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( Mise à jour de juillet 2017 )
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  Petit Manuel d’Humanité

CAHIER 48 - Contes Persans et Soufi.
 

MANUSCRIT
ORIGINAL


 
N° 00035434
Tous droits
réservés

Table des Matières interactive.

Introduction.
Histoires de trésors.
Rêves et Sagesse.

Autres contes.

Le Chant de la Perle.

La Conférence des Oiseaux.

Commentaires.
Déserts déserts.
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Contes Persans et Soufi.

 

Introduction

 


 

Le soufisme est un courant sunnite de pensée spiritualiste, ésotérique et mystique qui apparut dans l'Islam à partir du 8ème siècle et qui se propagea dans tout le monde musulman en s'adaptant aux différentes cultures des peuples qui le composent. En contraste avec la fréquente rigidité de la pratique formaliste de l'islam, il se révèle être une philosophie et même une voie initiatique, d'amour, et de tolérance, mais l'Islam a toujours été le théâtre de profondes et meurtrières dissensions. L'originalité du Soufisme a parfois engendré une hostilité déclarée de la part des hiérarchies dominantes allant même jusqu'à la persécution sanglante. De nombreux maîtres soufi sont morts martyrisés. Citons notamment Hussein Ibn Mansour al Hallâj, soufi de Bagdad, crucifié en 922. Certaines écoles se sont alors réfugiées dans le secret, en transmettant leurs enseignements oralement et discrètement en usant de fables et de contes souvent pittoresques et savoureux, truffés d'anecdotes à la fois amusantes et symboliques à différents niveaux, évitant ainsi les obstacles et dangers des dogmatismes. Ce sont quelques réécritures de ces contes soufis qui seront présentées ici.

Le soufisme initiatique est organisé en confréries fondées par des maîtres spirituels. La plus connue est celle des "Derviches tourneurs" (voir cahier 13) en Turquie et en Iran. La doctrine générale affirme que toute réalité comporte un aspect extérieur apparent, exotérique, (zahir), et un aspect intérieur caché, ésotérique, (batin). Elle postule la recherche d'un état spirituel purifié permettant d'accéder à cette connaissance. La première phase de ce cheminement est celle du rejet de la conscience issue des cinq sens, par la recherche d'un état d'« ivresse » spirituelle, d'une sorte d'extinction (al-fana'), ou d'annihilation de l'ego pour parvenir à la conscience de l'action présente de Dieu. Après cette première étape, le soufi doit consciemment revenir au monde extérieur précédemment rejeté. Les soufis distinguent les différents aspects de cette phase par différents termes, (al-baqâ), la permanence, (sahw), la lucidité, (rujû'), le retour vers les créatures. L'élément commun à tous les soufis, c'est le "dhikr", l'invocation répétée à Dieu par des formules tirées du Coran.

Tuez moi, ô mes fidèles,
En mon assassinat est ma vie.
Ma mort est en ma vie,
Ma vie est en ma mort.
Pour moi, l'effacement de mon moi
est la plus glorieuse des grâces.
Demeurer en mes attributs
est ignoble malfaisance.
Mon âme, en ces ruines délabrées
S'est lassée de ma vie.

Dîwân (recueil poétique) de Hussein ibn Mansour Al Hallâj
Hallâj Dîwân - (traduction littérale) - Éditions du Rocher - 2008

Histoires de trésors et autres

 


 

La flèche et le trésor.
Une nuit, un homme pauvre rêva que le secret d'un trésor caché était écrit sur un parchemin vendu dans une boutique de la ville. A son réveil, il s'y précipita et il constata qu'en effet un parchemin y était en vente. Il l'acheta aussitôt et commença à le déchiffrer. Il apprit alors que pour découvrir le trésor, il devait se rendre en un certain endroit devant un certain bâtiment, puis se tourner vers l'est et mettre une flèche sur son arc. Il trouverait le trésor à l'endroit où tomberait la flèche. Il s'y rendit donc, se tourna vers l'est, banda son arc et  tira une flèche. Il creusa à l'endroit où elle était tombée, mais ne trouva aucun trésor. Il recommença chaque jour suivant, tirant bien des flèches et creusant des trous partout sans succès. La rumeur de ces efforts parvint jusqu'au roi qui exigea qu'on lui remit le parchemin afin de découvrir ce trésor pour lui même. De nombreux archers furent envoyés qui tirèrent des milliers de flèches dans toutes directions et creusèrent d'innombrables trous sans aucun résultat. Dépité, le roi rendit à l'homme son parchemin en disant que si un tel trésor existait, il serait désormais le sien puisque lui même n'avait pu le découvrir. Le pauvre homme retrouva quelque espoir, et la nuit suivante, il rêva d'un mystérieux personnage qui lui reprocha d'avoir été présomptueux et ne ne pas avoir suivi les instructions du parchemin dont le message disait simplement de placer une flèche sur l'arc en se tournant vers l'est. Il ne disait pas de tendre l'arc et de tirer la flèche. C'est donc par vanité et pour marque sa volonté que l'homme avait trouvé logique de bander l'arc et de tirer la flèche, alors qu'il suffisait de la laisser tomber à ses pieds. Place la flèche sur l'arc et laisse la tomber. Où tombera la flèche, creuse la terre, là sera le trésor. Ainsi chacun juge de tout en fonction de la place où il se trouve, mais pourtant la vraie connaissance est plus proche de l'homme que la veine jugulaire de son cou.

Le paysan et le trésor.
Dans la ville d’Ispahan, vivait autrefois un paysan miséreux. Il n’avait qu’une pauvre maison basse couleur de terre, un champ de cailloux avec une source et un figuier. Il reposait sous son figuier quand un rêve lui vînt. Il  cheminait dans une cité magnifique aux riches boutiques. Au loin, on voyait des minarets et des palais couleur d’or. Parvenu au bord d’un fleuve, il s’avança sur le pont et, au pied de la première borne, il y avait un grand coffre empli d’or et de pierres précieuses. Une voix lui dit : Tu es ici dans la cité du Caire, en Egypte, et ces biens seront à toi. Cela entendu, il s’éveilla sous son figuier. Il pensa qu’Allah l’aimait et voulait l’enrichir. « En vérité, se dit-il, ce rêve est le fruit de sa grande bonté ». Il s’en alla sur l’heure pour chercher le trésor. Le voyage fut périlleux, mais il parvint enfin au Caire, la ville qu'il avait rêvée, les mêmes rues, les mêmes boutiques, et les mêmes minarets, au loin. Il parvint au bord du même fleuve et du même pont, et à son entrée, la même borne. Mais il n'y avait là qu’un mendiant qui tendait la main. Pas de trésor, hélas. Le paysan désespéra. « Á quoi bon vivre, dit-il. Plus rien de bon ne peut m’advenir dans ce monde ». Il voulut se jeter dans le fleuve. Le mendiant le retint, disant : - Pourquoi mourir, par un si beau temps ? - L’autre raconta son rêve, son espoir, et son long voyage. Alors le mendiant se prit à rire en disant - Voilà le plus grand idiot de la terre. Quelle folie qu'un tel voyage sur la foi d’un rêve ! Auprès de toi, je me sens fort sage. Toutes les nuits je rêve que je suis dans une ville inconnue dont le nom est Ispahan. J'y vois une pauvre maison basse couleur de terre, un champ de cailloux avec une source et un figuier. Je creuse un trou au pied du figuier, et je trouve un coffre empli d’or et de pierres précieuses. Ai-je jamais couru vers ce mirage ? Non, Je suis raisonnable, et je reste à mendier sur ce pont. "Songe est mensonge", dit le proverbe. - Tu aurais dû demeurer où Dieu t’a mis. Va, et sois moins naïf à l'avenir ! Le paysan avait reconnu sa maison et son figuier. Il retourna à Ispahan, et creusant au pied du figuier, il découvrit un immense trésor. Face contre terre il dit : « Allah est grand, et je suis son enfant ».

L'invité repu.
Un homme vint voir Bahaudin Naqshband et lui dit : "J'ai voyagé, je suis allé de maître en maître, j'ai étudié de nombreuses voies. J'en ai reçu de grands bienfaits et retiré maints avantages. Je voudrais maintenant me joindre au cercle de vos disciples, que je puisse m'abreuver à la source de la connaissance, et progresser de degré en degré sur la voie spirituelle, (la tariqa)." Bahaudin ne répondit rien, mais demanda que l'on servit le dîner. Lorsqu'on eut apporté le riz et le ragoût, et que son hôte s'en fut restauré, le maître insista pour qu'il en reprît. Et il en fut ainsi à plusieurs reprises. Puis il lui fit offrir des fruits et des gâteaux, et fit signe qu'on apporte  d'autres mets, des légumes, des salades, et des confitures, tout cela en abondance. L'invité se sentit d'abord flatté, et, voyant que Bahaudin semblait toujours plus ravi lorsqu'il avalait, il mangea autant qu'il pouvait. Quant son appétit paraissait faiblir, le sheikh soufi se montrait fort contrarié. Pour ne pas le mécontenter, le malheureux ingurgita presque un deuxième repas. Quand son invité fut dans un état tel qu'il dût s'allonger sur des coussins, Bahaudin dit enfin: "Quand tu t'es présenté devant moi, tu étais aussi plein d'enseignements non digérés que tu l'es maintenant de viande, de riz, de fruits... Tu te sentais mal à l'aise. Parce que tu ne sais pas ce qu'est le vrai malaise spirituel, tu as pris cette sensation pour celle de la faim, la faim de connaissances nouvelles. En réalité, ce dont tu souffrais, c'était d'indigestion. Je peux t'instruire si tu es prêt maintenant à suivre mes directives, prêt à rester ici avec moi le temps qu'il faudra pour digérer - au moyen d'activités qui ne te sembleront pas initiatiques mais qui sont l'équivalent de la substance qu'on absorbe pour pouvoir digérer un repas comme celui-là afin qu'il soit transformé en éléments nutritifs plutôt qu'en graisse. Le visiteur accepta cette proposition. Il raconta son histoire des dizaines d'années plus tard alors qu'il était devenu le grand maître Sufi Khalil Ashrafzada.  

Le maître soufi.
Un jeune soufi voyageait avec son maître aux confins du désert. Ils connaissaient mal le pays qui était fort rocailleux, et perdirent bientôt leur chemin. Après quelques jours d'errance, ils vinrent à manquer de nourriture et d'eau . Ils se préparaient à mourir quand ils aperçurent au bas de la  montagne une ville lointaine au bord d'un grand lac. La maître dit alors : " Je suis épuisé et ne pourrai aller plus loin. Tu es jeune et tu peux encore sauver ta vie en marchant un peu. Va vers la ville et rapporte moi de l'eau. Je vais m'allonger à l'ombre de ce rocher et je t'attendrai". Le jeune soufi gagna donc la ville et se désaltéra auprès du puits où des femmes puisaient de l'eau.  Il remarqua une jeune fille particulièrement belle dont il tomba amoureux sur le champs
. Il la suivit jusqu'à la maison de son père, un commerçant dont il se fit rapidement connaître  Le personnage était vieux et veuf et il avait besoin d'aide pour son commerce. Il demanda au jeune soufi de demeurer chez lui et de devenir son commis. Les jours, les mois et les années passèrent. Le jeune soufi épousa la fille, et, lorsque le vieux père mourut, il fit prospérer le commerce. Le soufi eut plusieurs enfants et devint bientôt riche et fort influent dans la cité. Il arriva qu'un jour, passant devant le puits de sa rencontre, il vint à penser au vieux maître qu'il avait laissé dans la montagne au bord du désert. Pris de remords il décida d'aller chercher ses restes pour leur donner une sépulture. Il revint donc vers le rocher ou il l'avait quitté. Le vieux maître était toujours allongé dans l'ombre protectrice du rocher, et, relevant la tête il lui dit simplement . " M'as tu apporté cette eau que je t'ai demandée ?".

Rêves et Sagesse

 

 

Le rêve du derviche.
Une nuit, dans sa pauvre cellule, un derviche fit un rêve étrange. Il vit une chienne qui était pleine et entendit les aboiements des chiots qui étaient en son ventre. Cela lui parut vraiment très étrange. Comment ces chiots pourraient-ils aboyer avant même d’être nés ? se demandait-t-il. Personne au monde n’a jamais entendu telle chose ! Á son réveil, son étonnement augmenta encore. Comme il était seul dans sa cellule, nul ami ne pouvait l’aider à percer ce mystère. Il s’adressa donc à Dieu avec cette prière : « Ô Seigneur ! Je suis frappé de stupeur par cette énigme ! Je voudrai comprendre sa signification » Et du monde de l’inconnu lui parvint mystérieusement cette réponse : « Ce rêve est simplement la représentation de la vanité du discours des ignorants. Ils peuvent parler de tout alors qu’ils sont encore dans les voiles d'ignorance qui les entourent. Leurs yeux sont restés fermés et ils bavardent cependant inutilement de ce qu'ils ne connaissent pas. Leurs paroles sont aussi vaines que les aboiements d’un chiot dans le ventre de sa mère. Il aboie mais il ne sait ni ce qu'est le gibier ni ce qu'est de monter la garde, et il n’a jamais vu ni le loup ni le voleur. Le désir de se mettre au premier plan et de paraître important aveugle les ignorants et leurs paroles sont inconséquentes et parfois téméraires. Ils décrivent la lune sans même l’avoir vue et vendent de l’air à leurs clients. Cherche des relations qui te cherchent vraiment, et ne te préoccupe point des beaux parleurs. Car il est mauvais d’être amoureux de deux bien-aimés ! »

Fidèles soufi

Les oiseaux blancs et les oiseaux noirs.
Les hommes, les uns par rapport aux autres, sont comme des murs situés face à face. Chaque mur est percé de trous, où nichent des oiseaux blancs et des oiseaux noirs. Les noirs sont les mauvaises pensées et les mauvaises paroles. Les blancs, les bonnes pensées et les bonnes paroles. Les oiseaux blancs ne peuvent entrer que dans des trous d'oiseaux blancs. De même, les oiseaux noirs ne peuvent nicher que dans des trous d'oiseaux noirs. Imaginons Ali et Youssouf qui se croient ennemis l'un de l'autre. Youssouf, persuadé qu'Ali lui veut du mal, est empli de colère et lui envoie une très mauvaise pensée. Ce faisant, il lâche un oiseau noir qui libère donc un trou correspondant. Son oiseau noir va vers Ali, cherchant un trou vide adapté à sa forme. Si Ali n'a émis aucune mauvaise pensée et n'a pas envoyé d'oiseau noir vers Youssouf, aucun de ses trous noirs ne sera vide et l'oiseau noir de Youssouf reviendra à son trou d'origine, avec le mal dont il était chargé, lequel finira par ronger Youssouf lui-même. Mais si Ali a émis aussi une mauvaise pensée, il a libéré un trou où l'oiseau noir de Youssouf pourra entrer pour accomplir sa mission. En même temps, l'oiseau noir d'Ali ira vers Youssouf, se logeant dans le trou libéré par son propre oiseau noir. Ainsi les deux oiseaux pourront altérer chacun des hommes visés. Leur tâche accomplie, ils reviendront tous deux à leurs nids d'origine, car il est dit : "Toute chose retourne à sa source." Le mal dont ils étaient chargés n'étant pas épuisé, se retournera contre leurs auteurs, achevant de les détruire. Ainsi, l'auteur d'une mauvaise pensée, ou d'une malédiction, est atteint tout à la fois par l'oiseau noir de son ennemi et par les sien propre. La même chose se produit avec les oiseaux blancs. Quand nous n'émettons que des bonnes pensées, les oiseaux noirs ennemis, ne pouvant se loger chez nous, retourneront à leur expéditeur. Et si nos oiseaux blancs ne trouvent pas de place chez lui, ils reviendront à nous chargés de la bonté dont ils étaient porteurs. Ainsi, si nous n'émettons que de bonnes pensées, aucun mal, aucune malédiction ne pourront jamais nous atteindre.

Rumi

Le marchand et le perroquet.
Un marchand possédait un perroquet qui conversait avec ses maîtres si adroitement qu'on le traitait comme un membre de la famille. Ce marchand décida d’aller en Inde pour des achats, et demanda aux siens ce qu’ils voulaient qu’il leur rapportât. Le perroquet répondit : « Je n’ai besoin de rien, mais si tu passes près de la forêt où vivent les miens, informe les de l’état où je me trouve ». Et voilà qu'au cours de son voyage, le marchand arriva justement à cette forêt dont parlait son perroquet. Se souvenant du message à transmettre, il s’adressa à des perroquets perchés sur les arbres en disant : « J’ai chez moi dans une belle cage dorée un perroquet de votre famille qui m’a chargé de vous saluer ». Alors, un perroquet pareil au sien poussa un cri, trembla et tomba mort du haut de l’arbre. Le marchand attristé, pensa que le perroquet était mort de chagrin en apprenant la captivité de son parent. Il retourna chez lui un peu désolé et il distribua les cadeaux de l’Inde. Le perroquet lui dit : As-tu transmis mon message ? ». « Oui, répondit le marchand, mais j’ai bien regretté de l’avoir fait ». « Pourquoi donc ? », interrogea le perroquet. Le marchand raconta ce qui s’était passé. L’oiseau écouta attentivement, puis se mit à trembler, et tomba mort au fond de sa cage. Le marchand désolé jeta le corps du perroquet dans le jardin. Mais aussitôt, le perroquet s'envola et se posa sur le mur. Stupéfait, le marchand lui dit : « Cher perroquet, pourquoi cette mort et cette comédie ? Reviens donc dans ta jolie cage ! ». Et le marchand supplia le perroquet de lui expliquer tout le secret de cette affaire. Le perroquet lui dit : « C’est vrai qu'il y a un sens caché dans cela. J’ai envoyé par toi un message disant que j’étais prisonnier et triste, et demandant qu’on m’aide à me sauver. En réalité  le perroquet de la forêt n'était pas mort. Il voulait me transmettre une vérité très sage. Tant que l’on se trouve prisonnier dans la prison d'un monde étranger, il faut mourir à soi-même avant la mort fatale. J'ai donc fait ce qu’il m’a enseigné. Maintenant je suis libre pour vivre dans le monde auquel j'appartiens ».  (Mathnawi Jalâl-ud-Din Rumî).

Autres contes


 

Conte soufi.
Il était une fois, un vieil homme assis à l’entrée d’une ville du Moyen Orient. Un jeune homme s’approcha et lui demanda -  « Je ne suis jamais venu ici, comment sont les gens qui vivent dans une ville ? » Le vieil homme lui répondit par une question : - « Comment étaient les gens dans la ville d’où tu viens ? ». « Egoïstes et méchants... C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’étais bien content de partir » dit le jeune homme. Et le vieillard de répondre : « Tu trouveras les mêmes gens ici ». Un peu plus tard, un autre jeune homme s’approcha et lui posa exactement la même question. « Je viens d’arriver dans la région, comment sont les gens qui vivent dans cette ville ? ». « Dis-moi, mon garçon, comment étaient les gens dans la ville d’où tu viens ? ». « Ils étaient bons et accueillants, honnêtes, j’y avais de bons amis, j’ai eu beaucoup de mal à la quitter », répondit le jeune homme.  « Tu trouveras les mêmes ici » répondit le vieil homme. Un marchand qui faisait boire ses chameaux à côté avait entendu les deux conversations. Dès que le deuxième jeune homme s’éloigna, il s’adressa au vieillard sur un ton de reproche : « Comment peux-tu donner deux réponses complètement différentes à la même question posée par deux personnes ? ». « Mon fils, dit le vieil homme, celui qui ouvre son cœur change aussi son regard sur les autres. Chacun porte son univers dans son cœur ».

Le rêve d'Aladin

L'invisible.
Un soufi voyageait avec son maître en des temps troublés où périrent tant de grands soufis comme Ibn Mansour al Halladj, A'd od-Din Mahmoud Chabestari, Abdeslam Ben Mchich Alami, Baba ould Cheikhna Ahamada Hamahoullah et Cheikh Sid Mohamed ould Cheikhna. Á cette époque les soufis étaient souvent poursuivis par les religieux orthodoxes qui les persécutaient et envoyaient des soldats pour les massacrer. Pour se reconnaître entre eux et écarter le danger, les soufis portaient des signes particuliers sur leur vêture. Au cours de leur dangereux voyage, les deux soufis rencontrèrent un jour un petit groupe d'autres soufis qui semblaient fort effrayés. « Joignez-vous vite à nous, dirent-ils, des soldats arrivent pour nous tuer et vous serez en grand danger si vous restez là ! ». Le maître soufi n'était pas très ému, à l'inverse de son compagnon fort inquiet. « Ne crains rien, dit-il, je vais nous rendre invisibles. ». Et il ordonna à son compagnon, d'ôter tous les signes distinctifs des soufis et de les enfouir dans le sable. Puis ils installèrent un petit bivouac. Les soldats en armes arrivèrent bientôt en suivant les traces des fuyards. Ils jetèrent à peine un coup d'oeil aux deux compagnons et poursuivirent leur chemin. « Ne t'avais-je pas dit que nous serions invisibles, dit le maître, les hommes ne voient que l'extérieur des choses. L'intérieur est à Dieu. ».

Sufi Shrine

L'homme et la cithare.
C’était un homme droit et sincère qui cherchait le chemin du bonheur et de la vérité. Il alla un jour trouver un vénérable maître soufi dont on lui avait assuré qu’il pourrait les lui indiquer. Celui-ci l’accueillit aimablement devant sa tente et, après lui avoir servi le thé à la menthe, lui révéla l’itinéraire tant attendu : « C’est loin d’ici, certes, mais tu ne peux te tromper, au cœur du village que je t’ai décrit, tu trouveras trois échoppes. Là te sera révélé le secret du bonheur et de la vérité. » La route fut longue. Le chercheur d’absolu passa maints cols et rivières. Jusqu’à ce qu’il arrive en vue du village dont son cœur lui dit très fort : « C’est là le lieu ! Oui, c’est là ! ». Hélas ! Dans chacune des trois boutiques il ne trouva comme marchandises que rouleaux de fils de fer dans l’une, morceaux de bois dans l’autre et pièces éparses de métal dans le troisième. Fatigué et découragé, il sortit du village pour trouver quelque repos dans une clairière voisine. La nuit venait de tomber. La lune remplissait la clairière d’une douce lumière,lorsque tout à coup se fit entendre une mélodie sublime. De quel instrument provenait-elle donc ? Il se dressa tout net et avança en direction du musicien, et, stupéfait, il découvrit que l’instrument céleste était une cithare faite des morceaux de bois, des pièces de métal et des fils d’acier qu’il venait de voir en vente dans les trois échoppes du village.  A cet instant, il connut l’éveil. Il comprit que le bonheur est fait de la synthèse de tout ce qui nous est déjà donné, et que notre tâche est d’assembler tous ces éléments dans l’harmonie.


Le Joueur de cithare

Le Chant de la Perle

Le chant de la perle est extrait des "Actes de Thomas"
C'est une allégorie qui semble conter l'ascension de l'âme tombée sur terre, décidant un jour de retourner au royaume divin des origines. (Impérissable étincelle de lumière subsistant au coeur de l'homme.) Voyez donc cela par vous-même !

Les Actes de Thomas nous sont parvenus sous deux versions. La plus récente est grecque, l'autre, en syriaque, est sûrement l'originale, rédigée dans la première moitié du 3e siècle par un Syrien d'Édesse. Dans l'évangélisation du monde, la tâche de Jude-Thomas Didyme (le Jumeau) fut  celle de l'Inde. Le roi de l'Inde, Gondaphor, acheta Thomas comme esclave. Ils s'arrêtèrent en route pour le mariage de la fille du roi, (mariage calamiteux). Thomas y chanta un poème sur l'union de l'âme avec la Sagesse, un hymne qui décrivait le voyage du fils du roi, (le Christ ?) à la recherche de la Perle. Ultérieurement, Thomas prit de l'importance au palais, convertit beaucoup de gens mais dépensa l'argent qu'on lui donnait en généreuses aumônes. Il fut arrêté, mis en prison puis tué à coups de lances. Son corps, qui faisait de nombreux miracles, fut transporté en l'Occident. le Chant de la perle aurait été inséré dans les Actes de Thomas, dans la relation de l'emprisonnement de l'apôtre. Il expose le thème gnostique de la déchéance de l'âme et de son retour dans le monde céleste. - Original en syriaque et version grecque postérieure. - Ms unique : British Library, Londres (add. 14, 645) -

Le chant de la Perle.

Lorsque j'étais encore enfant et que j'habitais dans le palais du royaume de mon Père et que je trouvais mon bonheur dans la richesse et la magnificence de mon entourage, mes parents me firent quitter l'Orient, notre patrie, avec un bagage et des vivres pour le voyage. Il tirèrent de notre trésor une part de richesses dont ils firent un fardeau assez léger pour que je puisse le porter seul. Ils y avaient mis de l'or de Beth Ellâgé, de l'argent du Gazak, des rubis de l'Inde, des agates de Beth Koushân, et des diamants étincelants. Ils m'ôtèrent alors la robe de gloire qui avait été tissée pour moi, ainsi que mon manteau de pourpre, ajusté à ma taille. Ils convinrent avec moi d'un engagement irrévocable que je devais garder en mon coeur. « Si tu te rends en Égypte, dit mon royal père, et si tu rapportes la Perle unique qui se trouve au milieu de la mer et qui est gardée par un dragon à la brûlante haleine, tu retrouveras ta belle robe de gloire et ton manteau dessus, et, avec ton noble frère notre fils aîné, tu seras l'héritier de notre royaume ». Je quittai donc l'Orient et voyageais vers l'Égypte avec une petite escorte car la route était dangereuse et pénible et j'étais encore bien jeune pour un tel voyage. Je passai Maishan, la cité des marchands d'Orient, j'arrivai au pays de Babel, dans la ville de Sarboug.

Arrivé en Égypte, mes compagnons me quittèrent. Je me mis aussitôt en quête du dragon, et l'ayant trouvé, je me tins près de son gîte, attendant qu'il s'endorme pour m'emparer de la Perle. Comme je demeurais seul et discret, pour les autres habitants de mon auberge j'étais comme un étranger. Cependant, je rencontrai là un jeune homme de ma race, bien fait et de bonne mine, qui devint mon ami. J'en fis mon confident et lui fit part de ma mission. Je le mis en garde contre la fréquentation indigne des Égyptiens dévoyés. Cependant,  je m'habillai bientôt de leurs vêtements, craignant que l'on me soupçonnât de vouloir m'emparer de la Perle et que l'on excitât le dragon contre moi. Mais ils s'aperçurent bien que j'étais étranger. Ils captèrent ma confiance, et par ruse me firent partager leurs mets impurs. J'oubliai alors que j'étais fils de roi, et j'en vint à servir le leur. J'oubliai même la Perle, pour laquelle j'avais été envoyé. Abêti par leur nourriture, je tombai dans un sommeil profond. Mes parents apprirent ce qu'il m'advenait et s'en affligèrent. Il fut proclamé dans notre royaume que tous devaient venir à notre aide. Et les rois et les grands de Parthie et tous les notables d'Orient résolurent que je ne serais pas abandonné en Égypte. Mes parents écrivirent alors une lettre au nom de tous ces princes.

Dragon du moyen-orient

Voilà ce que disait la lettre qui me fut envoyée. « De la part de ton père le Roi des Rois, et de ta mère, la souveraine de l'Orient, et de ton frère, le plus proche de nous par le rang, salut à toi, notre fils en Égypte. Réveille-toi présentement de ton sommeil et mets-toi debout, sois attentif et perçois bien tous les mots de notre lettre. Souviens-toi maintenant que tu es un fils de roi et vois dans quel esclavage tu es tombé. Pense à ta mission et à la la Perle, pour laquelle tu as été envoyé en Égypte. Souviens-toi de ta robe de gloire, souviens-toi de ton manteau éclatant, afin que tu puisses de nouveau les revêtir et t'en parer, afin que ton nom soit écrit dans le livre des héros, et que tu deviennes, avec ton frère, notre représentant, les nobles héritiers de notre royaume ». Ainsi était la lettre que le Roi avait scellée de sa main droite contre les méchants, les enfants de Babel et les démons rebelles de Sarboug. Et cette lettre s'éleva merveilleusement sous la forme de l'aigle, roi des oiseaux, et prit son vol pour venir se poser près de moi, et m'appela tout comme un messager humain. Au bruit de sa voix, je m'éveillai et je sortis de mon sommeil, je la ramassai, je l'embrassai, j'en brisai le sceau et je la lus.

Je retrouvai dans les mots de la lettre tout ce qui était écrit dans mon coeur. Je me me ressouvins que j'étais fils de roi, et que mon âme, née libre, soupirait pour sa propre nature. Je me rappelai de la Perle pour laquelle on m'avait envoyé en Égypte, et j'allai enfin enchanter le terrible dragon à la brûlante haleine. Je le charmai et l'endormis en prononçant sur lui le nom de mon père le roi, le nom de mon frère, le plus proche de lui par le rang, le nom de ma mère, la reine de l'Orient. Je m'emparai alors de la Perle, et m'employai à regagner la maison de mon Père. J'ôtai mes vêtements indignes et pris la route vers la lumière de l'Orient. La lettre qui m'avais éveillé me montrait le chemin. De même qu'elle m'avait éveillé par sa voix, de même elle me guidait par sa lumière qui brillait devant moi, elle me donnait courage, et m'entraînait par son amour. Laissant de coté Babel, j'arrivai au grand Maishan, le port des marchands, au bord de la mer. Mes parents envoyèrent à ma rencontre leurs trésoriers chargés de la robe de gloire dont j'avais été privé, et du manteau éclatant dont elle était enveloppée. J'en avais oublié la splendeur, car je l'avais laissée, enfant, dans la maison de mon Père.

Soudain, placée devant moi, elle m'apparut comme mon image dans un miroir. Je la voyais toute entière en moi, et je me voyais tout entier en elle. Nous étions distinctement deux, et pourtant, un seul dans une forme unique. Et l'image du Roi des Rois y était visible partout. Je voyais vibrer sur elle tous les évolutions de la Sagesse. Je perçus ce que signifiait la robe: « Je suis Cela même qui a agi dans les actes de celui qui est né dans la maison du Père, et j'ai perçu moi-même combien j'avais grandi en proportion de ses travaux ». Dans son mouvement, elle coulait toute entière vers moi, et me poussait à la prendre des mains de ses porteurs ; et mon amour me pressait aussi de la recevoir. Je la saisit enfin et me parais de la beauté de ses couleurs et je m'enveloppai tout entier de mon manteau royal. Ainsi vêtu, je montai jusqu'à la porte du Palais. Je courbai la tête et j'adorai la gloire de mon Père qui me l'avait envoyée, et dont j'avais accompli les ordres, tout comme il avait fait lui même ce qu'il avait promis. Il me reçut dans la joie, et j'étais de retour dans son royaume, et tous ses serviteurs le louaient d'une voix forte de ce qu'il tenu sa promesse puisque je comparaissais devant lui ayant apporté la Perle.

La perle unique

Mircea Eliade, dans son ouvrage "Aspects du mythe", nous dit que cet Hymne de la Perle, probablement d'origine iranienne, « a le mérite de présenter sous une forme dramatique quelques uns des motifs gnostiques les plus populaires ». Ce mythe gnostique central s'articule autour du thème du "Sauveur sauvé", de l'amnésie et de l'anamnèse. Immergé dan la vie, le Prince oublieux et captif, retrouve un jour le souvenir de son état royal. (C'est l'homme originel qui a ressouvenance de sa nature divine).  

Aspects du mythe de Mircea Eliade
Gallimard - Collection Folio essais  - 1963

La Conférence des Oiseaux

 

Par le poète persan Farid Al-Attar

La Conférence des Oiseaux, (ou Cantique des Oiseeaux), est un très important recueil de poèmes médiévaux en langue persane publié par le poète soufi persan Farid Al-Din Attar en1177. Cette allégorie masnavi d'un cheikh ou maître soufi conduisant ses élèves à l'illumination est constituée d'environ 4 500 distiques.

« Chercheur de vérité, ne prends pas cet ouvrage
pour le songe éthéré d’un imaginatif.
Seul le souci d’amour a conduit ma main »

Présentation générale

La Conférence des Oiseaux est l'histoire d'une bande de trente mille oiseaux pèlerins partant sous la conduite d'une huppe fasciée à la recherche du Simurgh, leur roi. Les oiseaux doivent traverser sept vallées pour trouver Simurgh. Ce sont les étapes par lesquelles les soufis peuvent atteindre la vraie nature de Dieu. Le texte relate les hésitations, incertitudes des oiseaux. Un à un, ils abandonnent le voyage, chacun offrant une excuse, incapable de supporter le voyage.

Constituée d'environ 4 500 distiques, la Conférence des Oiseaux est une allégorie masnavi d'un cheikh ou maître soufi dont l’objet est de conduire ses élèves à l'illumination. Les textes de style masnavi sont des longs poèmes lyriques et narratifs ou didactiques. La disposition des rimes est singulière et diffère des autres styles poétiques utilisés dans la poésie médiévale perse Le nombre de couplets est indéfini et les rimes se suivent par deux, à la fin de chaque hémistiche du même distique. En Perse, ce style masnavi a été utilisé pour les romans ou les légendes. Les distiques sont constitués de deux vers formant un ensemble complet par le sens.

Dans la présentation initiale, l’ouvrage comporte originellement deux parties, à savoir, une série de longues invocations traditionnelles à Dieu et à ses prophètes, (que par respect pour l’œuvre je me dois de rapporter). Le thème n’est exposé qu’après ces invocations. Le récit, est fort long. L’interprétation est complexe car  de très nombreux insérés dans le texte en accentuent la portée Cent soixante anecdotes, citations, contes, ou aphorismes divers, (parfois très cruels), sont insérés dans les cinquante chapitres qui décrivent en détail les objections que les oiseaux opposent au projet de voyage proposé par la Huppe ainsi que les étapes de celui-ci. 

La Huppe du récit est probablement un geai huppé

Par de nombreux textes poétiques, Attar expose donc aux lecteurs la doctrine soufi selon laquelle Dieu n'est pas extérieur ou en dehors de l'univers, mais Il est plutôt la totalité de l'existence. L'oiseau est ici le symbole de celui qui est capable de quitter la terre vers le ciel, puis d'y revenir. Même si cette révélation est apparemment proche dela notion occidentale du panthéisme, l'idée de Dieu transcendant en est une idée intrinsèque à la plupart des interprétations du soufisme, qui remonte aux racines de l'islam et peut être retrouvé à travers le Coran. Les soufis craignaient que l’on puisse assimiler leur pensée à toute idée de fusion mystique entre l’homme et Dieu. L'oiseau revenant sur terre est le symbole de la trilogie Qaf-Tuba-Simorg.

Ce poème mystique a fait l'objet de plusieurs traductions françaises. En 2012 les éditions Diane de Selliers ont publié un ouvrage illustré par des miniatures persanes par Michael Barry et traduit par Leili Anvar. Un nouveau titre a été proposé, Le Cantique des oiseaux. C’est en partie ce texte qui a été en partie utilisé dans l’approche ici proposée de l’oeuvre de Farid Al-Din Attar.

La Conférence (ou Cantique) des Oiseaux, c’est donc l'histoire d'une bande de trente mille oiseaux partant en pèlerinage, sous la conduite d'une huppe fasciée, à la recherche du Simurgh, leur roi. Le récit est émaillé de nombreux contes, d'anecdotes, de paroles de saints et de fous qui accompagnent la relation de l'aventure. Les oiseaux qui symbolisent les hommes, doivent traverser sept vallées pour trouver le roi Simurgh. Ce sont les étapes par lesquelles les soufis peuvent atteindre la vraie nature de Dieu. Les oiseaux decront traverser sept vallées pour trouver Simurgh, elles sont : Talab (recherche, demande), Ishq (amour), Ma'refat (connaissance), Isteghnâ (détachement - se suffire à soi-même), Tawhid (unicité de Dieu), Hayrat (stupéfaction), Faqr et Fana (pauvreté et anéantissement), Ce sont les étapes par lesquelles les soufis peuvent atteindre la vraie nature de Dieu.


Qaf
qui est la montagne, est douée de capacité de réaction à la détérioration par les hommes et de mouvements propres.


Tuba est le monde de l'humain avec la nécessité d’une prise de conscience de son environnement


Simorgh est l'oiseau royal par lequel la vie continue sur Terre, symbole des êtres aériens ailés, anges ou élévations, qui, comme les oiseaux réalisent la vérité, ils doivent ensuite se rendre à la Station de Baqa (de subsistance) qui se situe au sommet de la montagne Qaf.

A la fin de leur quête, ils découvrent leur moi profond (jeu de mots sur Simorgh signifiant également « trente oiseaux »).

Au début du récit, la Huppe invite tous les oiseaux à entreprendre un long voyage pour rechercher et rejoindre leur Roi, Simorgh qui leur apportera joie et bonheur. Le texte relate longuement les hésitations et incertitudes des oiseaux, car les oiseaux ont vite compris que le voyage sera difficile et ils hésitent à abandonner leur état confortable. Certains doutent et d’autres ont vraiment peur. Un à un, les oiseaux critiquent ou refusent le projet de le voyage, chacun offrant une excuse qu'il voudrait crédible.

Chaque oiseau symbolise un comportement ou une faute. La tête de file est la huppe, le rossignol symbolise l'amant. Le perroquet est à la recherche de la fontaine de l'immortalité, et non pas de Dieu. Le paon symbolise les « âmes perdues » qui ont fait alliance avec Satan.

Le Canard dit qu’il est heureux dans l’eau qui est source de tout. « Là où nous allons, dit la Huppe, l’eau coule à flots ».
Le Faucon prétend avoir déjà un maître. « Si tu aimes obéir, alors suis-moi ! ». 
La Chouette préfère parcourir les ruines pour y trouver des trésors. ». « Viens donc avec nous explorer des lieux nouveaux ».
Le Rossignol dit qu’il vit pour l’amour et que sa rose et lui ne font qu’un. Comment pourrait-il la quitter ? «  Méfie toi des épines ! ».
Le Perroquet affirme qu’il se plait bien ici. Il s’y est en sécurité et reçoit de la nourriture tous les jours. « Te dit-on aussi que penser ? ».
Le Paon se trouve déjà bien spécial, avec toutes ses couleurs. « Viens donc, et montre leur à tous qui tu prétends être ».

Au total, vingt deux chapitres exposent les objections de différents oiseaux.  Enfin les oiseaux les plus audacieux se rassemblent pour le vol Ils sont encore trente mille. Ils emplissent le ciel et prenant courage, ils s’envolent vers les sept vallées.

Les sept vallées

Les sept vallées à traverser pour trouver Simurgh sont les étapes par lesquelles les soufis peuvent atteindre la vraie nature de Dieu.

1 / Talab, La vallée de la Quête (recherche, demande)

« Renoncez à vos obsessions, à votre pouvoir, à tout ce qui vous est cher ! ».

Les oiseaux y font halte pour la nuit et l’un exprima leur pensée. « J’essaie de trouver mon chemin, et je dois regarder partout ».

« Lorsque ainsi tu te sens vide, il te faut ouvrir ton cœur et laisser le vent y souffler ! ».

2 / Ishq, La vallée de l’Amour

« Ici, le feu ardent est amour, et l’amour brûlant est feu ! Le bûcher de l’amour est frémissant et immuable. ».

Mais déjà, certains oiseaux s’éloignent dans la nuit. « J’ai peur de l’amour ! ».

« Sachez que l’amour peut vous soulever jusqu’au sommet du Monde ou vous précipiter en enfer. ». 

« On a demandé à un vieux fossoyeur s’il est possible d’enterrer l’amour, et il a répondu qu’au fil des ans, il avait enterré bien des cadavres mais n’avait jamais enterré es désirs. ».

3 / Ma'refat, La vallée de la mansuétude (ou de la connaissance)

« Ici chacun choisit sa propre voie, ses propres règles et ses propres écarts. Il n’y a ici ni commencement ni fin, mais seulement un vol perpétuel »

Et les oiseaux réclament : «  Où donc sommes nous ? Il n’est pas de mansuétude ni de connaissance dans cette vallée ».

«  C’est qu’il faut être très vigilants. Nous suivons un chemin sans savoir si il est long et jusque où il va. Connaissez vous l’histoire de l’oiseau qui perdit son chemin ? Ou celle de celui que personne ne vint chercher ? Ils se sont transformés en pierres et ont fondu en larmes, et ces larmes étaient de petits cailloux. ».

4 / Isteghnâ, La vallée du détachement et de l’autosuffisance.

« Ici s’éteignent tous désirs et toutes curiosités. Si tous les cieux et toutes leurs étoiles explosaient en ces lieux, ce ne serait ici qu’une feuille dans le vent. Le plus petit poisson est ici plus puissant que la baleine et personne n’en connaît la raison. ».

Voici que l’oiseau savant dessina sur le sable toutes les constellations du ciel, puis le vent se leva et dispersa à l’instant tous ses dessins dans le désert. Si solide parait le Monde qui n’est pourtant que sable au gré du vent ».

« Oiseaux, mes frères, n’espérez pas vous arréter ici ! ».

5 / Tawhid, La vallée de l’unicité de Dieu.

« Ici, tous sont liés au cou par une seule corde. Si vous croyez y voir une multitude, ils ne sont cependant que quelques uns, et peut être aucun ».

Comme les oiseaux fatigués se posaient pour dormir, une chauve souris apparut : «  Quelles nouvelles apportez vous du Soleil, J’ai volé toute ma vie dans l’obscurité sans jamais le trouver. Croyez vous vraiment qu’il existe ? ».

 

Un petit oiseau se plaignait. « Je n’ai pas confiance en moi-même. Un jour, j’y crois, non pas le suivant. Un jour, je désespère, et pas le lendemain. Je sui faible et fragile et ne trouve jamais ma place.

« Pourquoi ne dors tu pas ? Nous avons tous des moments de force et de faiblesse. Vole donc, petit oiseau, et lave et purifie ton cœur ! ».

6 / Hayrat, La vallée de l’émerveillement et de la stupéfaction.

« C’est un lieu d’obsédante douleur et d’effarement constant. On n’ose pas regarder. On n’ose pas respirer. Des douleurs vous transpercent comme des épées ».

Et lorsque les oiseaux arrivèrent à cette sixième vallée, elle disparut, es laissant confus, désemparés et inquiets. Ils attendaient et réfléchissaient : « Nous avons volé trop loin, nous ne pourrons pas revenir en arrière ! ».

« Allons, oiseaux ! Revenir en arrière n’a pas de sens. Nous volons en cercle comme le phénix. Il vit plus de mille ans devenant chaque jour plus sage, et quand vient l’heure de son départ, il se couvre de feuilles, déploie ses ailes et s’enflamme. Alors, un nouveau phénix naît de ses cendres. Amis, allons de l’avant ! ».

7 / Faqr et Fana, La vallée de la mort, de la pauvreté et de l’anéantissement.

« En ce lieu, on ne voit rien et on ne sent rien, car il n’y a rien ici.  Le cœur demeure immobile et silencieux, celant en son sein d’insondables mystères ».

Beaucoup d’oiseaux abandonnent ou périssent pendant le vol. Aux quatre coins du monde, des millier d’oiseaux avaient entrepris l’aventure, mais ne purent aller jusqu’au bout du chemin. Certains désespéraient ou se décourageaient. D’autres s’effrayaient, et d’autres encore, malgré leur courage, succombèrent, s’affolèrent, ou moururent de faim ou de soif, de la chaleur du soleil ou de la froideur de la nuit, ou simplement se perdirent dans l’immensité des océans. De féroces prédateurs les avaient dévorés en route, affolés et terrorisés par les dangers du voyage.  Seulement un sur mille arrive au terme, (Sur trente mille, trente seulement ont survécu,). Les survivants atteignent enfin la sortie de la septième vallée. « Sommes-nous vivants ou morts ? Où donc trouverons- nous le roi ? Nous avons traversé toutes ces vallées et fait tout ce chemin pour lui ! Nous voulons le voir à présent ! ».  « Des vallées ! N’étaient-elles qu’un rêve, une illusion ? Chers amis, en vérité, nous n’avons rien traversé ! Mais ne sommes ici qu’au commencement du véritable voyage ! ».

Et voici qu’apparaît enfin la Montagne de Kaf. Ne restent que les trente compagnons qui s’efforcent encore et toujours de voler en criant : «  Montagne de Kaf ! Nous cherchons Simorgh, notre Roi ! ». « Rentrez chez vous ! Oiseaux, car vous n’êtes que cendre et poussière ! ». « Pitié ! ». « Pardonnez- moi ! J’ai fait erreur !  Êtes-vous encore là ? Venez ! ».  - Et la Montagne de Kaf s’ouvre, comme un rideau, pour que puissent entrer les trente survivants.  Unis dans leur quête, ils voulaient rejoindre le Roi Simorgh.

Mais les oiseaux sont seuls dans la salle royale.
Ils découvrent alors qu’ils sont eux-mêmes le Roi.
En vérité,  et tout à la fois,
Chacun d’eux pris en particulier est le Roi Simorgh
Mais ils le sont aussi tous ensemble. 

Lien ci-dessus vers la traduction française complète
complètement réorganisée pour en faciliter l'approche 

Ci-dessus - Lecture du Cantique des Oiseaux au festival de Fez en 2014

Commentaires.


 


Les vers arabes classiques sont souvent composés de deux hémistiches qui,
 en raison de leur longueur, sont présentés ci-dessous sur deux lignes successives.

Extraits du Dîwân (recueil poétique) de Hussein ibn Mansour Al Hallâj
 - Hallâj Dîwân - (traduction littérale) - Éditions du Rocher - 2008 -
 

 

J'ai enveloppé de ma totalité le tout de ta totalité, ô Sacré,
Tu te révèle à moi jusqu'à ce que Tu sois comme en moi.
Je tourne et je retourne mon coeur en un autre que Toi,
Et je n'y vois que mon dépouillement alors que Tu y es ma joie.
Me voilà, dans la prison de la vie, préservé de la joie

Tire-moi vers Toi hors de la prison.

 
Celui qui le cherche guidé par la raison,

Il le laisse vaguer et se distraire dans la détresse,

Blanchir ses cheveux en déguisant ses secrets,

Et se dire en son inquiétude : est-ce Lui ?

 
Son invocation est mon invocation,
Et mon invocation est son invocation.
Les deux invocants

Seront ils autrement qu'ensemble

 


 

Déserts, déserts

 


 

La révélation du désert est la porte de la connaissance
Le silence en est la clef.

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