Essai de reformulation
métaphysique
Chercher la lumière dans les ténèbres
D’où
suis-je ? Autrement dit « Hier, qu’étais-je ? ». Où suis-je ? Ou
bien,
« Maintenant, que suis-je ? ». Où vais-je ? « Demain, que
serai-je ? ». Aux questions existentielles concernant la vie et la
mort, l’origine de l’être et son destin, le chercheur peut trouver
des débuts de réponses qu’il tire de sa nature la plus intime, et
il construit une vérité personnelle en assemblant ces fragments.
Ce ne sont que des compréhensions partielles et des cheminements
incertains. Á l’aube du 21ème siècle, l’Homme reste insatisfait.
Dans cette période d’universalisme, il a besoin d’idéaux
universels mais ne cerne plus l’étendue de ce qu’il croit savoir.
Le temps n'est plus d’emplir un seul cerveau de toute la
connaissance humaine. Cependant, la découverte relative de la
vérité passe toujours par la liberté absolue de la pensée. Sur le
chemin du développement personnel, on n’avance qu’en la préservant
et en restant rigoureusement à distance des hypothèses tentatrices
rencontrées. Le langage et la pensée peuvent dénaturer la
perception du Monde et le doter d’aspects artificiels qui ne sont
que pures créations mentales. On peut alors tenter d’ouvrir les
différentes fenêtres que les théoriciens prétendent avoir percées
dans le mystère de l’Être total, mais nous savons que les
doctrines et les théories sont souvent multiples et ne durent
qu'un temps. C’est sur une double considération
globale que nous allons travailler, celle des origines scientifiquement probables des
choses, et celle de la diversité des approches
intuitives de l’être. La nature de l’Homme est comme celle du Monde,
et rien n’est jamais vérité absolue ni définitive.
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C’est en cheminant que l’on fait le
chemin, dit un proverbe brésilien. |
La faillible raison humaine se refuse à
faire naître du néant toutes les choses et toutes les
entités dont
elle constate l’existence. Elle postule qu’elles sont les
manifestations d’une immense force fondatrice primordiale. Á l’origine du Monde matériel, nous
ne pouvons cependant poser que l'insondable mystère de
l’être, et constater l’incommensurable puissance de son
énergie originelle. Partant de cette ignorance,
nous avons supposé que, dans le passé, elle a fait émerger le cosmos
et son contenu, minéral ou vivant, d’un chaos initial ou
d’un vide matériel originel. De la même façon, nous avons imaginé que la
vie a surgi de la matière, puis que la conscience et la pensée sont
sorties d’un
autre vide, intérieur et mental. Pour l’Homme,
maintenant et ici même, dans ce nouveau désert où se
perd sa conscience, une nouvelle émergence semble
paraître. Nous l'appelons, hâtivement, "Esprit",
sans vraiment comprendre ce que peut être cet Esprit,
si nouveau dans l’aventure terrestre de la vie. Beaucoup
d’hommes ont constaté que des formes complémentaires du mystère
fondamental semblaient être à l'œuvre dans leur destin et dans
leur champ personnel de vie. Á ces facteurs immatériels et
permanents qu'ils sont tentés de placer à l'origine et au
déroulement de leurs existences, ils ont attribué des caractères
théoriques et imaginaires, ceux d'une entité mystérieuse, une
divinité première éternelle. Ouvrant
des yeux nouveaux à la lumière naissante d'une prise de conscience, nous doutons
maintenant de nos fragments de certitudes, et nous entreprenons une quête,
tout à la fois incertaine et fondamentale, de la
réalité.
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Nés des étoiles, notre vrai visage est la lumière. |
Quand nous demandons à
la science de nous parler de l’origine du
cosmos immense, de l’énergie et des étoiles de la naissance de la vie,
nous découvrons un macrocosme admirable, depuis les galaxies jusqu’aux plus infimes
particules atomiques. Nous découvrons la vie merveilleuse qui a inventé la cellule et le
corps, la sève et le sang, la fleur, la graine, le plaisir
et la souffrance, le chagrin et la joie, la tendresse, la
cruauté, la dévoration universelle et la mort.
Mais
hélas, la science ne s’intéresse qu’au "Comment" des choses.
Et, nous interrogeons les mythes des
diverses civilisations et les idéologies de ceux qui prétendent nous parler du
"Pourquoi", tout en essayant de corriger la société humaine
ou d'améliorer les individus. Dans ces aventures humaines,
nous retrouvons surtout l’histoire épouvantable des guerres
meurtrières et des avanies cruelles que se font les hommes,
dans une lutte sauvage pour le pouvoir
et la richesse. Cette incurable
sauvagerie et cette implacable volonté d’asservir les autres
sont inscrites dans notre patrimoine génétique, donc
dans le karma de chacun.
Portant le regard sur la vague existentielle qui nous porte, nous
voyons que toutes les parties du cosmos se
dégradent au fil du temps. L'implacable
Shiva fait naître chaque chose nouvelle de la destruction
de l’ancienne, et au sein de la dégradation perpétuelle, la bataille paraît toujours perdue et tous
les vivants finissent tragiquement dans la mort. La défaite n’est
pourtant qu’apparente car la force de vie a déjà remporté
d’innombrables triomphes. Ces petites
victoires de l’immense force de vie permettent
l’émergence progressive de la conscience hors de
la matière inerte. Et tant passe le temps immobile,
qu’émerge enfin de l’océan cosmique, son propre regard !
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L'émergence de la conscience d'être. |
Il
faut poser le regard de notre conscient sur notre propre vérité. Nous sommes les
"Lucifères". Sur cette Terre au moins,
il semble que nous soyons les seuls porteurs actuels de la
conscience éclairant l’existence. Le sens du mot Lucifer
a beaucoup varié au fil des âges. Étymologiquement, il
signifie « Porteur de Lumière ». Il a été
appliqué à l'Adam, au roi de Babylone, au Christ, à l’étoile
du matin (Pierre 2/19). Il désigne, depuis le Moyen-âge,
l’Archange rebelle à l’ordre divin chrétien, le Satan. Ici et
maintenant nous travaillons à élargir cette conscience éclairante et à effacer
les traces d’un passé révolu.
Avec ce mot magnifique, nous désignerons ici les forces immenses
qui travaillent à la réalisation du parangon humain. Obscurément, au sein de
la transformation perpétuelle du chaos,
dans un but encore inconnu, ces forces lucifériennes puissantes
modèlent le Monde et son contenu, y compris l’Homme avec ses
qualités et ses défauts, en ouvrant son intellect et sa
conscience. Au niveau actuel de l’immersion des forces
originelles dans le Monde existentiel,
l'Homme atteint un point particulier. On peut le considérer
comme un point haut, zénith actuel du
développement croissant de nos outils mentaux, ou comme un
point bas, le nadir de la matérialisation de notre
être total. L’important est de comprendre qu’à partir de ce point
particulier ou de cette rencontre, par les refus que nous
formulons, par les décisions que nous prenons, et par les actes que
nous accomplissons, nous pouvons changer notre état actuel. Et
ce nouveau cheminement de réalisation personnelle peut nous
conduire à un renouveau d'accomplissement.
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Nous sommes physiquement des hommes de
lumière |
L'homme de lumière est
aussi une réalité physique. Nous savons que le corps vivant
fonctionne avec des moyens électrochimiques. L’aspect chimique en est
fréquemment vulgarisé. Moins connu, son aspect électrique se
manifeste au niveau de la cellule. Celle-ci peut être
assimilée à une très petite sphère enveloppée d’une membrane
isolante. L’intérieur et l’extérieur sont conducteurs.
Électriquement, cette disposition est analogue à un
micro-condensateur. Les valeurs absolues des potentiels en jeu sont très faibles, mais l’épaisseur de la membrane est
infime, (5 à 10 nanomètres), Les distances
diélectriques sont donc très courtes et les champs sont très
élevés. Ils sont de l’ordre de vingt
mille volts par millimètre, c’est-à-dire vingt fois plus
élevés que les tensions d'isolation de l’air sec. En fonction de la répartition des ions
de sodium et de potassium de chaque coté de la
surface, la membrane isolante subit
des claquages qui produisent des étincelles.
Il s’agit évidemment de micro-étincelles, à
l’échelle microscopique de la cellule, mais elles sont très
fréquentes et très nombreuses. On en compte environ cinq cent mille par seconde.
Nous n'en avons pas conscience car nous ne les percevons pas,
faute d'organes convenables. Cependant, toutes ces
micro-étincelles émettent des photons (ainsi que des ondes
hertziennes qui pourraient être inconsciemment perceptibles).
Si nous pouvions voir l’aspect électrique des corps vivants à
l’aide d’organes appropriés, il nous apparaîtrait comme un
nuage de myriades tourbillonnantes de brillantes étincelles électriques
fugitives. En vérité, mentalement et biologiquement, nous sommes
des hommes de lumière.
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Il faut consciemment distinguer l'objet créé et le sujet incréé |
Il
faut bien comprendre tout le sens du mot "création". Un
créateur, ouvrier ou artiste, élabore toujours son œuvre à partir
de lui même. Elle est une projection du contenu de sa propre
personnalité. C'est une image, ou un reflet, renvoyant à son
auteur. La création n'est donc pas un don amoureux mais la réponse
à une pulsion relativement narcissique. Il en va autrement dans
l'acte d'engendrer qui produit un être nouveau et autonome,
essentiellement différent de son auteur. C'est pourquoi, au fil
des âges, l'engendrement est le facteur majeur dans l'évolution
des espèces. Il en est de même dans la relation spirituelle à
l'autre. Tant que je perçois sa manifestation existentielle en
fonction de mon besoin, je le crée spirituellement comme "objet"
répondant potentiellement à la satisfaction de mon désir. Ce
n'est pas là un acte d'amour. Mais si je le reconnais comme un
compagnon, intégralement autonome, partageant librement un univers
commun, je l'engendre en esprit en tant que "sujet" particulier,
tout comme une mère engendre un enfant avec son destin propre et
personnel. Qu'importe qu'il soit ami ou ennemi, qu'il soit
humain ou animal, végétal ou minéral, astre ou particule. Coupé de
mon besoin, il nait, hors de moi même, comme "sujet
tout autre", tout comme je nais "tout autre", moi-même,
de lui, en mon acte de reconnaissance de son altérité. Cette acceptation du partage
est d'amour véritable, sans lequel le Monde demeurerait
désespérément vide. Pour cette raison, je crois que nous devons penser l'univers
comme
essentiellement incréé, et donc engendré, tant que nous persistons à prétendre qu'il trouve son origine dans la volonté de partage d'une cause
initiale singulière. |
L'homonculus sensoriel de Penfied
Avec ses sens, chaque homme crée son propre univers mental |
En notre recherche,
nous devons considérer les fonctions des
merveilleux organes sensoriels de notre corps. Bâtis
sur des extensions de la bouche et de la main, ils sont des
instruments de survie, des détecteurs de proies ou de dangers, non
pas des moyens de connaissance. Les sens coopérants
peuvent être multiples, différant selon la fonction et
l’utilité. La sensation naît quand un organe différencie un stimulus
particulier dans l’environnement. C'est un signal physiologique
engendré par l’excitation de l’appareil considéré. Á partir de ces signaux, le
cerveau fabrique des représentations synthétiques du monde, et
il présente ces descriptions artificielles au mental pour
imager la réalité. Le percept correspondant est un objet
purement mental. Il ne fait pas de véritable référence à
la chose réelle qui a émis le signal initial, mais il en
signale la présence. Primitivement, le mental traite ces artefacts
comme des objets véritables, attrayants ou repoussants, et il les
combine avec ses souvenirs pour répondre aux besoins vitaux. En
matière de recherche, considérant toutes ces illusions sensorielles et
mémorielles comme des choses réelles et crédibles, l’intellect
produit des images ou des idées, vraies ou fausses. Il unit ses
expériences aux souvenirs du passé pour construire un
référentiel artificiel et souverain, centre clos de son propre
univers. Le détournement d'usage des informations sensorielles bute
sur les limitations initiales d’apparition et de développement des
organes. Elles favorisent bien évidemment le comportement vital de l’usager instinctif mais elles constituent
des obstacles importants à l’utilisation novatrice et artificielle que nous en faisons pour
édifier la connaissance raisonnable.
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Les univers mentaux sont multiples parce que
l'homme est multiple. |
Nous
ne savons pas si l'Univers est unique ou multiple, mais le Monde perceptible est multiple puisqu'il n'est qu'un
un objet mental. Le miroir magique du cerveau
présente à chacun un reflet de la réalité combinant les
signaux sensoriels au souvenir des expériences
vécues. En l'humanité, l'Homme est à la fois
multiple et différent. La "connaissance" demeure
diversifiée et contradictoire, partielle, partiale et temporaire,
inégalement répartie entre les chercheurs de cultures diverses,
avec autant d'univers mentaux que
d'observateurs. L'Homme engagé dans une exploration universelle communiquera
difficilement
ses découvertes. Selon Jean Charon, l’Univers, entièrement vivant,
est constitué de "psychomatière", à la fois matière et
esprit. "Nous sommes, au sein d’un Univers
immense, vivant et raisonnable. Nous sommes
faits d’une partie réelle, entropique, qui se défait à la
mort, et d’une autre partie, qui est l’esprit, imaginaire au
sens mathématique du terme, de nature "néguentropique", qui
donc ne peut pas régresser. Mais il ne faut pas diviser les
choses. On est à la fois matière et esprit, comme
tout l'univers. C’est inséparable, et c'est cela l’unité. La
mort demeurera un mystère tant qu'on ne saura pas ce qu’est
la vie. À la mort du vivant, il subsiste quelque chose qui rayonne
à l’échelle du cosmos entier. Nous vivons dans un Univers contemporain.
Le passé reste le passé, le futur reste le futur, mais, au présent, nous sommes
une partie de cet Univers qui a le même âge que nous". La
position de Jean Charon rompt avec la conception du "Big Bang" et pose
l'hypothèse d'un univers en perpétuelle création. |
Notre seul échantillon de l'univers véritable est intérieur. |
La
quête de vérité que nous menons en examinant l'Univers demeure
intrinsèquement imparfaite. Nous l'exerçons toujours à partir de
nos objets mentaux, ces reflets internes construits par notre
cerveau sur la base des données provenant de notre mémoire et de
nos sens limités. Cela reste vrai quelles que soient les techniques
et les instruments utilisés pour augmenter la précision de
l'examen. En fait, le seul échantillon d'univers dont nous
disposons véritablement est notre propre corps, à condition
toutefois que nous renoncions à utiliser nos sens pour son
exploration. Nous devons donc user d'une forme de conscience plus
intime et plus profonde, et renoncer à décrire notre démarche avec
des mots, fussent-t-ils mentaux. L'intelligence humaine fractionne
logiquement les problèmes pour en résoudre successivement les
différents aspects. Nous distinguons ainsi l'être et l'existence,
l'inerte et le vivant, le bien et le mal, la vie et la mort, et
tant d'autres opposés. C'est pourquoi l'idée d'un Univers
globalement vivant, (constitué de psycho-matière par exemple),
nous paraît fort étrange. Il apparaît pourtant, même dans
l'approche limitée que permet son approche scientifique raisonnée,
que c'est l'association de tous ces opposés complémentaires qui
fait fonctionner l'Univers. La pensée ésotérique orientale opère
plus facilement la fusion des contraires que l'occidentale,
culturellement moins préparée à cette globalisation. Il me semble
donc qu'il faille amener la conscience à s'écarter des
descriptions analytiques systématiques et des découpages logiques dans l'étude
du Monde extérieur, pour qu'elle puisse se consacrer plus
efficacement sur la
réalité accessible. |
La conscience peut-elle s'étendre au delà de la Terre ? |
Cette
réorientation de la conscience par un retournement total vers la
réalité intérieure parait un temps inopérante. Lorsque l'on
coupe la mécanique cérébrale des perceptions sensorielles et des
recours mémoriels, on prive le mental de ses aliments habituels,
et l'on trouve un désert temporaire. C'est pourtant un premier
aspect de la réalité du Monde qui se révèle. Dans la globalité
illimitée, il n'y a rien à distinguer ni à analyser. Tout est dans
tout, et chaque être est avec et dans les autres êtres. Les
distinctions existent pourtant, mais elles ne séparent pas. Petit
à petit, on réalise que l'être, l'existence, l'inerte, le vivant,
le bien, le mal, la vie, la mort, et tous les opposés sont
constitutifs d'une entité qui réunit l'origine à l'ultime. Nous
n'habitons pas la Terre, nous sommes, de par les propriétés
particulières de notre humaine et corporelle nature, la vivante
conscience de la planète. Nous sommes la preuve évidente de la
réalité de la psycho matière et de son unicité. La nature de
l'homme est double. Au travers de l'évolution multi millénaire de
l'espèce humaine, la vivante psycho matière semble travailler pour
organiser et adapter ses multiples mécanismes et instruments
corporels aux contraintes structurelles de l'environnement
physique général. Son but final paraît cependant être tout autre,
puisqu'il débouche actuellement sur l'apparition de la
conscience dans la biosphère. Chaque atome individuel d'un élément
radioactif sait même quand le moment est venu de se désintégrer,
et cela sert à régler toutes les horloges du Monde. Nous constatons la présence
de cette conscience à différents stades dans le monde animal, mais
elle paraît bien plus avancée chez l'Homme. |
L'union des opposés est constitutive de l'unicité du Monde |
La
volonté d'élargissement
de la conscience humaine peut déboucher sur bien des étonnements. Seul parmi les
êtres de cette Terre, nous disait Hermès Trismégiste, l’Homme est double, image
microcosmique du Monde macrocosmique. En lui coopèrent
plusieurs formes d’expression de l’Etre. Il y a deux
natures dans l'Homme. L’ordinaire est mortelle, c'est l'être de chair que nous
connaissons bien. L’originelle immortelle est un être de lumière
venu du fond des âges. Il aurait tout mené, tout connu, puis
presque tout oublié en tombant amoureux de la matière. C’est
pourquoi il en a conservé une réminiscence, une re-connaissance".
Dans le cadre d'une recherche autonome, nous devons, bien
évidemment, nous garder de tomber dans une approche doctrinale,
mais nous pouvons cependant prendre occasionnellement en compte les hypothèses
issues de la sagesse antique. Considérons alors que les
forces lucifériennes ne sont pas seules à l’œuvre ici-bas. Un
second acteur semble être en action, non pas en exerçant une force mais un
don. Il déverse aussi sur le Monde une immense puissance qu'il
n'impose pas mais qu'il offre. De façon générale, il se
présente comme un flot inondant la pensée humaine. Cette
autre puissance est reconnue depuis des siècles, dans bien des
cultures et sous beaucoup d’appellations
différentes. Les hommes manifestent constamment sa perception
par une attitude humaniste ou altruiste, et ils ont fondé sur
elle la plupart de leurs religions ou de leurs philosophies. Dans notre
actuel référentiel culturel occidental, et pour utiliser un
langage courant, nous pourrions l’appeler l’élan christique. |
Aucun mot ne peut les décrire |
La religiosité, l’inspiration artistique
ou la recherche
scientifiques sont des réponses à la perception d’un manque.
Elles expriment la nécessité d’assouvir un besoin non
satisfait. Cet élan, ces espoirs, (ou ces
ressouvenances), d’un état de meilleure satisfaction sont une
constante de la nature humaine. Chaque Homme-individu conduit une
recherche, une expression, ou une foi, qui correspond à sa
propre nature. Dans cette démarche, une source inconnue peut apporter des
illuminations ou des flambées fortuites de connaissance concédées aux seuls humains véritablement conscients du
mystère de l'être. La
nature du désert originel change lorsque le champs de conscience
s'étend à l'unicité vivante universelle. Il arrive qu'un jour des clartés soient
accordées. Dans cette dimension inconnue du monde,
aucun langage ne peut décrire ces dons tant ils sont personnels, au
point même qu'ils paraissent devoir être tenus secrets. Peut-être
aborde-t-on ici le domaine réservé
d'un Tout-autre inconnu, dans l'expérimentation de la réalité de
son altérité
absolue. Le contact avec le véritable sacré me semble redoutable.
Je
vais pourtant essayer de parler un peu de ce qui me fut montré.
Un soir, sans préalable, un flot d'énergie immense et effrayant m'a
traversé tout l'être. J'ai su que l'évènement ne pouvait
perdurer sans que je meure, et il s'est alors retiré sans dommages. Un
autre jour, un océan de douceur et d'amour m'a bouleversé au point
que je ne voulais plus que m'y anéantir, mais il s'est aussi retiré à temps.
Dans un autre moment, j'ai été temporairement libéré de toute ma
charge karmique et je ne puis décrire l'extrême liberté de cet
état. Bien d'autres personnes ont connu ces clartés toujours
différentes. |
Une question de maturité spirituelle |
On
est évidemment ici devant le problème de la grâce, ce don venu
d’ailleurs. Que l’on applique ce mot à la pulsion de religiosité,
ou à d'autres formes irrésistibles de réponse à des manques, c'est le même
problème. L'impulsion initiale personnelle, quelle soit de connaissance, de
recherche d'harmonie ou de beauté, de connaissance scientifique, d'inquiétude métaphysique, d'inspiration artistique, ou de génie créatif,
répond à une proposition, floue parce qu'intuitive, provenant
de l’intelligence universelle.
Tous les hommes ne la perçoivent pas de la même façon.
Certains individus y répondent par des réalisations
artistiques ou scientifiques, tandis que la majorité des hommes, apparemment
immatures, restent indifférents. On
pourrait même penser qu'ils ne la perçoivent pas parce qu'elle
ne leur est
pas faite. On trouve cette notion
d’élection dans beaucoup de religions. La Gnose antique
exprimait déjà cette fracture en partageant l’humanité en
deux types d’individus. Quelques-uns étaient appelés à la
ressouvenance mais les hommes ordinaires restaient dans
l’obscurité de la conscience. La Gnose moderne soutient plutôt l'idée de
l'acceptation individuelle
d'un appel par ceux qui ont acquis la maturité spirituelle
nécessaire. C'est au cours d'incarnations maturatrices successives, que
l'expérience existentielle apporterait à l'être intérieur,
individuel et éternel, la capacité de reconnaitre l'appel de
l'Esprit et d'y répondre. La qualité d’un homme richement doté résulterait
donc d'un appel extérieur tout autant que sa propre maturité.
Cela n’impliquerait donc aucun mérite personnel mais seulement la
source d’un devoir de partage avec les autres hommes.
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Le
vide n’est pas le non-être |
Le
grand Tout universel demeure mystérieux et inconnaissable. Lorsqu’on
l’approche par la raison, on ne trouve que le chaos de la
béance originelle. C'est la pensée créatrice qui peuple ce vide.
L'Univers est la manifestation d’une pensée surhumaine. Lorsque
nous laissons notre propre intelligence rejoindre la grande
intelligence universelle, ce vide insondable et sacré s’emplit
soudain d’un nombre immense de créatures et de la puissance qui
les a créées. "Ce vide n’est pas le non-être, le néant, disait
Georges Cahen, c’est au contraire l’être le plus complet qui soit
puisqu’il contient l’univers en puissance".
Sous-dieux naissants, engendrés dans ce monde par l’Esprit, les
hommes deviennent, peu à peu, adultes et autonomes. Par le pouvoir
créateur de la pensée, ils se rendent capables de modeler l’argile
plastique du Monde, et tentent évidemment de devenir des Dieux sur
la Terre. Mais est-ce bien la véritable vocation de l’Homme ? De par
son antiquité et l'étendue
généralisée de sa pratique dans les sociétés humaines, la
religiosité paraît être une fonction archaïque montant de
l’inconscient. Ce niveau est inaccessible aux raisonnements de
l’intellect. C’est pourquoi, lorsque nous travaillons à construire
notre dimension spirituelle, nous devons y intégrer consciemment
ce fondement primordial. Certaines écoles ésotériques disent que
l’Esprit est entré dans l’Homme par l’animal, et qu’il atteint
seulement maintenant sa conscience. C’est cette prise de
conscience de l’involution de l’Esprit, de sa descente dans la
matière, dans la nature inconsciente, puis de sa lente remontée
dans la conscience humaine, qui est appelée "Incarnation
de l’Esprit". |
L'émergence de la conscience |
Si
on l’admet, il faut aussi accepter que la
construction de l’Homme par l’évolution, y compris l’émergence de
sa conscience, résulte de la réalisation d’un plan antérieur,
étranger et extérieur, lequel atteindrait maintenant le point
où ce facteur doit être activé. Cela signifierait que l’existence
humaine a une cause intelligente et active qui lui a fixé un but au début des temps et de la
vie, bien avant qu’apparaissent la corporéité et le conscient. La prise de conscience qu’un
plan surnaturel puisse nous impliquer en
tant qu’opérateur, ou sujet actif, prend ici une
signification presque brutale. Ce choc résulte du contact
inattendu avec cette altérité inconnue qu’il est convenu
d’appeler le sacré. Dans la tradition hébraïque, le Livre du
Zohar décrit les multiples précautions que le Dieu hébraïque
a pris en descendant au niveau de la matière pour
accomplir sa création. Au-delà des descriptions théoriques,
conceptuelles et imagées des littérateurs, demeure l'idée
d'un danger, celui du contact effectif avec le Tout-autre
inconnu, et surtout de la perception expérimentale de la réalité
de cette altérité absolue. Le contact avec le véritable
sacré nécessite de la prudence dans l'approche. Alors,
au chercheur
inquiet, quêtant toujours éperdument en ce bas monde la vérité et
la connaissance, la chaleur et l’amour, la lumière et le sens de
la vie, il convient peut-être de rappeler maintenant l’antique
message laissé dans le temple de Saïs par la fille d’Atoum, le
dieu solaire primordial et créateur, (à la fois Tout et Rien,
Être et Non-être), afin de lui redire les lumineuses paroles
de l’aimable déesse, image symbolique et éternelle de la Grande
Mère de tous les vivants.
Le fruit que j’ai engendré, disait Isis, est le Soleil !
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