La Conférence des
Oiseaux
Par le poète persan Farid Al-Attar
La Conférence des Oiseaux, (ou Cantique des
Oiseeaux), est un très important recueil de poèmes médiévaux
en langue persane publié par le poète soufi persan Farid Al-Din
Attar en1177. Cette allégorie masnavi d'un cheikh ou maître soufi
conduisant ses élèves à l'illumination est constituée
d'environ 4 500 distiques.
« Chercheur de vérité, ne prends pas cet ouvrage
pour le songe éthéré d’un imaginatif.
Seul le souci d’amour a conduit ma main »
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Présentation générale
La Conférence
des Oiseaux est l'histoire d'une bande de trente mille oiseaux
pèlerins partant sous la conduite d'une huppe fasciée à la
recherche du Simurgh, leur roi. Les oiseaux doivent traverser sept
vallées pour trouver Simurgh. Ce sont les étapes par lesquelles
les soufis peuvent atteindre la vraie nature de Dieu. Le texte
relate les hésitations, incertitudes des oiseaux. Un à un, ils
abandonnent le voyage, chacun offrant une excuse, incapable de
supporter le voyage.
Constituée
d'environ 4 500 distiques, la Conférence des Oiseaux est une
allégorie masnavi d'un cheikh ou maître soufi dont l’objet est de
conduire ses élèves à l'illumination. Les textes de style masnavi
sont des longs poèmes lyriques et narratifs ou didactiques. La
disposition des rimes est singulière et diffère des autres styles
poétiques utilisés dans la poésie médiévale perse Le nombre de
couplets est indéfini et les rimes se suivent par deux, à la fin
de chaque hémistiche du même
distique. En Perse, ce style masnavi a été utilisé pour les romans
ou les légendes. Les distiques sont
constitués de deux vers formant un ensemble complet par le sens.
Dans la
présentation initiale, l’ouvrage comporte originellement deux
parties, à savoir, une série de longues invocations
traditionnelles à Dieu et à ses prophètes, (que par respect pour
l’œuvre je me dois de rapporter). Le thème n’est exposé qu’après
ces invocations. Le récit, est fort long. L’interprétation est
complexe car de très nombreux insérés dans le texte en
accentuent la portée Cent soixante anecdotes, citations, contes,
ou aphorismes divers, (parfois très cruels), sont insérés dans les
cinquante chapitres qui décrivent en détail les objections que les
oiseaux opposent au projet de voyage proposé par la Huppe ainsi
que les étapes de celui-ci.
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La Huppe du récit est probablement un geai huppé
Par de nombreux textes poétiques, Attar
expose donc aux lecteurs la doctrine soufi selon laquelle Dieu
n'est pas extérieur ou en dehors de l'univers, mais Il est plutôt
la totalité de l'existence. L'oiseau est ici le symbole de celui
qui est capable de quitter la terre vers le ciel, puis d'y
revenir. Même si cette révélation est apparemment proche dela
notion occidentale du panthéisme, l'idée de Dieu transcendant en
est une idée intrinsèque à la plupart des interprétations du
soufisme, qui remonte aux racines de l'islam et peut être retrouvé
à travers le Coran. Les soufis craignaient que l’on puisse
assimiler leur pensée à toute idée de fusion mystique entre
l’homme et Dieu. L'oiseau revenant sur terre est le symbole de la
trilogie Qaf-Tuba-Simorg.
Ce poème mystique a fait l'objet de
plusieurs traductions françaises. En 2012 les éditions Diane de
Selliers ont publié un ouvrage illustré par des miniatures
persanes par Michael Barry et traduit par Leili Anvar. Un nouveau
titre a été proposé, Le Cantique des oiseaux. C’est en partie ce
texte qui a été en partie utilisé dans l’approche ici proposée de
l’oeuvre de Farid Al-Din Attar. |
La
Conférence (ou Cantique) des Oiseaux, c’est donc l'histoire d'une
bande de trente mille oiseaux partant en pèlerinage, sous la
conduite d'une huppe fasciée, à la recherche du Simurgh, leur roi.
Le récit est émaillé de nombreux contes, d'anecdotes, de paroles
de saints et de fous qui accompagnent la relation de l'aventure.
Les oiseaux qui symbolisent les hommes, doivent traverser sept
vallées pour trouver le roi Simurgh. Ce sont les étapes par
lesquelles les soufis peuvent atteindre la vraie nature de Dieu.
Les oiseaux decront traverser sept vallées pour trouver Simurgh,
elles sont : Talab (recherche, demande), Ishq (amour), Ma'refat
(connaissance), Isteghnâ (détachement - se suffire à soi-même),
Tawhid (unicité de Dieu), Hayrat (stupéfaction), Faqr et Fana
(pauvreté et anéantissement), Ce sont les étapes par lesquelles
les soufis peuvent atteindre la vraie nature de Dieu.
Qaf
qui est la montagne, est douée de capacité de réaction à la
détérioration par les hommes et de mouvements propres.
Tuba
est le monde de l'humain avec la nécessité d’une prise de
conscience de son environnement
Simorgh
est l'oiseau royal par lequel la vie continue sur Terre, symbole
des êtres aériens ailés, anges ou élévations, qui, comme les
oiseaux réalisent la vérité, ils doivent ensuite se rendre à la
Station de Baqa (de subsistance) qui se situe au sommet de la
montagne Qaf.
A la fin de leur quête, ils découvrent leur moi
profond (jeu de mots sur Simorgh signifiant également « trente
oiseaux »).
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Au début du récit, la Huppe invite tous les
oiseaux à entreprendre un long voyage pour rechercher et rejoindre
leur Roi, Simorgh qui leur apportera joie et bonheur.
Le texte relate longuement les hésitations et incertitudes des
oiseaux, car les oiseaux
ont vite compris que
le voyage sera difficile et ils hésitent à abandonner leur état
confortable. Certains doutent et d’autres ont vraiment peur.
Un à un, les oiseaux
critiquent ou refusent le projet de le voyage, chacun offrant une
excuse qu'il voudrait crédible.
Chaque oiseau symbolise un comportement ou une faute. La tête de
file est la huppe, le rossignol symbolise l'amant. Le perroquet
est à la recherche de la fontaine de l'immortalité, et non pas de
Dieu. Le paon symbolise les « âmes perdues » qui ont fait alliance
avec Satan.
Le
Canard dit qu’il est heureux dans l’eau qui est source de tout.
« Là où nous allons, dit la Huppe, l’eau coule à flots ».
Le Faucon prétend avoir déjà un maître. « Si tu aimes obéir, alors
suis-moi ! ».
La Chouette préfère parcourir les ruines pour y trouver des
trésors. ». « Viens donc avec nous explorer des lieux nouveaux ».
Le Rossignol dit qu’il vit pour l’amour et que sa rose et lui ne
font qu’un. Comment pourrait-il la quitter ? « Méfie toi des
épines ! ».
Le Perroquet affirme qu’il se plait bien ici. Il s’y est en
sécurité et reçoit de la nourriture tous les
jours. « Te dit-on aussi que penser ? ».
Le Paon se trouve déjà bien spécial, avec
toutes ses couleurs. « Viens donc, et montre leur à tous qui tu
prétends être ».
Au total, vingt deux chapitres exposent les objections de
différents oiseaux. Enfin les oiseaux les plus audacieux se
rassemblent pour le vol Ils sont encore trente mille. Ils
emplissent le ciel et prenant courage, ils s’envolent vers les
sept vallées.
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Les sept vallées
Les sept vallées à traverser pour trouver Simurgh sont les
étapes par lesquelles les soufis peuvent atteindre la vraie nature
de Dieu. |
1 / Talab, La vallée de la Quête (recherche, demande) |
« Renoncez à vos obsessions, à votre
pouvoir, à tout ce qui vous est cher ! ».
Les oiseaux y font halte pour la nuit et l’un exprima leur
pensée. « J’essaie de trouver mon chemin, et je dois regarder
partout ».
« Lorsque ainsi tu te sens vide, il te faut ouvrir ton cœur et
laisser le vent y souffler ! ». |
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2 / Ishq, La vallée de l’Amour |
« Ici, le feu ardent est amour, et l’amour brûlant est
feu ! Le bûcher de l’amour est frémissant et immuable. ».
Mais déjà, certains oiseaux s’éloignent dans la nuit.
« J’ai peur de l’amour ! ».
« Sachez que l’amour peut vous soulever jusqu’au sommet
du Monde ou vous précipiter en enfer. ».
« On a demandé à un vieux fossoyeur s’il est possible
d’enterrer l’amour, et il a répondu qu’au fil des ans, il
avait enterré bien des cadavres mais n’avait jamais enterré
es désirs. ». |
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3 / Ma'refat, La vallée de la mansuétude (ou
de la connaissance) |
« Ici chacun choisit sa propre voie, ses propres règles et ses
propres écarts. Il n’y a ici ni commencement ni fin, mais
seulement un vol perpétuel »
Et les oiseaux réclament : « Où donc sommes nous ? Il
n’est pas de mansuétude ni de connaissance dans cette vallée
».
« C’est qu’il faut être très vigilants. Nous suivons un
chemin sans savoir si il est long et jusque où il va.
Connaissez vous l’histoire de l’oiseau qui perdit son chemin ?
Ou celle de celui que personne ne vint chercher ? Ils se sont
transformés en pierres et ont fondu en larmes, et ces larmes
étaient de petits cailloux. ». |
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4 / Isteghnâ, La vallée du détachement et de
l’autosuffisance. |
« Ici s’éteignent tous désirs et toutes curiosités. Si tous
les cieux et toutes leurs étoiles explosaient en ces lieux, ce
ne serait ici qu’une feuille dans le vent. Le plus petit
poisson est ici plus puissant que la baleine et personne n’en
connaît la raison. ».
Voici que l’oiseau savant dessina sur le sable toutes les
constellations du ciel, puis le vent se leva et dispersa à
l’instant tous ses dessins dans le désert. Si solide parait le
Monde qui n’est pourtant que sable au gré du vent ».
« Oiseaux, mes frères, n’espérez pas vous arréter ici ! ». |
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5 / Tawhid, La vallée de l’unicité de Dieu. |
« Ici, tous sont liés au cou par une seule corde. Si vous
croyez y voir une multitude, ils ne sont cependant que
quelques uns, et peut être aucun ».
Comme les oiseaux fatigués se posaient pour dormir, une chauve
souris apparut : « Quelles nouvelles apportez vous du
Soleil, J’ai volé toute ma vie dans l’obscurité sans jamais le
trouver. Croyez vous vraiment qu’il existe ? ».
Un petit oiseau se plaignait. « Je n’ai pas confiance en
moi-même. Un jour, j’y crois, non pas le suivant. Un jour, je
désespère, et pas le lendemain. Je sui faible et fragile et ne
trouve jamais ma place.
« Pourquoi ne dors tu pas ? Nous avons tous des moments de
force et de faiblesse. Vole donc, petit oiseau, et lave et
purifie ton cœur ! ». |
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6 / Hayrat, La vallée de l’émerveillement et
de la stupéfaction. |
« C’est un lieu d’obsédante douleur et d’effarement constant.
On n’ose pas regarder. On n’ose pas respirer. Des douleurs
vous transpercent comme des épées ».
Et lorsque les oiseaux arrivèrent à cette sixième vallée, elle
disparut, es laissant confus, désemparés et inquiets. Ils
attendaient et réfléchissaient : « Nous avons volé trop loin,
nous ne pourrons pas revenir en arrière ! ».
« Allons, oiseaux ! Revenir en arrière n’a pas de sens. Nous
volons en cercle comme le phénix. Il vit plus de mille ans
devenant chaque jour plus sage, et quand vient l’heure de son
départ, il se couvre de feuilles, déploie ses ailes et
s’enflamme. Alors, un nouveau phénix naît de ses cendres.
Amis, allons de l’avant ! ». |
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7 / Faqr et Fana, La vallée de la mort, de
la pauvreté et de l’anéantissement. |
« En ce lieu, on ne voit rien et on ne sent rien, car il n’y a
rien ici. Le cœur demeure immobile et silencieux, celant
en son sein d’insondables mystères ». |
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Beaucoup d’oiseaux abandonnent ou périssent pendant le vol.
Aux quatre coins du monde, des millier d’oiseaux avaient entrepris
l’aventure, mais ne purent aller jusqu’au bout du chemin. Certains
désespéraient ou se décourageaient. D’autres s’effrayaient, et
d’autres encore, malgré leur courage, succombèrent, s’affolèrent,
ou moururent de faim ou de soif, de la chaleur du soleil ou de la
froideur de la nuit, ou simplement se perdirent dans l’immensité
des océans. De féroces prédateurs les avaient dévorés en route,
affolés et terrorisés par les dangers du voyage. Seulement
un sur mille arrive au terme, (Sur trente mille, trente seulement
ont survécu,). Les survivants atteignent enfin la sortie de la
septième vallée. « Sommes-nous vivants ou morts ? Où donc
trouverons- nous le roi ? Nous avons traversé toutes ces vallées
et fait tout ce chemin pour lui ! Nous voulons le voir à
présent ! ». « Des
vallées ! N’étaient-elles qu’un rêve, une illusion ? Chers amis,
en vérité, nous n’avons rien traversé ! Mais ne sommes ici qu’au
commencement du véritable voyage ! ».
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Et
voici qu’apparaît enfin la Montagne de Kaf. Ne restent que les trente compagnons qui s’efforcent encore
et toujours de voler en criant : « Montagne de Kaf ! Nous
cherchons Simorgh, notre Roi ! ».
« Rentrez chez vous ! Oiseaux, car vous n’êtes que cendre et
poussière ! ». « Pitié ! ». « Pardonnez- moi ! J’ai fait erreur !
Êtes-vous encore là ? Venez ! ».
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Et la Montagne de Kaf s’ouvre, comme un rideau, pour que puissent
entrer les trente survivants. Unis dans leur quête, ils voulaient
rejoindre le Roi Simorgh.
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Mais les oiseaux sont seuls dans la salle
royale.
Ils découvrent alors qu’ils sont eux-mêmes le Roi.
En vérité, et tout à la fois,
Chacun d’eux pris en
particulier est le Roi Simorgh
Mais ils le sont aussi tous ensemble.
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