Présentation de l'Opéra Parsifal de
Richard Wagner

Revoyons ici le thème du Graal sous un éclairage
particulier, celui de sa présence dans les opéras de Richard
Wagner. C’est probablement à travers ce moyen que le thème du
Graal touche le plus large public puisque ces opéras sont
fréquemment joués dans le monde entier. Wagner a fait une
synthèse de deux thèmes. Le premier, c’est la légende bretonne
christianisée, le second c’est le récit de la Quête écrit par
Wolfram von Eschenbach, un écrivain bavarois qui
mettait en doute l'originalité de l'inspiration de Chrétien
de Troyes. Wolfram déclarait s'inspirer d'une œuvre de "Kyôt
le Provençal", un Occitan inconnu, et il assurait que
l'origine de la légende était orientale. L'étude de son
Parzival montre que l'écrivain allemand puisait au moins à
deux autres sources, l'une classiquement celtique comme
l’avait fait Chrétien de Troyes, et l'autre probablement
iranienne. Ce texte contient d’ailleurs des connotations
dualistes qui n'existent dans aucune version celtique. Elles
pourraient avoir été introduites par Wolfram sous l'influence
de la proximité des Bogomiles européens, évoquant leur
dualisme par la primauté donnée à la lance dans le cortège du
Graal, ou provenir de la source provençale énoncée,
probablement proche des Cathares d'Occitanie puisqu’on est
alors au 13e siècle.
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Dans le récit de Wolfram, le
père de Parzival a combattu en Orient et y est mort. Parzival
a un frère demi-blanc demi-noir, Vairefils. Parzival a aussi
un fils nommé Lohengrin. Le Château du Graal s'appelle
Monsalvage. Wolfram décrit un extraordinaire cortège du Graal.
"Un écuyer entra, dit-il, portant une lance dont jaillissait
du sang coulant le long du bois jusqu'à la main et se perdant
dans la manche. Des sanglots et des pleurs emplirent la salle
dont l'écuyer fit le tour avant de sortir. Un porte d'acier
s'ouvrit et deux blanches vierges entrèrent, portant chacune
un chandelier d'or avec un cierge allumé, puis deux duchesses
avec des chevalets d'ivoire. Suivaient huit autres dames dont
quatre portaient de grands flambeaux. Les quatre autres
soutenaient une pierre précieuse illuminée par les rayons du
soleil, et qui tirait son nom de son éclat. Deux princesses
richement parées les suivaient, portant deux couteaux d'argent
d'un blanc brillant. Puis apparut la Reine au visage couleur
d'aurore. Sur un coussin d'émeraude verte, elle portait la
racine et le couronnement de ce que l'on souhaite en Paradis,
le Graal qui surpasse et transcende toute existence
terrestre". Ici, la Quête est essentiellement une démarche
alchimique. Le Graal de Wolfram contient une puissance secrète
venue d'ailleurs. Il a été apporté sur terre par des anges qui
l'ont laissée à la garde d'hommes aussi purs qu'eux mêmes. La
Quête est donc un cheminement purificateur qui transmute la
nature pécheresse des humains pour leur permettre d'approcher
ce mystère.
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Affiche de Parsifal |
Affiche de Lohengrin,
le Chevalier au Cygne |
Affiche de
Parsifal |

Cliquez pour écouter le Thème nuptial de Lohengrin |
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La légende orientale du Graal parvint dans les cours
princières d’Europe au début du 13ème siècle sous la forme du
Parsifal, « le Parsi fol, ou Parsi fou », de von Eschenbach
qui se serait inspiré du Parsiwalnameh, une légende d’origine
persane. Les Parsis ont donné leur nom à la Perse. Le mot
Parsi comme le mot Cathare signifie « Pur ». Dans le récit du
Graal, Perceval ou Perlesvaux, Parzival ou Parsifal, est
surnommé « le Fou Parfait » en raison de la pureté de ses
intentions dans la recherche de l’Absolu symbolisé par le
Graal. La légende proviendrait d’un poète provençal, Kyot, qui
l’aurait découverte à Tolède dans un manuscrit arabe perdu
dont l’auteur était nommé Flégétanis. Le professeur autrichien
von Sutschek envisage aussi une origine indo-iranienne du
mythe qu’il situerait dans le récit persan Parsiwalnameh
précité dont le thème central est « Le chant de la Perle »,
lequel avec quelques autres légendes aurait servi de base à la
légende de Parsifal. Selon certains auteurs, les ressemblances
entre ces récits et les versions occidentales de Parsifal
seraient étonnantes. Les noms des personnages dans
Parsiwalnameh et dans Parsifal se ressembleraient beaucoup,
tels Gajmurat, Gaschmuret, Trefrezand, Trevizent, Na Fartus,
Amfortas, Clinschor, Klinsor, Arta Churus, Artus, etc..
Certaines traditions situeraient aussi le château du Graal en
Iran, à la forteresse d’Alamut, siège de la Fraternité
ismaélienne, qui succomba douze ans après Montségur.
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Richard Wagner a utilisé le thème du Graal dans deux opéras. Lohengrin,
(le Chevalier au Cygne), fut créé à Weimar en 1850. Le
musicien y exploitait pleinement son originalité artistique, un
orchestre enrichi en cuivres et un fond musical continu d’où
émergent les thèmes appelant les évènements chorégraphiques ou
lyriques sur la scène. Wagner s’inspira ici des écrits
médiévaux de von Eschenbach et de la Geste des Lorrains, mais
l'action de Lohengrin se déroule dans le Brabant. Au troisième
acte, après avoir tué le comte Friedrich, (protecteur du
Brabant), Lohengrin doit révéler son identité au roi de
Germanie, Henri l'Oiseleur. Je viens, dit-il, d'une contrée
lointaine où se trouve le château de Montsalvat. Il entoure un
temple lumineux contenant le calice sacré du Graal que des
anges ont apporté sur Terre pour ennoblir la Chevalerie. Ce
Graal sacré est caché aux regards des profanes. L'élu admis à
son service en reçoit une force surnaturelle, mais, s'il est
reconnu, il doit partir. C'est le Graal qui m'a envoyé vers
vous. Je suis le chevalier Lohengrin, fils de Parsifal, le roi
du Graal. Et Lohengrin s'en va donc tandis que l'opéra
s'achève. |


Écoutez le Prélude de l'Acte 1 de
Parsifal |
Dédié à Frantz Liszt, "Lohengrin" connut un grand succès.
L'opéra toucha le roi Louis II de Bavière, au point qu'il
accorda ensuite son mécénat à Wagner, finançant la
construction du Palais des Festivals de Bayreuth puis la
production de nombreux opéras dont la tétralogie de
l'Anneau des Nibelungen, (Siegfried et les nains
gardiens des trésors dans la tradition germanique). En
1882, trente deux ans après Lohengrin, Wagner produisit Parsifal,
son œuvre ultime, l'opéra mystique du Graal.
En son âge avancé, il était devenu mystique et végétarien. Il
admirait beaucoup Schopenhauer, un idéaliste platonicien pour
qui la vision du Monde est la représentation mentale d’une
réalité ultime. Sous cette influence, Wagner composa son
dernier opéra et en écrivit lui-même le livret, car il
préférait la littérature à la musique et admirait plus
Shakespeare que Beethoven. Inspirée tout à la fois par les
écrits occidentaux initiés par Chrétien de Troyes et les
sources orientales venant de W. von Eschenbach, l’œuvre
syncrétique est profondément marquée par l'évolution
spirituelle de l'auteur.
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Le célèbre Château de Louis II de Bavière
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