisent l'interprétation des oracles devant le Sénat
qui décide de la suite à donner. Ces Livres Sybillins
furent brûlés par les Chrétiens lorsque le Christianisme devint
religion d'État. Á leur fondation, au ~2e siècle, les Septemviri
Epulone groupent sept plébéiens qui constituent le septième Collège. Ils assistent les Pontifes et sont autorisés à
porter la robe prétexte, une toge blanche bordée de pourpre
marquant la dignité patricienne. Ils procèdent aux libations avec
la "Patera", et ils supervisent les jeux publics,
le culte rendu à Jupiter Capitolin, les repas publics donnés par
l'empereur et les "lectisternes" des banquets sacrés donnés pour Jupiter et les
autres dieux, à l'occasion d'une réjouissance ou
d'une calamité publique. Les statues des divinités sont couchées
devant des tables couvertes de victuailles
que mangent ensuite les Epulones. |
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Libation par l'empereur Hadrien
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La Patera est la cuvette
sacrée utilisée pour les libations. Son fond est souvent
renflé pour que le pouce ne profane la libation pendant qu'on
la verse. C'est l'emblème spécifique des Epulones.
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Il
existes d'autres confréries, les Sodalités (sodalitas),
qui comprennent au moins les Fétiaux, les
Saliens, les Frères Arvales et les Luperques. Les Féciaux
interviennent lors des déclarations de guerre et des traités de
paix. Les Saliens gardent un don
divin, le bouclier sacré de Numa qui serait tombé du ciel.
Le roi le plaça en un endroit réservé (la Curia Saliorum) et
en fit faire onze copies pour que nul ne puisse reconnaître
le vrai. Ces boucliers (ancilia) se mettraient en mouvement
en cas de danger. Les frères Arvales commémorent Acca Larentia,
la nourrice des jumeaux Romulus et Remus. Ses fils furent les
premiers Arvales. Ces Frères doivent curieusement invoquer le
dieu Mars pour qu'il accorde la prospérité des champs.
Il est étonnant de trouver le dieu de la guerre dans un rite agraire, mais
l'été est la saison de la guerre comme des travaux des champs. Les
Luperques sont les prêtres du dieu Faunus Lupercus. Au mois de
février, en mémoire de la Louve mythique (lupa), ils
immolent des chèvres et des chiens dans la grotte du Lupercal. Nus
et tachés de sang, ils font le tour du Palatin en flagellant les
femmes sur leur chemin pour les rendre fécondes. Cette
fête licencieuse serait l'origine de la St Valentin. Il y a encore
à Rome d'autres groupes religieux, tels les trente
Curions, les prêtresses de Cérès, ou les Galles de Cybèle. Les
Curions sont les sacrificateurs des Curies, (Romulus ayant divisé
le peuple en trois tribus et trente curies). Á Rome, l'exercice d'une
fonction religieuse laisse les prêtres mener une vie normale,
et ils peuvent cumuler magistrature religieuse et
magistrature civile, ou passer de l'une à l'autre.
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Hestia, équivalent grec de Vesta
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