Arts et Sciences, Hommes et Dieux
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( Mise à jour de juillet 2017 )
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  Petit Manuel d’Humanité

CAHIER 3 - Poussières d'étoiles

MANUSCRIT
ORIGINAL


 
N° 00035434
Tous droits
réservés

Table des Matières interactive.

Les théories d'aujourd'hui sont les erreurs de demain.
Il était une fois un grand mystère.
Les particules sont éternelles.
Après dix milliards d'années, le Soleil !
Au "non-commencement" était l'univers indéfini.
L'univers est probablement fractal.
La véritable nature de l'univers nous échappe totalement.
Au commencement était la simplicité.
Nous serions seulement les machines à survie des gènes.
Rassurez-vous un petit peu !
Le corps minéral s'est revétu d'un corps vivant.
Le symbole de l'arbre homme.
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Poussières d’Étoiles

Il se trompe celui qui questionne, et celui qui répond se trompe aussi.

Il sait assez celui qui sait, s’il a compris qu’il ne sait rien. (Siddartha Bouddha)

Les certitudes d’aujourd’hui sont les erreurs de demain.

Sur bien des plans, les idées et les découvertes de ce siècle sont stupéfiantes. Je tenterai pourtant de monter que les certitudes de la science sont parfois à prendre avec prudence. Elles sont souvent sujettes à révision d’une théorie ou d’une hypothèse sincère à la suivante.

  • Elles ouvrent certainement des fenêtres merveilleuses sur la matière, la nature de l’univers, son évolution et son contenu.

  • Elles ouvrent aussi des étonnements sur ce qui est intérieur à l’homme et l’habite, puisque comme toute forme de pensée, elles sont un phénomène électrochimique cérébral et donc procèdent fondamentalement du fonctionnement mécanique du cerveau.

Il est toutefois beaucoup moins certain que ces découvertes proposent une vision suffisamment large du réel total, lequel comprend à la fois, et à tout le moins, l’homme lui même avec son cerveau, le monde extérieur au cerveau, sa représentation intérieure, et leurs interactions.

Pour commencer avec humour cette réflexion, voyons rapidement quelques récentes certitudes erronées d’illustres savants contemporains.

  • Watson (PDG d’IBM en 1947). "Je ne pense pas qu’il y ait un marché pour plus de cinq ordinateurs, dans le monde entier ". 

  • Lord Kelvin en 1936 énonçait " Tôt ou tard on prouvera que les rayons X sont un canular ".

  • Einstein déclarait en 1932  " Il n’y a pas la plus petite indication que de l’énergie puisse un jour être obtenue à partir de l’atome, car cela voudrait dire que l’atome pourrait être brisé à volonté ". 

  • Milikan (Prix Nobel de physique) en 1923 " Il est totalement improbable que l’homme utilise un jour la puissance de l’atome. L’idée spécieuse selon laquelle on utilisera l’énergie atomique lorsque nos réserves de charbon seront épuisées est un rêve utopique et totalement non scientifique ". 

  • Edison " Rien ne justifie l’emploi du courant alternatif qui est aussi inutile que dangereux  ". 

  • Flammarion en 1892 " Il est très probable que la planète Mars soit actuellement occupée par une race supérieure à la notre ".

  • Auguste Comte " Je n’en persiste pas moins à regarder toute notion sur les véritables températures moyennes des astres comme devant nécessairement nous être à jamais interdites ".

  • Marcelin Berthelot en 1887, ( la plus connue et la plus ridicule), " L‘univers est désormais sans mystère ".

Mais sachez aussi que de prétendues erreurs passées, violemment combattues à l’époque de leur formulation, se sont révélées vérités au fil du temps. De tout temps les vérificateurs ou contrôleurs de la pensée correcte ont été nombreux. Ils le restent aujourd’hui. Ce sont de dangereux inquisiteurs potentiels qui ignorent souvent leur propre dangerosité, et ne reconnaissent pas les passions irrationnelles qui les poussent. L’inquisition est généralement politique au sens large du terme. Elle agresse tous ceux dont l’ouverture de pensée menace le pouvoir actuellement en place. Pourtant, ce pouvoir n’est pas toujours politique, au sens étroit du terme. Il résulte généralement du consensus commun sur la pensée banale, et il peut donc s’exercer dans l’environnement proche, familial, social, professionnel ou culturel du chercheur. Il est donc possible que cette contrainte vous implique à titre personnel.

Si vous le voulez bien, nous allons maintenant examiner les théories du Monde et du Temps que propose la science actuelle. Cela revient à discuter du contenu des objets mentaux élaborés par les cerveaux des scientifiques pour expliquer ou justifier leur propre existence. Je vous prie de bien vouloir pardonner ces quelques pages d’un développement assez obscur et compliqué. Ce développement appellera successivement des nombres très petits et d’autres très grands. Ils expriment la durée, la température, ou la dimension de l’univers. Pour nous, petits hommes ordinaires, ils n’ont aucun sens immédiat. Il nous faut donc recourir à des représentations, c’est-à-dire leur substituer des images mentales intermédiaires, pour qu’ils puissent prendre un semblant de signification. Paradoxalement, c’est le temps très long qui semble être le plus facilement figurable. J’ai longuement cherché une image qui soit représentative de l’immensité des temps écoulés tout en conservant une figuration suffisamment perceptible et satisfaisante de la durée de la vie humaine.

Vous verrez qu’une surface peut répondre à cet objectif, si l’on convient de donner la valeur d’équivalence d’une année à chaque millimètre carré. C’est un très petit carré, mais il reste assez visible, car il est de la dimension d’une tête d’épingle. Dans cette figuration, chaque vie humaine couvre un peu moins d’un centimètre carré. C’est l’ongle du petit doigt. Un million d’années correspond alors à un mètre carré, ce que chacun peut se représenter facilement. C’est une grande feuille de papier millimétré où chaque petit carré figure une de ces années qui s’enfuient si rapidement. Mille mètres carrés, la surface d’un très grand jardin, correspondent à un milliard d’années. La durée passée de l’univers, dix, ou quinze, ou vingt milliards d’années, est alors représentée par une surface d’un à deux hectares, soit un carré de plus de cent vingt mètres de coté.

L’ancienneté du système solaire, étoile et planètes, est estimée à quatre milliards d’années et demi, soit un tiers ou un quart de la durée possible de l’univers. La vie semble être présente sur Terre depuis deux ou trois milliards d’années. Dans notre convention de représentation, la vie depuis son obscure origine, couvre deux à trois mille mètres carrés, et l’espèce humaine, un ou deux millions d’années, soit environ deux pas, mille fois moins. Dans cette grande prairie, la vie de chaque génération humaine, comme la notre, occupe aussi peu de place qu’une petite pâquerette. Néanmoins elle occupe cette place et reste tout à fait repérable. Par ailleurs, j’ai beaucoup cherché mais je n’ai rien trouvé qui permette de représenter les distances immenses qui séparent les galaxies les une des autres, ou les amas de galaxies. La dimension de l’univers observable, en kilomètres, s’écrit avec 24 zéros. Seule la représentation mathématique peut satisfaire au besoin, mais c’est une abstraction qui ne parle pas à l’imagination ordinaire.

Krisnamurti disait que le mental humain fonctionne sans cesse, mais qu'on peut l'arrêter en posant au conscient une question sans réponse. Il pensait que si l'on peut y répondre avec une absolue sincérité " Je ne sais pas ", le mental s'arrête alors, se vide de tout son contenu, et se repose. Il a formulé lui-même un exemple de ce type de question. " Le cerveau humain comprendra-t-il un jour l'intégralité du réel  ". On pourrait la reformuler en disant " Le cerveau humain peut-il comprendre la véritable dimension de l’espace ? ". Mais ne vous posez pas maintenant la question impossible. Attendez s'il vous plaît la fin de ces propos.

Il était une fois,

Il y a 10 ou 15 ou 20 milliards d’années,

ou 200 milliards de degrés,

ou 4 milliards de parsecs,

un grand mystère !

Là bas, ou bien à cet instant, ou à cette température, un mystérieux événement est peut être arrivé.
Il est possible, sinon probable, qu’une cause originelle se soit manifestée avec une énorme puissance.
Soudain, un inconcevable préexistant aurait été transformé en l’univers actuel.

Nous pouvons penser que cet événement a donné simultanément naissance au temps, à l’énergie et à la dimension. Aujourd’hui encore, nous nous éloignons de ce point originel tout à la fois dans le temps qui coule, dans la température qui baisse, et dans les distances qui croissent. C’est pourquoi on peut indifféremment chiffrer cet éloignement en temps, en degrés, ou en distances. Ces facteurs évoluent de concert et sont équivalents. On dit aussi que l’entropie s’accroît. L’énorme agitation initiale semble aujourd’hui se calmer et courir vers sa fin. Un facteur pourtant se différencie, l’information augmente avec la conscience d’être. L’oméga des fins dernières rejoindrait-il l’alpha des origines ?

C’est l’abbé Lemaitre qui semble avoir envisagé le premier le modèle alors révolutionnaire, qui faisait soudainement naître notre univers dans une explosion initiale d’une inconcevable puissance. Ce n’est que plus tard, et initialement par plaisanterie qu’on lui donna puis qu’on adopta le terme de " Big Bang ".

Dans le déroulement du processus d’apparition de la matière, et peut-être devrais-je dire de sa manifestation, les scientifiques distinguent, actuellement et par consensus, plusieurs périodes différenciées.

  • La première, extrêmement courte, c’est la première seconde.

  • La deuxième comprend les quelques premières minutes.

  • La troisième, c’est le mystérieux premier million d’années.

  • La quatrième, c’est l’âge stellaire, notre univers actuel.

  • La dernière, c’est l’univers futur et inconnu.

En fait cette répartition est trop grossière pour décrire correctement l’image que l’on se fait actuellement des débuts de l’univers. Il faut y faire des distinctions plus subtiles. Tout se passe comme si d’immenses vagues existentielles partaient du centre de la manifestation pour parcourir successivement et indéfiniment le cosmos, en élargissant sans cesse leur rayon d’action, d’organisation, de reconstruction et de transformation.

La première de ces vagues intéresse une très courte période, pendant laquelle se déroulent des événements complexes. Au début, et pendant un temps extrêmement bref, la situation n’a pour nous aucun sens. Nous ne pouvons en faire aucune image compréhensible et nous sommes dans l’incertitude absolue.

Puis, après une fraction de seconde, qui s’exprime avec un zéro suivi de 42 autres zéros avant la virgule, les forces fondamentales apparaissent, mais elles sont confondues d’une façon que les physiciens ne semblent pas encore en mesure d’élucider. Elles commencent ensuite à se mettre en place, en se différenciant une à une, avec un changement d’état, dit transition de phase, après chaque apparition.

Après zéro seconde suivi de 33 zéros avant la virgule, une première force se caractérise, et se sépare. C’est la gravité, celle qui attire les corps les uns vers les autres et assure la structure de l’univers. Au 27ème zéro, la température tombe en dessous de cent millions de degrés. La force dite forte, qui est celle qui assure la cohésion des noyaux des atomes, se sépare à son tour. C’est un événement important qui provoque une nouvelle explosion à l’intérieur de l’explosion initiale. L’univers enfle brusquement. Son état initial est bouleversé par cette inflation et les quarks, qui sont les éléments fondamentaux de la matière, sont formés. Des quantités énormes de matière et d’antimatière apparaissent simultanément, et s’annihilent mutuellement, en se transformant en rayonnement. Comme il n’y avait pas tout à fait autant d’antimatière que de matière, sans que l'on imagine pourquoi, il subsiste un tout petit excès de celle-ci qui constitue l’univers actuel.

Au 10ème zéro, les deux dernières forces actuellement connues se séparent. La force dite faible, qui agit à l’intérieur des atomes et contrôle la radioactivité, divorce d’avec la force électromagnétique qui contrôle les phénomènes magnétiques, électriques, et chimiques. Il y a un brutal changement de phase. Les quarks s’assemblent et fusionnent trois par trois pour former les protons et les neutrons. A ce moment toutes les particules sont formées. Elles semblent pouvoir durer bien plus longtemps que l’univers lui-même.

Les particules sont éternelles.

Après cette première seconde, l’âge nucléaire commence. Une seconde vague existentielle s’élance, dans un univers déjà très différent et beaucoup plus étendu. La température baisse. Protons et neutrons fusionnent pour former seulement un très petit nombre de corps élémentaires. Ce sont le deutérium et le tritium. Ils fusionnent ensuite pour donner l’hélium 4, le lithium 7 et le béryllium 7. Après trois minutes de plus, les premières fusions nucléaires s’arrêtent. L’aventure est provisoirement terminée.

L’univers attend des temps meilleurs.

La troisième vague démarre. La période radiative, un nouvel âge de l’univers commence. Il va durer un million d’années au moins. Pendant cette période radiative, l’univers est surtout rempli de photons qui se bousculent frénétiquement. La lumière n’existe pas encore, au sens que nous donnons actuellement à ce mot, car elle ne peut se propager et n’éclaire pas l’espace. L’univers continue à grandir, et lorsque la période se termine, les photons ont enfin assez de place et peuvent commencer à circuler dans l’espace et à y propager les rayonnements électromagnétiques. Soudainement l’univers devient transparent. Les photons, ondes ou particules de lumière, se déplacent à une très grande vitesse, constante dans un milieu donné. Dans le vide, ils parcourent trois cent mille kilomètres par seconde. A cette vitesse la notion de temps n’a plus de sens.

La lumière existe éternellement hors du temps.

Tous les autres composants de l’univers se déplacent moins vite car ils sont freinés par certaines de leurs propriétés, par exemple par leur inertie ou leur masse. Nous appelons "temps" ces retards par rapport aux photons. Comme chaque corps se déplace à sa propre vitesse, chaque corps a son propre retard. Il a donc son propre temps. Bien évidemment tous ces écarts sont relatifs les uns par rapport aux autres. C’est pourquoi on appelle cette théorie, la théorie de la relativité. Elle est présentée ici avec un excès de simplification que les spécialistes voudront bien me pardonner. Puis, après ce premier million d’années, l’univers se transforme à nouveau, et la matière se concentre.

C’est l’ère stellaire. Nous y sommes encore aujourd’hui.

La quatrième vague existentielle s’étend en poussant les bornes de l’univers à des distances et vers des limites qui dépassent nos capacités humaines de représentation. En son sein, d’autres vagues se forment, plus petites mais combien plus importantes pour nous. D’immenses nuages de gaz et de poussières se rassemblent par l’effet de la gravitation, et forment les protogalaxies. Encore un milliard d’années et les premières étoiles s’allument, (soit seulement mille mètres carrés dans notre convention de représentation). Elles sont souvent énormes et meurent rapidement. La plupart d’entre elles explosent et répandent dans l’espace leur matière maintenant élaborée.

Tous les éléments chimiques connus et inconnus existent depuis cette époque.

Ils ont été fabriqués dans les creusets alchimiques et flamboyants de tous ces astres disparus, et ont été dispersés par leurs explosions finales pour donner ensuite naissance à de nouvelles étoiles. Les étoiles sont groupées en galaxies qui en rassemblent chacune plusieurs centaines de milliards, et il y a au moins cent milliards de galaxies dans l’univers connu. Il est tout à fait possible que d’innombrables autres univers cachés et inaccessibles existent à coté du nôtre, et qu’ils soient régis par des lois physiques complètement différentes de celles que nous connaissons. Actuellement, cette hypothèse ne peut être éclaircie.

Après dix milliards d’années, le Soleil !

On assiste à la formation du système solaire et de notre planète et de toutes les autres. La moitié de notre champ de représentation temporelle est déjà parcourue. Les cendres des anciennes étoiles se rassemblent par l’effet de la gravité, et constituent des nuages de poussières et de gaz, puis des grains et des cailloux, puis des rochers et enfin des astres. Notre Terre se forme progressivement. Une période de huit cents millions d’années s’écoule, pendant laquelle des composés chimiques de plus en plus complexes s’élaborent dans un monde agité de gigantesques convulsions. Des bolides cosmiques s’y abattent chaque jour, provoquant de terribles catastrophes et transformant la surface de la planète.

En fait, il faut bien admettre que nous ne savons pratiquement rien des trois premiers quarts de l’histoire de la Terre. La vie a pu apparaître pendant cette période, peut-être assez rapidement, mais dans des formes extrêmement simples. Les premiers organismes multicellulaires et les premiers végétaux commencent à se répandre deux ou trois milliards d’années plus tard, c’est-à-dire il y a environ un milliard d’années en amont de notre actuel examen. Nos derniers mille mètres carrés de jardin sont entamés. Encore quatre cents petits mètres carrés et voici les premiers animaux à squelette externe. Leur apparition se situerait à quatre ou cinq cents millions d’années de nos jours. Les terres émergées qui ne formaient jusqu’ici qu’un seul vaste continent, la Pangée, commencent à se morceler en grandes plaques qui partent à la dérive. Leurs collisions font dresser les montagnes et les volcans. Les premiers poissons sont là, à quatre cent cinquante millions d’années, suivis des premiers reptiles à trois cents millions d’années. Maintenant notre pré carré n’ plus que la dimension d’un jardin de curé.

Les premiers dinosaures et les premiers mammifères partent à la conquête du monde voici deux cents millions d’années. L’océan Atlantique Nord commence à s’ouvrir. Il y a soixante millions d’années, presque hier, une extraordinaire catastrophe a fait disparaître les dinosaures et la plupart des espèces qui vivaient à leur époque. A ce moment l’Amérique du Sud se sépare de l’Afrique. Les reptiles laissent la place aux mammifères. L’herbe couvre les terres émergées. A trente millions d’années, trente de nos mètres carrés de pelouse, les primates commencent à évoluer. Dans notre plate-bande, au bout du bras, un curieux animal se prépare à devenir une personne. Il va bientôt lever son regard vers le ciel.

L’ancêtre est déjà là, mais il n’est pas encore debout.

Notre Soleil est situé sur le bord de la galaxie, dans une région où les étoiles ne sont pas très nombreuses. Lorsque nous regardons le ciel nocturne, nous n’en distinguons qu’environ cinq mille à l’oeil nu. Si le hasard nous avait placé plus prés du coeur de la galaxie, c’est un million d’étoiles qui brilleraient au ciel. Les notions de nuit et de jour n’auraient plus beaucoup de sens, et la science et la métaphysique auraient peut-être pris un autre chemin. Je tenterai, plus loin, de décrire les idées des scientifiques concernant l’apparition et le développement de la vie terrestre, et plus particulièrement de l’intelligence humaine. Terminons-en d’abord avec ce diable d’univers qui n’en finit pas d’aller vers sa fin.

Car la prochaine vague reste à venir.

Certains imaginent un renversement du temps et un retour aux sources, mais d’autres y voient un avenir sombre et glacé. L’univers mort pourrait continuer à s’accroître indéfiniment pendant l’éternité. Cela n’est pas pour demain. L’immensité actuelle de l’espace et du temps suffit amplement à poser à notre intelligence des défis redoutables.

Il est maintenant intéressant et nécessaire de répéter que toutes ces perspectives scientifiques sont des théories.

Un physicien comme Stephen W. Hawking, reconnu universellement comme l’un des plus grands cosmologistes actuels, définit régulièrement ce que sont les théories scientifiques, au fil des pages de ses ouvrages. Je veux ici résumer ce qu’il répète.

" Nous devons bien comprendre ce qu’est une théorie scientifique. Dans une telle théorie, l’opinion banale voit un modèle représentatif de l’univers, ou celui d’une partie limitée de l’univers, associé à un ensemble de règles mettant en relation des quantités issues à la fois de ce modèle imagé et des observations expérimentales. Cela est une opinion bien naïve. La théorie n’existe que dans notre esprit et ne peut avoir d’autre réalité, quelle qu’en soit la signification. Les théories physiques sont toujours provisoires. Elles ne sont que des hypothèses: Personne ne pourra jamais prouver une théorie physique, parce que personne ne pourra jamais être certain que la prochaine observation, quel qu'en soit le nombre déjà effectué, ne mettra pas cette théorie en échec ".

Cette affirmation d'Hawking est d’autant plus intéressante, qu’il a remis lui-même en question certaines de ses convictions. Après avoir été un fervent partisan du big-bang, il pense maintenant que l'univers n'a pas de début ni même de bord. Le prétendu big-bang ne serait probablement qu'un point singulier comme le pôle terrestre. Certaines lois élémentaires cessent de s'appliquer sans que cela implique un changement radical d'état. Par exemple, au pôle, le jour dure six mois, la boussole s’affole, les points cardinaux n’ont plus de signification. C’est simplement un point singulier, mais cela n’est pas perceptible sur le terrain. Par contre, sur le plan métaphysique, il convient de mesurer ce qu’implique une telle théorie, qui professe un univers sans limites, et sans début ni fin.

Au "non-commencement" était l’univers indéfini.

D’autres théories doivent également être évoquées pour ouvrir d’autres perspectives intéressantes. Évoquons d’abord la grande rivale de la théorie de la relativité générale, qui est la mécanique quantique. La théorie de la mécanique quantique s’intéresse aux plus petits composants du monde. Elle calcule en millionièmes de microns, alors que la théorie de la relativité dite générale décrit l’univers à grande échelle que nous avons considéré jusqu’ici. Les deux théories sont, semble-t-il, incompatibles. Elles ne peuvent pas être justes en même temps. Elles ne donnent donc pas une image complète de l’univers réel, d’où la recherche acharnée d’une nouvelle théorie globalisante, qui en ferait la synthèse. Celle-ci n’a pas été réalisée jusqu’à présent.

La théorie de la mécanique quantique ne décrit plus le monde en termes de particules ou d’ondes. Il y a en effet une dualité entre ces deux représentations, et on peut utiliser l’une ou l’autre figure selon le besoin mathématique du moment. Pour donner une idée du changement introduit par l’utilisation de ces idées nouvelles, considérons l’exemple désormais très classique des interférences d’électrons ou de photons. En relativité générale, on considère qu’un phénomène est imputable soit à une onde soit à une particule. Lorsque l’on envoie un jet de particules, par exemple des photons, simultanément dans les deux fentes d’un interféromètre, on constate l’apparition d’interférences qui démontrent la présence d’ondes associées.

Lorsque l’on envoie une seule particule, on s’attend logiquement, en conformité avec la théorie, à voir disparaître ces interférences. Ce n’est pas ce qui se produit. Il faut savoir qu’un photon, qui est à la fois une particule et une onde de lumière, est tout à fait capable de passer par deux trous en même temps. Ce phénomène est incompréhensible pour notre logique banale. Il s’explique pourtant par une formulation mathématique absconse, faisant appel aux principes de la mécanique quantique. On utilisera ici l’image de l’onde pour expliquer mathématiquement comment le photon peut passer par deux trous à la fois, ce qu’une particule ne pourrait faire. La mécanique probabiliste ne décrit pas un état unique, bien défini, pour une observation donnée. Elle le remplace par la description d’un certain nombre d’états possibles, mais différents, associés chacun à une probabilité d’existence. Cette hypothèse a longtemps révolté Einstein qui a exprimé son refus dans une formule lapidaire.

Dieu ne joue pas aux dés.

Il faut également parler des théories qui concernent la structure fractale de l’univers. Elles répondent à la question impossible de Krisnamurti, de façon tellement évidente, qu'il faudrait maintenant en trouver une autre. Il me faut nécessairement expliquer très rapidement ce que l’on entend par la notion de fractale. J’utiliserai l’exemple connu de la longueur de la ligne de côte, qui sépare la terre et la mer. On définit communément une longueur comme une grandeur à une seule dimension, parcourue dans un seul sens. Vous savez que l’on passe à la surface en y ajoutant une seconde dimension qui est la largeur. De même un volume est caractérisé par trois dimensions. Lorsque l’on veut mesurer la longueur d’une côte maritime avec une seule dimension, on se trouve confronté à une impossibilité pratique. Quoique l’on ait affaire ici à un élément naturel bien évidemment structuré et organisé, sa longueur change selon l’échelle à laquelle se fait l’examen. Plus on augmente la précision, plus la longueur s’accroît. Plus on tient compte des détails, telles les baies, puis les criques, puis les anfractuosités, le contour des galets et des grains de sable, plus la mesure s’altère et devient imprécise et mouvante. On peut cependant mathématiquement l’exprimer en disant que sa valeur tend vers un nombre de dimensions plus grand que UN, puisqu’on n’obtient pas une véritable mesure de longueur, mais moins grand que DEUX, puisqu’il ne s’agit pas d’une surface.

Il s’agit donc d’un nombre fractionnaire de dimensions, d'où l’appellation de " fractal ".

On découvre aujourd’hui que l’univers est probablement à la fois chaotique et fractal.

 

D’une certaine façon, l’apparent désordre cosmique est organisé à tous les niveaux. Cette organisation semble composées de structures analogues à différentes échelles, successivement emboîtées les unes dans les autres comme des poupées russes. Comme les côtes de nos océans, cet univers fractal est fini, mais ses limites connaissables semblent à jamais hors de portée. On pourrait alors parler des lois hasardeuses du chaos, mais ce ne sont que des mots humains dépourvus de sens réel. Ni le hasard ni le chaos ne suivent des lois évidentes de causalité. Ils engendrent des structures conformes aux natures propres du hasard et du chaos, lesquelles ne sont pas de l’ordre ordinaire de notre propre nature. C’est notre seule petite raison humaine qui présuppose l’existence d’un cadre référentiel préalable. De la même façon, la structuration hypothétique du réel sur un mode fractal ne permet aucunement de présupposer l’existence d’un principe ou d’un modèle de référence qui resterait à découvrir pour expliquer les mystères du monde. L’océan n’attend pas la référence d’une formule pour occuper la ligne mouvante des côtes fractales du continent. C’est bien au contraire le contour fractal qui émerge par lui-même de la rencontre mouvante, hasardeuse et chaotique de la terre et de l’eau.

Il en est probablement de même de l’univers.

Lorsque l’on forme une image mentale de cet univers, sa topologie, c’est-à-dire la façon dont sa forme est établie, est rarement prise en compte. Elle reste implicite et secondaire. Elle est intégrée comme une donnée vague sans réelle importance. Comment pouvons-nous donc représenter ce modèle de forme générale qui aboutit à la forme particulière actuellement observée ?

Pour l’actuelle intelligence humaine, il existe peu de types généraux de formes topologiques. On distingue généralement le plan, le cylindre, la sphère, le tore, et la forme gauche (genre selle de cheval). On a d’abord conçu l’univers comme un plan, puis comme la surface d’une hyper-sphère grandissant au fur et à mesure de l’écoulement du temps. Dans cette conception de surface sphérique, la lumière d’une galaxie lointaine peut seulement nous atteindre par deux chemins. Le premier, le trajet court, est vu de face. Le second, le trajet long; fait tout le tour de l’univers, et il est vu de dos. Aucun rayon lumineux n’a eu le temps de faire cet immense second parcours depuis le début d’un univers hyper-sphérique.

D’autres topologies sont possibles parmi lesquelles la forme torique.

Un tore peut être défini comme un cylindre dont les deux extrémités ont été mises en connexion. Une chambre à air est un tore. Elle ressemble à un tuyau dont les deux extrémités ont été aboutées, c’est-à-dire mis en connexion. Si l’univers a la forme d’un tore, la lumière d’une galaxie lointaine peut aussi nous parvenir par deux chemins directs, l’un de face, l’autre de dos. Mais dans cette hypothèse, cette lumière peut également nous arriver après avoir parcouru plusieurs fois la longueur du tore. Chaque galaxie serait alors visible plusieurs fois dans le ciel, et comme la lumière a une vitesse donnée, elle met un temps certain à nous parvenir. Nous en aurons des images à des âges différents, donc avec des aspects différents. L’univers serait alors beaucoup moins grand et beaucoup moins peuplé de galaxies que dans la conception hyper-sphérique traditionnelle. Il a également été imaginé que l’univers pourrait être en connexion multiple, avec de nombreux autres chemins possibles.

La véritable nature de l’univers nous échappe totalement.

Un tableau fantastique d’Escher figure un univers plausible.

Le dessinateur et peintre Escher, qui travaillait avec un mathématicien, a représenté de tels univers en connexion multiple, dans des compositions étonnantes. L’une d’elles est tout particulièrement remarquable, en relation avec notre réflexion. Elle présente une mosaïque d’anges blancs et de démons noirs imbriqués et complémentaires, étendue à l’infini. Elle pourrait être une vision artistique et déconcertante de la réalité du monde. Chacun des anges blancs d’Escher doit sa forme au seul voisinage de son ombre obscure, et chaque démon noir existe seulement par la proximité de son ombre lumineuse. L’architecture de leur construction commune, complémentaire et fantomatique, s’étend dans toutes les directions, vers l’indéfini mystérieux.

D’autres topologies d’univers sont imaginables, dont le modèle de la forme gauche.

Les physiciens n’ont pas obtenu jusqu’ici, les moyens de faire un choix. J’aurais pu également vous parler de la théorie des cordes cosmiques ou de celle des trous noirs, ces hypothétiques formations devenues si attractives qu’elles absorbent leur propre rayonnement et creusent un trou dans le continuum espace-temps. Au sein des trous noirs, l’espace et le temps semblent inverser leurs rôles. Je n’ai pas ici la place nécessaire pour de tels développements, et je ne crois pas qu’ils puissent s’intégrer dans le parti pris dans ce livre. En conclusion, je crois qu’il faut admettre une formulation très humble et modeste.

La véritable nature de l’univers nous échappe totalement.

De toutes ces théories physiques exposées, voulez-vous seulement retenir qu’à l’origine une mystérieuse et inconcevable énergie s’est manifestée par l’émergence d’un inconcevable chaos. Cet état s’est structuré selon sa nature. De cette organisation un nouveau chaos émerge encore maintenant, dont les propriétés particulières ne sont pas liées de façon causale à l’ancien état. Je veux dire par là que les caractéristiques de l’ancien état expliquent actuellement certains caractères de l’état présent, mais ne les impliquaient pas de façon obligatoire dans le déroulement du passé. Par exemple, les réactions de transmutation atomiques qui se produisent dans le Soleil provoquent des émissions de photons, mais elles n’impliquaient pas obligatoirement la production des yeux par les organismes vivants. Il s’agit d’émergences successives, consécutives l’une à l’autre, et explicables l’une par l’autre d’aval en amont. Mais elles ne coulent aucunement de façon causale d’amont vers l’aval. Le présent s’explique par le passé, mais le passé ne crée pas le futur. Avec ses caractéristiques propres et toujours nouvelles et avec toutes ses potentialités de manifestation, c’est ici et par l’acte actuel que le futur inconnu émerge du présent. Maintenant ici même, le futur émerge de l’éternel présent.

Le Soleil et les autres astres sont de grands alchimistes.

Ils savent fabriquer tous les éléments, y compris les métaux les plus rares et les plus précieux, à partir des matériaux divers glanés dans l’espace. Sachez qu’entre autres choses, notre Soleil fabrique beaucoup de métaux précieux, dont l’or. Il en fabrique proportionnellement très peu, soit seulement 1 petit atome d’or pour 100 milliards d’atomes d’hydrogène, (1/100 000 000 000), mais le Soleil est prodigieusement grand. Il a donc en réserve une énorme quantité d’or, 10 millions de milliards de tonnes, 10 milliards de milliards de lingots, (10 000 000 000 000 000 000 Kg), qu’il dispersera un jour dans l’espace avec tous ses autres trésors. Car toutes ces étoiles brillantes comme notre soleil même ont une vilaine habitude. Elles tendent à transformer progressivement toute leur matière en fer. Lorsqu’il y a trop de fer dans le coeur ardent d’un astre, les transmutations atomiques s’arrêtent brusquement. L’étoile empoisonnée s’effondre sur elle-même puis explose en supernova. Les planètes, dont la notre, sont des chimistes laborieuses. Leur tâche fondamentale est l’assemblage des éléments fournis par les étoiles et des composés simples ramassés dans l’espace. Elles en font des combinaisons complexes et extrêmement variées. C’est ce qu’a fait la Terre, qui a eu cette chance, peut-être rare, de disposer d’une importante quantité d’eau. L’eau est un solvant puissant presque universel. Elle peut dissoudre presque tous les corps lorsque qu’elle dispose du temps nécessaire. Depuis les lointains débuts de la Terre, l’eau a eu tout son temps, et elle en a bien profité.

A son début la Terre était informe et vide.

Elle était même très vide car elle était couverte d’eau surchauffée. Aucune vie ne peuplait les profondeurs ni les rivages de ses océans en ébullition. Des cataractes de pluie tombaient en permanence sur les flots brûlants et furieux. Au fonds des mers, des éruptions volcaniques titanesques mêlaient l’eau et le feu. La mer immense était un formidable chaudron de sorcière dans lequel cuisait un étonnant bouillon. Les théories scientifiques actuelles les plus prisées placent les débuts de la vie dans cette soupe chaude originelle. Il faut bien percevoir ce qu’elles entendent par cette appellation de soupe. Il s’agit ici du mélange complexe des innombrables corps dissous et brassés par l’eau. Aux premiers temps de la Terre, ils étaient transportés et mis en contact par ses mouvements continuels. La variété des éléments en contact et la température ambiante très élevée favorisaient les combinaisons chimiques les plus diverses, et il n’y avait aucun organisme végétal ou animal, ni même aucun microbe pour les détruire. Avant qu’apparaisse la vie, il n’y avait que la lumière du Soleil brillant sur l’eau, éclairant cette immense mer agitée et chargée d’énormes quantités de toutes les boues tombées du ciel et montées des abysses.

Au commencement était la simplicité.

C’est avec cette phrase que Richard Dawkins commence son exposé de la théorie sur l’origine de la vie, des luttes et des évolutions qui la caractérisent. Il suit la voie ouverte par Darwin et tous ses partisans. Il est persuadé que la vie a évolué à partir de nombreux essais aléatoires couronnés de réussites ou sanctionnés d’erreurs. La vie serait une marâtre insensible et impitoyable. Elle récompenserait parfois les forts mais elle éliminerait très souvent les faibles. Cette théorie est apparemment simple et cohérente. Son développement a valu un prix Nobel à Jacques Monod. Elle appelle cependant plusieurs questions, dont certaines ont été soulevées par Darwin lui-même, puis beaucoup ignorées par la suite. On ne définit jamais très bien qui est sanctionné ou récompensé, c’est-à-dire le niveau auquel s’effectue la sélection. Qui est concerné, le gène élémentaire, l’individu, le couple parental, le groupe familial, la tribu, la sous-espèce, l’espèce ?.

Il est évident que des sélections simultanées, impliquant des groupes distincts d’individus, appelés ensuite à s’hybrider, aboutiraient bien plus rapidement à des différenciations importantes que des sélections consécutives apparaissant au seul niveau individuel, mais cette observation est également valable au niveau des groupes de gènes pilotant la genèse d’organes. De nombreux caractères différenciateurs semblent très secondaires. Ils seraient donc peu efficients au point de vue adaptatif. Leur persistance paraît plus liée aux effets hasardeux, chanceux ou malchanceux, des conditions initiales chaotiques, qu’aux effets d’une sélection rigoureuse d’élimination aboutissant à la survivance du plus apte. Pour l’instant, revenons à Dawkins.

L’univers, nous dit-il, est peuplé de choses stables.

Tout ce qui existe est formé d’assemblages stables d’atomes. Lorsque des atomes se rencontrent, ils tendent parfois à établir des liaisons chimiques pour former des molécules plus ou moins complexes et stables. Une molécule simple peut être instable, et une molécule très complexe peut cependant être très stable. Cette situation était déjà vraie avant la naissance de la vie sur Terre. C’est une loi naturelle. En présence d’une énergie quelconque et d’un catalyseur, la sélection chimique primitive conserve les formes stables et élimine les instables. Dans la soupe boueuses des origines, avec l’énergie du Soleil et des volcans, et avec l’aide de catalyseurs tels que les argiles, cette loi primitive a effectué de nombreuses sélections de combinaisons stables d’atomes. Cela a eu pour résultat la formation de molécules très variées.

Certaines combinaisons étaient simples, et d’autres extrêmement complexes.

Bien évidemment, au début, les molécules les plus complexes étaient les plus rares, car leur apparition était régie tout à la fois par le hasard des rencontres, et par la disponibilité préalable des sous composants compliqués. Il fallait beaucoup de temps pour composer ces molécules ultra complexes en quantité significative. Qu’à cela ne tienne, la nature avait justement tout le temps nécessaire. Elle disposait de millions, et même de milliards d’années. Lorsque l’on simule en laboratoire les conditions qui pouvaient régner aux premiers temps de la Terre, et que l’on soumet un modèle de la soupe primitive aux effets de décharges électriques, on constate ensuite la présence d’aminoacides, une des deux principales classes de molécules biologiques. On obtient également des substances organiques telles les purines et les pyrimidines. C’est à partir de ces éléments constitutifs qu’est constitué l’édifice de base de la molécule génétique bien connue sous le nom d’ADN. A un certain moment, nous dit Dawkins, il se forma une molécule tout à fait remarquable. Ce n’était pas probablement pas la plus grande ni la plus complexe des molécules primitives, mais elle avait la propriété extrêmement particulière de pouvoir créer des copies d’elle-même.

Cette molécule stable particulière était un réplicateur.

Il est difficile d’imaginer comment peut fonctionner à l’origine, ce type de propriété réplicative. On peut cependant penser à un cristal recevant, couche après couche, en les empilant progressivement, des matériaux liés à sa structure initiale et conformes à sa composition naturelle. C’est ainsi que se forment les cristaux.

Le réplicateur agirait comme une sorte de gabarit. Il produirait selon les cas, soit une copie positive de lui-même, soit une copie négative aboutissant à la copie positive en un second temps. Le mode importe peu. Ce qui est important et révolutionnaire, c’est l’arrivée d’une nouvelle sorte de stabilité dans le Monde. Le réplicateur disposait de quantités extrêmement importantes de matériaux. Il a pu distribuer de très nombreuses copies de lui-même dans l’immense océan primitif, jusqu’à ce que les matériaux nécessaires deviennent finalement rares. Toutes ces copies n’étaient pas parfaites, mais les erreurs ont été bénéfiques car elles favorisaient l’évolution et la sélection des meilleures. La soupe des premiers âges se trouva donc contenir une population variée de répliques diverses.

Certaines étaient moins fragiles que d’autres.

Elles étaient plus stables, duraient bien plus longtemps, et avaient plus de temps pour faire des copies d’elles mêmes. D’autres étaient plus fragiles, se reproduisaient lentement, ou produisaient des copies moins fidèles. Progressivement, et par l’effet de cette seule loi statistique naturelle, la proportion des molécules réplicatives du premier type augmenta dans le total par rapport au second. Cette variation progressive des proportions relatives de chacun des types en concurrence est appelée sélection naturelle. Les premiers réplicateurs étaient-ils vivants ? Comme nous l’avons vu dans le précédent chapitre, les mots sont des outils à disposition de l’Homme. A cette époque, la distinction du vivant au non vivant n’avait pas de sens. Vivants ou non, les réplicateurs fonctionnaient et font partie de notre passé.

Les réplicateurs seraient nos lointains ancêtres.

Les réplicateurs étaient efficaces. Ils se sont reproduits en très grand nombre, et ils ont consommé les ressources limitées de la soupe primitive. La compétition était inévitable. Les variétés les plus favorisées sont devenues plus nombreuses et certaines lignées primitives ont complètement disparu. Les réplicateurs ne savaient pas qu’ils luttaient pour l’existence. Ils ne savaient rien mais, chaque fois qu’une erreur de copie aboutissait à plus de stabilité, elle était automatiquement préservée et se multipliait. Il en était de même quand elle favorisait la déstabilisation d’une variété rivale.

C’est peut-être à ce moment que les premières cellules vivantes apparurent. Dawkins pense que certaines variétés de duplicateurs découvrirent alors comment se protéger, d’abord chimiquement, puis en s’enfermant dans des globules de protéines. Les réplicateurs dépassèrent alors la seule existence passive, et commencèrent à construire des enveloppes protectrices et des véhicules pour leur durée, c’est-à-dire leur survie. La vie compétitive devint de plus en plus difficile et meurtrière nécessitant la mise au point de machines à survie toujours plus perfectionnées et plus efficaces. Pendant des millions d’années, les réplicateurs améliorèrent graduellement leurs techniques et leurs artifices, et ils emplirent la Terre. Une enveloppe nouvelle recouvrit le vieux squelette minéral de la planète. Elle était gigantesque, elle l’est toujours. Elle occupe presque toute la surface de la Terre, et cela sur une très grande épaisseur. On l’appelle la biosphère.

La biosphère pèse des milliers de milliards de tonnes.

Nous serions seulement les machines à survie des gènes.

Mais que sont devenus ces réplicateurs aujourd’hui ? La plupart d’entre eux sont toujours là. Ils sont encore les champions de la survie. Ils fourmillent dans d’immenses colonies isolées du monde extérieur, car sur la Terre primitive, ils ont reconstruit un nouveau Monde animé, adapté à leurs besoins. Ils ont fabriqué des machines vivantes compliquées qui leur permettent de s’y maintenir pendant des millions d’années. Dawkins nous dit que les réplicateurs sont en vous et en moi. On les appelle les gènes. Ils nous ont entièrement construits, corps et cerveau, afin de disposer des moyens nécessaires à la préservation de leur existence. Cela serait même notre seule raison d’être.

Tous les êtres vivants sont les machines à survie des gènes, y compris tous les autres animaux, les plantes, les champignons, les bactéries et les virus. Ces machines vivantes existent en grand nombre et en grande variété. Leurs composants chimiques sont cependant assez uniformes. (Environ vingt aminoacides, quelques protéines). Actuellement, toutes les espèces vivantes sont des machines à survie construites par la même sorte de "réplicateur", l’ADN. Il existe dans tous les corps. Il est distribué dans les cellules, et il y a inscrit ses programmes de fabrication. Chacune d’entre elles contient un jeu complet des plans et des dispositifs de fonctionnement des machines à survie. Nous appelons chromosomes cette bibliothèque de programmes. Les chromosomes utilisent pour enregistrer ces instructions un alphabet formé d’un code très simple, de quatre lettres, qui semble reconnu par toutes les espèces vivantes. Je rappelle que nous étudions ici une théorie scientifique. Elle reste controversée, au moins en partie, bien qu’elle rencontre une très large adhésion dans le monde entier. Ses auteurs reconnaissent cependant la proposition modératrice suivante.

La genèse du code génétique demeure inconnue.

Je n’ai donc pas l’intention de décrire comment les gènes se reproduisent, ni comment ils induisent la fabrication des enzymes nécessaires à la machine. Sachez simplement que les gènes contrôlent la fabrication du corps. La théorie prétend que les gènes contrôlent également les comportements. Leur influence souveraine établit les règles de la vie, de la mort, du sexe, de la forme, et de l’hérédité. Rien de ce qui a pu être acquis à travers l’expérience d’une quelconque vie ne sera transmis à la génération suivante. Les gènes ne sont ni bienveillants ni cruels. Ils sont suprêmement indifférents à toute souffrance et à toute finalité. Ils ne nous exploitent même pas. Ils existent tout simplement. Ils possèdent une propriété, tirée de la matière, qui favorise mécaniquement la durée de leur propre survie dans le futur. Ceci dépend de l’efficacité des corps vivants dans lesquels ils se tiennent. La seule sélection naturelle du plus apte favorise automatiquement les réplicateurs qui fabriquent les meilleures machines.

Les gènes ne sentent pas, ne prévoient pas. Ils existent.

Ils fonctionnent en associations associant des milliers de gènes différents. Chaque partie du corps est influencée par plusieurs gènes exécutants regroupés sous l’action de gènes coordinateurs. Dans un corps particulier, les combinaisons de gènes sont relativement éphémères, mais la plupart des gènes ont une très longue durée d’existence. On peut les considérer comme des unités sélectionnées qui se perpétuent par clonage, à travers un grand nombre de corps successifs. Dawkins donne du gène la définition suivante qui l’adapte étroitement à la proposition posée. Le gène est une quelconque partie du matériel chromosomique qui dure potentiellement un nombre suffisant de générations pour servir d’unité de sélection naturelle.

Le gène est une partie du chromosome qui possède une haute fidélité de copie.

Cela implique une longévité importante. Les groupes de gènes les plus anciens ont construit les premières machines vivantes élémentaires. Toute la machinerie primitive qui fonctionne au plus profond de l’homme, et qui induit son comportement vital instinctif, est le résultat du travail obscur qu’ils poursuivent dans son corps depuis des millions d’années. Tous les organismes sont fondamentalement programmés pour se reproduire à l’identique indéfiniment. En fonction des circonstances de leur genèse primitive, ils ont absolument besoin des protéines dont les réserves libres, naturellement issues de la soupe primitive, sont épuisées depuis bien longtemps. Elles ont toutes été utilisées par les autres vivants. Une seule solution s’impose. Il faudra inévitablement en venir à dépouiller les détenteurs des indispensables protéines, sans pitié et avec toute l’efficacité nécessaire. Cela implique dents et griffes, ruse et violence, massacre et dévoration. Les gènes programmeurs n’ont pas de sentiments. Lorsque le carnivore poursuit sa proie, le chasseur et le gibier ont un objectif commun, qui est la masse des protéines mise en jeu. Le premier veut l’approprier, le second veut la conserver. Vainqueur ou vaincu, le bénéfice ira au plus apte. On en arrive maintenant à l’argument central de la théorie de Richard Dawkins.

Les gènes sont fondamentalement égoïstes.

Toute machine à survie fonctionne en relation avec les machines voisines, de façon à favoriser la survie de ses propres groupes de gènes et de ceux qui sont les plus apparentés aux siens, lesquels sont évidemment les membres de sa famille ou de sa tribu. Elle est équipée pour les reconnaître facilement. L’éventuel altruisme de son comportement sera piloté par l’importance relative de cette reconnaissance de proximité parentale. Nous aimons mieux notre cousine que notre voisine. C’est de cette façon que la théorie explique les comportements de dévouement parental et de solidarité d’espèce, dont les nôtres, devant les dangers et les aléas de la vie organique.

Les gènes nous tiennent en esclavage..

On trouve aussi chez Richard Dawkins un prolongement visionnaire à la théorie de ces gènes réplicateurs " égoïstes ", exploitant pour leur seul compte les richesses de la biosphère, dont nous sommes, avec une totale indifférence aux souffrances de tous ceux qui y vivent Hélas ! De nouveaux réplicateurs sont apparus. Ils prolifèrent dans la sphère des sociétés et des cultures humaines. Ce sont les idées au sens large du terme, et tous les produits de cette culture, (y compris d’ailleurs les théories scientifiques, et celle-ci même dont l’examen nous occupe actuellement).

Un autre terrible esclavage nous menace.

Nés de l’intelligence humaine, ces nouveaux parasites disposent maintenant des moyens de se répandre rapidement et de conquérir leur propre domaine. Ils ont commencé à envahir implacablement la planète. Ils ont déjà prouvé leur puissance et leur terrible capacité de nuisance. Il faut maintenant craindre qu’ils agissent en cela pour leur propre compte, à nos dépens, et avec une totale et souveraine indifférence aux conséquences parfois mortelles, tout autant qu’aux souffrances que leur expansion peut induire chez les individus qu’ils exploitent. Voici aussi ce qu’en dit Jacques MONOD. " Il est tentant pour un biologiste de comparer l’évolution des idées à celle de la biosphère.. Les idées ont conservé certaines des propriétés des organismes. Comme eux elles tendent à perpétuer leur structure et à la multiplier. Comme eux, elles peuvent fusionner, recombiner, ségréguer leur contenu, comme eux enfin elles évoluent et dans celle évolution la sélection, sans aucun doute, joue un grand rôle.. ".

Rassurez-vous un tout petit peu !

Toute théorie évolue ou appelle une antithèse

Pierre P. Grassé, éminent biologiste, académicien des sciences, longtemps titulaire de la chaire d’Évolution de la Sorbonne, professait que les gènes sont seulement des enregistrements détaillés d’informations et d’instructions. Ils restent toujours sous la dépendance du cytoplasme, c’est-à-dire indirectement de la cellule. Celle-ci en jouerait comme d’un clavier pour lancer les séquences des synthèses chimiques dont elle a besoin. L’ADN chromosomique émettrait alors des molécules "d’ARN-messager", chargées d’information signifiante.

Les molécules d’ADN seraient un clavier d’ordonnancement.

L’évolution se présente toujours comme une marche vers une certaine forme. Elle opère continûment dans le même sens général, et elle s’y maintient aussi longtemps que la lignée considérée n’a pas complètement réalisé une certaine "forme cible", son idiomorphon. L’évolution créatrice prend ses sources dans les formes mères. De nouveaux types d’organisation n’apparaissent jamais si elles sont absentes. Tout comme le macrocosme évolue selon les lois de la physique et de la chimie, le monde vivant poursuit son histoire en obéissant à ces mêmes lois, mais il se soumet aux siennes propres, que nous ne connaissons que partiellement.

Toutes les lignées veulent réaliser leurs idiomorphons.

Pierre P. Grassé, aujourd’hui disparu, a mené, des années durant, une enquête qu’il voulait impartiale. Il estimait avoir prouvé que l’évolution n’est ni aléatoire ni continue.

Elle n’est pas un phénomène obligatoirement lié à une nécessité immédiate, ni le produit de la sélection naturelle. Il a été amené à conclure.

  • Que les théories lamarckienne et darwinienne, ne résolvent pas le problème majeur de l’évolution, c’est-à-dire la genèse des grandes unités systématiques et des plans d’organisation fondamentaux.

  • Que ces théories laissent de coté maints aspects et maints phénomènes fondamentaux de l’évolution.

  • Qu’on n'a pas encore tiré des fossiles toute l’information qu’ils contiennent.

" L’adaptation de l’être vivant étant rarement parfaite, celui-ci doit s’accommoder d’un compromis avec le milieu. Il y survit malgré sa relative inadaptation si son bilan physiologique est positif. La compétition entre espèces est très loin d’être universelle, et la mort est moins souvent différenciatrice qu’elle n’est aveugle et sans action sélective ". Il serait donc faux d’affirmer que l’évolution, guidée par la sélection naturelle, soit toujours favorable à l’espèce. Elle laisse derrière elle " un immense cimetière peuplé de ses erreurs et de ses échecs ". Le mieux adapté ne supprime pas le moins bien adapté, non plus que le supérieur n’élimine l’inférieur. L’évolution et la mutagénése sont indépendantes.

La mutagenèse est continue, l’évolution ne l’est pas.

Henri Laborit, chirurgien et biologiste très connu, inventeur des principaux neuroleptiques, découvrit les propriétés toxiques des radicaux libres. Humaniste et auteur de nombreux ouvrages, il est en également en relatif désaccord avec les positions extrêmes de Dawkins. Il pense qu’à un certain moment, au cours de l’évolution, les formes qui vivaient alors ont abandonné l’immortalité de la division asexuée, pour obtenir une plus grande capacité d’action. L’individualisme serait alors apparu, limité aux rapports entre l’organisme individualisé et son environnement. Seule l’acquisition de la notion de la superposition des niveaux d’organisation peut permettre la compréhension de la formation de l’univers et de l’origine de la vie.

Une étape fondamentale de l’évolution fut donc le passage des êtres unicellulaires aux organismes pluricellulaires. Les cellules isolées franchirent un nouveau niveau d’organisation. Chaque cellule se spécialisa dans une fonction réduite au sein d’un organe. Son existence devint dépendante du travail de chacune des nombreuses autres cellules contenues dans l’ensemble de l’organisme. La survie se mit à dépendre non pas de la compétition, mais de la capacité d’entraide et de coopération. " Il y a seulement trois milliards d’années, l’organisation de la matière a pris une orientation nouvelle. Avec les systèmes vivants, apparaît un processus d’organisation particulier qui prolonge l’organisation cosmique dans une orientation nouvelle au sein d’un espace étroit.. La lutte compétitive peut avoir contribué à l’évolution de chaque espèce lorsque le niveau d’organisation qu’elle représente a été atteint, mais pour y accéder, c’est l’entraide qui fut nécessaire ".

L’évolution doit plus à l’entente qu’à la lutte.

La superposition des organisations est le secret des secrets.

Le corps minéral de la planète s'est revêtu d'un corps vivant.

Nous n’avons retenu jusqu’ici que peu d’hypothèses sur la façon dont la vie a évolué sur la planète. Il y en a d’autres, et j’aurais pu vous présenter le " Saltationisme ", théorie défendue par Stephen J. Gould, un américain qui introduit la notion d’une évolution progressant par des sauts successifs provoquant de soudaines et importantes modifications du schéma corporel. Retenons de tout ceci qu’à un certain moment relativement récent de la transformation permanente du cosmos, un événement particulier est advenu sur notre planète. Le corps physique de la Terre s’est revêtu d’un grand manteau vivant.

On ne peut jamais parler de la vie en général.

 Attachez-vous à cette remarque importante. Constatez bien que le mot de vie n’a pas de sens propre, car c’est seulement à travers les êtres vivants que nous définissons toujours le profond mystère de la vie. A ce moment mystérieux de la Terre, les êtres ont acquis des corps physiques de nature chimique, puis les ont revêtus d’un corps nouveau, dont la nature nous reste mal connue.

Le corps minéral de la planète s’est revêtu d’un corps vivant.

 Il me semble d’ailleurs qu’il conviendrait plutôt de dire que lorsque fût venu le temps des corps vivants, la vie a investi le monde minéral. Nous verrons, en effet, que le corps vivant et le corps physique n’existent jamais séparément. Lorsque l’un est détruit, l’autre disparaît. Leur coexistence ininterrompue a commencé avec l’apparition de la vie en un lointain moment du passé de la Terre. Elle s’est poursuivie à travers la succession des générations, et elle continue aujourd’hui, dans notre personne même, jusqu’au jour incertain de notre mort inévitable. Notre corps et notre état mental actuels sont les résultats des efforts constants et des apprentissages réalisés de façon continue, au cours d’une très longue histoire. Au fil du temps, ce fragile assemblage évolutif, apparemment immortel, a effectué un long cheminement depuis les origines vers sa forme actuelle. Il a été assumé, à travers les millénaires, par un être essentiel, intérieur et caché, dont nous savons bien peu de chose, et sans que nous ayons encore découvert s’il était manipulé ou manipulateur, si l’aventure était programmée, désirée, ou accidentelle, et si elle avait un objet ou un sens.

Dans chaque vivant, un être intérieur secret construit inconsciemment un reflet d’univers. Avec l’éveil du mental humain et de la pensée, l’ego personnel apparaît. Il bâtit une image personnelle du Monde en assemblant les souvenirs de ses expériences. Son reflet ne contient que l’image de son propre passé. Le rôle premier de l’ego c’est d’assurer la permanence et la sécurité de la personne. Dans le même temps, le conscient découvre avec horreur que la mort va détruire le support corporel de cet ego, qu’inconsciemment il pressentait immortel. Ce constat est inadmissible et insupportable. Certains pleurent, ou rient, ou défient le ciel. Beaucoup interpellent la mort ou réagissent au destin par une fureur ravageuse et meurtrière, Des individus sombrent dans le désespoir ou la folie, se détruisant parfois eux-mêmes. Les plus nombreux tentent d’écarter le sort funeste en développant des croyances et des pratiques avec lesquelles ils espèrent garantir la survie post-mortem de leur ego idolâtré. Il est tout-à-fait normal que la genèse et la cruauté de la vie nous interrogent et nous étonnent. c’est là l’origine même des religions et de la philosophie.

On comprend le printemps, l’aube, le nid, la rose,
Mais pourquoi les glaçons ? pourquoi le houx morose ?
Pourquoi l’autour, ce criminel ?
Pourquoi cette ombre froide où le jour se termine ?
Pourquoi la bête fauve, et pourquoi la vermine ?
Pourquoi vous ? répond l’Éternel.

(Victor Hugo - Tout le passé et tout l’avenir).

Le symbole de l'arbre.

Résumons ce qu’inspirent ces réflexions et la réunion des théories précédentes. Les espèces sont enracinées dans leur passé minéral. Sous la poussée, ou l’appel, d’un facteur indéterminé, elles s’élèvent par l’évolution vers la réalisation de l’intégralité de leur idiomorphon. Elles visent continûment à l’accomplissement du parangon de la forme dont elles renferment l’archétype. Cette poussée est barrée par l’action des chromosomes dont le rôle est antagoniste. Témoins de l’histoire du vivant, ils sont les garants du maintien de la stabilité actuelle. Ils freinent donc l’évolution, forçant par là même, les espèces à explorer, dans la souffrance, grâce aux mutations qu’ils permettent cependant, toutes les possibilités de dépassement qui sont offertes par les contraintes du milieu. La forme immédiate de chaque espèce résulte du compromis trouvé entre les deux parties de cet antagonisme. Hors de toute considération métaphysique, ce concept me semble réaliser une synthèse acceptable. Il est étonnant de constater qu’il est possible de le représenter par un symbole montant du fond des âges. C.G. Jung nous dit que l’arbre peut être considéré comme un symbole cosmique.

" L’arbre qui est également l’homme, est enraciné dans ce monde et s’élève vers le pôle céleste.
L’histoire des symboles décrit l’arbre comme le chemin, et comme la croissance
vers l’immuable et l’éternel qui naît de l’univers des opposés
en rendant cette union possible parce qu’elle l’est déjà de toute éternité
".

Le symbole de "l'arbre homme" réside dans l’inconscient humain et s’y associe avec celui de "l’arbre gibet", support ancestral des supplices. Il en résulte l’émergence d’un signe antique et ambivalent que toutes les civilisations ont utilisé depuis que l’homme s’interroge sur le sens de son existence. C’est le symbole universel de la croix, qui a pris de nombreuses formes mais dont la structure fondamentale est toujours la même. Un montant vertical, de bas en haut, figure l’arbre enraciné, l’effort de progrès de l’espèce, montant du passé minéral existentiel vers l’avenir idéal de la réalisation de la forme mère, vers l’appel de l’archétype qu’elle renferme. Une barre horizontale le coupe, lequel figure l’obstacle, la souffrance, tout le poids organique et mental de l’histoire passée des êtres, et toutes les contraintes actuelles de l’environnement. Tout cela doit être dépassé. Au croisement, évolutif et mobile, de ces antagonismes, fleurit la vie réelle, à l’instant rendue possible par le dépassement des anciens barrages grâce à l’évolution.

A travers nos yeux d’hommes, poussières et germes d’étoiles, à travers nos plaisirs et nos joies, nos peines et nos larmes, aujourd’hui et en cet instant même, les astres ou les dieux se regardent exister. Il faut bien avouer que pour l’instant, ces yeux-là ont la vue bien basse et le regard brouillé. Les astres, là-haut, n’en poursuivent pas moins leur course incompréhensible dans le cosmos illimité. Ici-bas cependant, la vie, la souffrance, l’espérance, le plaisir et la mort enroulent indéfiniment les orbes de leur danse éternelle.

Roule la vie, tourne la ronde,

Chaque minute, chaque moment,

S'use le temps, infiniment.

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Je refuse donc je suis Ombres et Lumières Les derviches tourneurs La Rose Croix L'Homme triple
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Bégards, Béguines et Turlupins

 

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