Arts et Sciences, Hommes et Dieux
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( Mise à jour de juillet 2017 )
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  Petit Manuel d’Humanité

CAHIER 13 - Les Derviches tourneurs soufis. 

MANUSCRIT
ORIGINAL


 
N° 00035434
Tous droits
réservés

 

Table des Matières interactive.

Le plan de la salle.
Les symboles dans la salle.
Les préludes à la cérémonie.
Le tour du Sultan Valad.
La danse symbolique des derviches.
La danse finale du Maître.
Vidéos - SEMA et ZIKIR.

Trois citations de Djalal al-Din Rûmi.
Barre de navigation.
Les flèches vous ramènent ici, et le soleil au haut de la page,

La danse sacrée des Derviches tourneurs Soufis.

Celui qui le cherche guidé par la raison,
  Il le laisse vaguer et se distraire dans la détresse,

Blanchir ses cheveux en déguisant ses secrets,
E
t se dire en son inquiétude : est-ce Lui ?

Extraits du Dîwân (recueil poétique) de Hussein ibn Mansour Al Hallâj

La danse sacrée des derviches tourneurs ou SEMA
(d'après Oguz UNAT dans EPIGNOSIS N° 20 - Juillet 1989)
 
Voyez aussi les vidéos qui  montrent en détail toute la cérémonie soufi (ou SEMA)
 

Le tapis rouge
(l’Esprit divin)

 

L’arc
de
descente

 

L’arc
de
remontée

 

L’âme
humaine

 

La salle

Voici comment se présente

géométriquement la piste de danse,

équivalent symbolique de la création.

Le Maître sur le tapis rouge

Les symboles dans la salle.

Le tapis rouge symbolise le Cœur, et désigne un espace sacré tout comme le tapis de prière des musulmans, orienté vers La Mecque, le centre du monde musulman. C’est l’endroit où l’homme, par la prière, entre en contact avec le divin, où le ciel et la terre, l’homme et Dieu " communiquent " entre eux. C’est l’image " matérialisée du véritable centre qu’est le Cœur. Il faut remarquer que le tapis rouge se trouve à l’intersection des deux arcs descendant, (l'involution), et ascendant, (l'évolution), de la danse en rond qui va commencer.

L’arc de descente symbolise la descente des âmes dans le monde terrestre. C’est la courbe de l'involution. L'arc de remontée, c’est la remontée des âmes vers Dieu, la courbe de l’évolution, la réintégration de la matière dans l’Esprit. Cette voie indique la Rédemption, dont la condition est l’amour, la soumission (ISLAM), le sacrifice. Il faut que la vie se mette au service de l’Esprit. Tandis que l’arc descendant signifie la chute, la révolte, qui fut la cause de la sortie du paradis.

Les préludes à la cérémonie.

Les derviches entrent dans la salle habillés d’un ample manteau noir qui représente la mort, la tombe, la lourdeur terrestre et l’enveloppe charnelle. Ils sont coiffés d’une haute toque de feutre, qui est à l’image de la pierre tombale. Leur habit blanc, symbole du linceul et de la résurrection, dépasse légèrement le bas de leur manteau. Cette discrète présence de la couleur blanche symbolise également la vie, la renaissance attendue.

Le maître, le shaykh, entre le dernier derrière les derviches. Son ordre d’entrée signifie que la quête de l’UN est toujours précédée par une recherche dans le multiple. Donc respectivement, le maître incarne l'unité, et les danseurs la multiplicité. Mais en tant que maître, le shaykh est aussi le premier, dont dépend la multitude. Ayant réalisé l’UN, il contient en lui toutes les vertus en perfection, dont la plus importante et la plus difficile à réaliser est l’humilité. Son entrée derrière les danseurs indique qu’il a vaincu son ego et pacifié son âme. Il suit donc humblement les derviches qui sont ses disciples, donnant ainsi l’exemple de l’humilité. Le haut bonnet du maître est enroulé d’une écharpe noire (turban) indiquant sa dignité. L’enroulement du turban renvoie à l’image du cercle symbole de la totalité, de la perfection. Cela signifie que le shaykh a déjà parcouru la voie initiatique, l’arc de la remontée et a réintégré sa nature primordiale, exempte de toute imperfection. Ainsi, il a bouclé le cycle d'involution et d’évolution.

Le maître, après avoir salué les derviches, s’assied devant le tapis rouge en peau de mouton, dont la couleur évoque le soleil couchant, qui incendiait le ciel de Konya le soir du jour où mourut Mawlânâ, le 17 décembre 1273. Le maître se trouve donc au point d’intersection du temporel et de l’intemporel, lieu où les oppositions sont dépassées, lieu où l’Unité est réalisée.

Notes

- C’est aussi l’endroit médian, le monde de l’entre-deux, l’isthme. Le maître est ainsi identifié à l’arbre du monde, reliant les mondes terrestre et céleste. Quant à la couleur rouge, image sensible du Cœur, elle indique la finalité de l’œuvre, de la quête spirituelle. Parallèlement à l'image du soleil couchant, le rouge indique l’œuvre parvenue à sa maturité.

- En termes alchimiques, on dira "l’œuvre au rouge" dont les deux étapes précédentes sont indiquées par le manteau noir, "l’œuvre au noir", et par l’habit blanc caché sous la cape, "l’œuvre au blanc". La couleur rouge renvoie aussi à la rose, autre symbole alchimique, de laquelle un maître éminent dit : "Que celui qui désire contempler la gloire divine, regarde une rose rouge." Fulcanelli nous parle aussi des roses ornant le transept et le grand porche des cathédrales : "L’une n’est jamais éclairée par le soleil c’est la rose septentrionale... La seconde flamboie au soleil de midi c’est la rose méridionale... La dernière s’illumine aux rayons colorés du couchant ; c’est la grande rose, celle du portail, qui surpasse en surface et en éclat ses sœurs latérales. Ainsi se développent, au fronton des cathédrales gothiques, les couleurs de l’œuvre, selon un processus circulaire, allant des ténèbres, figurées par l’absence de lumière et la couleur noire, à la perfection de la lumière rubiconde, en passant par la couleur blanche, considérée comme étant moyenne entre le noir et le rouge".

- On peut étendre l’analogie pour constater que l’œuvre au noir, début du travail alchimique, correspond à la voie exotérique destinée aux gens du commun et qui contient toute la vérité. L’œuvre au blanc sera le SEMÂ proprement dit où l‘on verra les derviches danser en habits blancs. Elle symbolisera la voie ésotérique menant à l’union. Enfin l’œuvre au rouge symbolisera la Vérité, l’union qui sera atteinte au terme du voyage initiatique de la danse alchimique. Mais la danse n’est pas encore commencée, le travail alchimique qu’est le SEMÂ n’est pas encore entrepris. Ce qui est donné, c'est le début et la fin, l’alpha et l’oméga, ou aussi l’extérieur et l’intérieur, comme le déclare un verset coranique "Il est le Premier et le Dernier, l’Apparent et le Caché". Tout le SEMÂ sera justement la recherche de ce paradoxe seul compréhensible et réalisable dans l’Union. Pour y arriver il faut entreprendre un voyage initiatique. La voie initiatique, la quête alchimique, seront ce moyen d’accès, cette lutte.

A ce moment, un chanteur chante les louanges du Prophète, dont Rûmî a écrit les paroles :

" C’est toi le bien-aimé de Dieu, l’envoyé du Créateur unique..."

Ce chant est une mélopée imprégnée d’une profonde solennité. Son chant terminé, le chanteur se rassoit. Un joueur de flûte improvise un prélude. Puis le shaykh lève les mains de dessus ses genoux et frappe la terre. Ce geste signale que le SEMA va commencer. Mais son sens symbolique est très profond. Ce geste fait penser à un acte magique, créateur. Par là il évoque l’acte créateur démiurgique "Kun = Sois". Ce symbolisme est indissociable de la notion fondamentale de "Mithaq", le pacte primordial, qui renvoie à la préexistence des âmes.

Note

- Le SEMÂ sera donc considéré comme un éveil des âmes, pour se ressouvenir de ce jour où Dieu questionna l’humanité encore incréée et contenue dans les reins d’Adam "Ne suis-je pas votre Seigneur ?", et les âmes répondirent : "Oui, nous l’attestons." Le grand maître Junayd, qui voyait dans l’oratorio spirituel la préfigure du retour des âmes à leur état "de pensée de Dieu", dit qu’à cette question une douceur s’insinua dans les âmes. Le SEMA sera le moyen par lequel les âmes rechercheront cette douceur primordiale, ce germe d’amour divin déposé dans les cœurs.

Le tour du Sultan Valad.

Le shaykh se lève ensuite ainsi que les derviches. Alors commence le tour appelé le "tour du sultan Valad", le fils de Rûmî.

Notes

- Quelle fut l’origine du SEMÂ ? Les réponses à cette question ne font pas l’unanimité. On pense tout naturellement au grand maître soufi Nadjm-ad-KubrA, maître du père de Mawlânâ, Bahâ ud-Din Walad, et du célèbre soufi Attâr. Mais avant Kubrâ un autre maître, très ancien, lui, Dhu-l’Nûn l’Égyptien, aurait été le premier instaurateur du SEMÂ en 859h. Junayd de Bagdad est lui aussi considéré comme un des plus grands théoriciens et pratiquants de la danse spirituelle.

- Quoi qu’il en soit, jusqu’à sa rencontre avec Shamsî Tâbrizî (c’est-à-dire " le soleil de Tabriz "), Rûmi ne semble pas avoir pratiqué le SEMA. Ses deux biographes les plus anciens Sipehsâlâr et Aflâki sont formels là-dessus - Ils écrivent tous deux explicitement : "C’est Shamsi Tabrizî qui enseigna à Rûmî la danse rituelle ou qui l’y incita". C’est finalement le fils de Rûmî, sultan Walad, qui fera du SEMA une pratique régulière, devenant ainsi la marque distinctive de l’ordre.

Les derviches avancent lentement et font trois fois le tour de la piste. Chacun à un endroit donné se retourne vers celui qui le suit et tous deux s’inclinent profondément, puis reprennent leur tour. Cette circumambulation est l’image des âmes errantes, s’agitant, cherchant à la périphérie de l’existence. Le premier tour symbolise l’exotérisme, le deuxième l’ésotérisme, le troisième la Vérité. Mais la périphérie de l’existence contient déjà cette dernière dans la révélation de la Loi. Leur salutation mutuelle est le symbole de la solidarité spirituelle, où les âmes se reconnaissent mutuellement comme étant d’une même origine. C’est aussi la réciprocité des consciences, chacun des derviches servant de miroir à l’autre.

Note

- On peut y voir également l’interdépendance de toutes choses dans l’existence, leur accord et leur harmonie. Le SEMÂ sera donc l’exploration, la découverte et la réalisation pleine et effective de cette harmonie. La dualité exprimée par la présence des deux danseurs est virtuellement dépassée, unifiée par le geste commun à tous deux qui est la salutation. L’inclination est le symbole de la soumission, de la mort de l’ego. Cette salutation est le signe du partage intérieur. Mais tout ceci n’est que la préfiguration de l’accomplissement, lequel se fera dans le SEMA.

A la fin du 3ème tour, le maître s’assoit sur son tapis et les danseurs se mettent dans un coin. Pendant quelques instants les chanteurs chantent en chœur. Le chant terminé, les derviches, en un geste triomphal, laissent tomber leur manteau noir, montrant leur habit blanc. L’œuvre au blanc commence. La chute du manteau est l’illusion qui disparaît. Les ténèbres sont éclairées par la lumière qui va à présent guider le voyageur. Le manteau noir, qui tombe, préfigure la mort, laquelle sera vaincue à la fin de l’œuvre. La voie ésotérique c’est aussi le dépouillement. Quand le manteau noir, l’enveloppe charnelle, l’attachement terrestre est quitté, c’est une seconde naissance, c’est-à-dire la résurrection, l’image même du jour du jugement dernier. De même que l’homme ressuscitera ce jour-là pour s’exhausser à un niveau d’existence spirituelle plus élevé, de même qui désire parvenir à l’unité doit mourir et ressusciter dès ici-bas. C’est là le sens simple du "hadith" du Prophète : " Mourez avant de mourir ". Lorsque les danseurs apparaissent dans leur habit blanc, c’est le corps de lumière qui naît. En outre, ce geste hautement significatif indique que tout changement d’état est précédé d’une phase d’obscurité et d’enveloppement.

La danse symbolique des derviches.

Le shaykh était assis sur le tapis rouge, signifiant par là que l’Unité est toujours là, accomplie, mais en attente. Voyant les derviches animés du désir sincère d’accomplir le Grand Œuvre, il se lève et répond pour ainsi dire par une affirmation à la demande des derviches qui s’avancent vers lui, s’inclinent, et lui baisent la main, un par un. Ils demandent ce faisant la permission de danser. Mais en même temps, ils prennent l’attachement à la voie initiatique, la "baraka", qui est la transmission de l’influence spirituelle donnée par le maître qui, ensuite, baise la coiffe du derviche. Ainsi celui-ci bénéficiera de la force spirituelle qui le protégera des épines de la voie et qui favorisera l’éclosion de la rose, symbole suprême de l’Unité. En fait, la demande de permission de danser, et l’accord par le Maître de cette permission qu’est l’initiation, signifient tout simplement le renouvellement du pacte primordial, dont nous avons parlé.

Ensuite les derviches, les bras croisés, les mains sur les épaules, se mettent à tourner lentement, puis étendent les bras, la main droite tournée vers le ciel et la main gauche tournée vers la terre. Ces deux positions des bras, d’abord pliés, ensuite étendus correspondent respectivement à deux états (ahval) initiatiques sur la voie. La position des bras croisés les mains posées sur les épaules est l’état de contraction (qabd). L’ouverture de la danse est un état de resserrement, car l’impureté fait encore obstacle à la croissance.

Notes

- " C’est parce que les canaux menant au cœur et en provenance de lui sont obstrués ".

- On peut très bien considérer le danseur comme un arbre, dont les branches sont coupées, émondées en vue d’un meilleur accroissement, qui dépassera de beaucoup l’état d’avant, où le derviche se sacrifie pour l’amour. " Celui qui fera un beau prêt à Dieu, il le doublera en sa faveur, et il y a pour lui une récompense généreuse ", dit le Coran. L’état de contraction, de sacrifice, est donc nécessaire, si l’on veut avancer en direction de la lumière.

- Le deuxième état est l’état d’expansion spirituelle (bast). C’est cet état qui est le signe de la maturité spirituelle, par opposition à l’état de contraction dont le jeûne et la retraite spirituelle sont deux aspects. L’expansion spirituelle symbolisera l’ouverture au monde.

- Au début de la cérémonie, l’invocation de bénédictions sur le Prophète et la "baraka" donnée par le shaykh constituent aussi des moyens d’expansion, qui protégeront les voyageurs des rechutes, des oublis, et des autres aléas de la quête, car le retour au monde suppose toujours ce risque d’oubli au contact du multiple et de l’éphémère.

Ainsi les bras ouverts, la main droite tournée vers le ciel et la main gauche vers la terre le derviche symbolisera l’Axe de l’Univers, qui n’est autre que l’Arbre de Vie. La main droite recueillera la grâce du ciel et la répandra sur la terre par la main gauche tournée vers celle-ci. L’expansion des bras symbolise la pureté atteinte, Il n’y a plus d’impureté qui empêche la juste circulation des énergies dans les deux sens. A travers l’organe central qu’est le cœur, le chaos du début se transformera en une énergie cohérente, aptitude à recevoir et à donner, qui est l’Amour. Tout en tournant autour d’eux-mêmes, ils tournent autour de la salle. Ce double tour figure la loi de l’univers à l’échelle macrocosmique et microcosmique. C’est l’homme qui tourne autour de son centre, qui est son Cœur, et ce sont les astres qui gravitent autour du soleil. Ce double symbolisme cosmique recèle le véritable sens du SEMÂ : c’est la création entière qui tourne autour d’un centre unique et invisible.

Les deux premières danses sont effectuées en commun, la troisième se fait individuellement, car ici le temps est dépassé. Le nombre 3 exprime que la dualité, la chute dans le temps sont vaincues. Donc ce nombre 3 signifiera la " restitution de l’état primordial ", l’état où l’homme recouvre le sens de l’éternité. C’est le troisième œil de la tradition hindoue, et par là il obtient l’immortalité virtuelle, car jusque-là il est encore dans l’état humain.

La danse finale du Maître.

La quatrième danse faite par le maître tout seul est la dernière phase du SEMÂ, dont le sens se rapporte à " la conquête effective des états supérieurs de l’être".  

Notes

- L’origine du SEMA remonte à la lecture psalmodiée du Coran basée sur le souffle et une voix rythmée dont on sait qu’elle est un art à part entière car tout le monde ne peut faire cette lecture très particulière du Livre Sacré. Aussi existe-t-il des spécialistes appelés "hâIiz", dont la voix mélodique fait ressortir dans toute sa subtilité l’inimitable beauté poétique de la parole sacrée. Comme dans toutes les traditions authentiques, la liturgie fait partie intégrante de la Révélation, au même titre que les prières, et la musicalité est inséparable du texte sacre. D’après une tradition, le prophète MUIZIAMMAD lui-même aurait encouragé cette pratique liturgique en disant "Ornez le Coran par votre voix".

- L’intérêt porté à la musique et à la danse dans l’Islam est très ancien : le SEMA, qui signifie "ciel", était étudié conjointement à la physique, laquelle était une branche du savoir toujours en rapport avec l’astronomie et l’astrologie. Rien de surprenant donc que le mot SEMA en vienne à désigner la ronde des astres. " Ô jour lève-toi. Les atomes dansent. les âmes éperdues d’extase dansent. La voûte céleste, à cause de cet Être, danse ", s’écrie Rûmî. Le SEMA exprime ainsi le tournoiement, le devenir incessant des atomes, des astres et des âmes.

Le shaykh danse en tournant sur la ligne droite au centre du cercle. Jusque-là il était resté immobile, veillant scrupuleusement sur les derviches. Cette non-participation à la danse se rapporte à la transcendance divine, et son entrée dans la danse symbolisera l’immanence divine. Avec cette danse du shaykh, l’unité viendra couronner l’effort de l’homme. La ligne droite est la voie la plus courte, qui mène à l’Union. Mais les derviches n’ont pas le droit d’y marcher, seul le maître peut se le permettre. Cette ligne symbolise également les deux mondes exotérique et ésotérique qui, tout en se touchant, sont séparés par elle. Seul le maître, en qui l’Unité est réalisée, ou le Grand Œuvre, peut marcher sur elle. Ce qui signifie qu’il a atteint à la parfaite maîtrise des deux mondes il se place au centre du cercle, il donne l’image réalisée d’un des noms d’ALLAH : "Maître des mondes", dans la sourate d’Al-Fâtihâ.

Note

- Lorsque le shaykh commence sa danse, le "nay", la flûte, improvise une deuxième fois : c’est le moment où s’accomplit le "tawhîd", l’Union Suprême. Nous avons vu que le shaykh effectuait la danse, alors que les trois premières étaient exécutées par les derviches. Nous retrouvons ici le symbole de la tri-unité. Si " le nombre 3 exprime l’Unité en langage de pluralité ", le nombre 4 symbolisera l’accomplissement et la consécration totale de cette unité. Le chiffre 4 en tant qu’il exprime la stabilité symbolise le cube et renvoie à la Kaaba, le centre vers lequel les musulmans se tournent pour faire la prière, et qui est l’image terrestre du centre suprême. La quaternité exprime certes la stabilité, mais, dynamiquement, " la quaternité rayonne, et c’est Mâyâ dans Sa fonction de communiquer Atmâ et de déployer ses potentialités ; dans ce cas, elle établit le cosmos selon les principes de totalité et de stabilité. On voit que la croix, avec ses quatre directions (les quatre fleuves du paradis), est présente, son centre étant occupé par le maître. C’est le point d’où tout part et où tout revient, le premier et le dernier le commencement et la fin.

Après Sa danse, le maître revient à sa place et le SEMA " s’arrête " un chanteur psalmodie le Coran. La récitation coranique est une réponse de Dieu, signe que le Grand Œuvre est accompli ; la matière a atteint Sa perfection. Le retour du maître à sa place symbolisera la subsistance (al-baka), après l’extinction de l’ego (al-jânb) dans le Divin. Mais une fois l’Union totale, la Transmutation alchimique réalisées, l’homme atteint l’état de "soufi", et dès lors, ayant fait l’expérience suprême, le soufi sera "celui pour qui l’or et la boue ont la même valeur". La fin de la danse, le retour au monde dans l’état de "subsistance", correspondent à la réalisation "ascendante". Jusque-là la Création était une illusion ; l’homme véritable comprend après la "réalisation" que le monde, la création, participent du Divin. Lumière sur Lumière.

Nous sommes la flûte, dit MawlAnà, et notre musique vient de Toi.

Notes

- Les deux instruments principaux de la danse sacrée sont la flûte et le tambour. Les battements sourds de celui-ci durant le SEMÂ évoquent sans doute les trompettes du jour du jugement. Mais ils symbolisent également les grondements et les tremblements de la terre. Si le symbolisme des tambours semble lié à la terre, en revanche, par son axialité, la flûte sera symboliquement liée au ciel. D’ailleurs la plainte du roseau renvoie à la séparation de l’homme d’avec sa partie céleste. Les deux aspects complémentaires à la fois vertical et horizontal, céleste et terrestre, évoquent parfaitement la croix dans l’ordre musical, alors que le derviche la symboliserait pour ainsi dire dans l’ordre chorégraphique. La flûte et le tambour nous font penser également à l’aspect féminin et masculin de l’œuvre alchimique dont la réalisation en or alchimique donne l’androgyne. Le SEMA sera donc fa réalisation de cet état " androgyne ". Cet état de parfait accomplissement sera d’ailleurs symbolisé par la danse du shaykh.

- Signalons également un autre sens du nombre 4 dans la perspective de l’ésotérisme musulman. Dans le récit du "Mîraj", l’assomption céleste du Prophète MUHAMMAD, donné par Ibn Arabî, le quatrième ciel est occupé par le prophète Idris, identifié à Hénoch, ce qui marque sa position centrale dans la hiérarchie des sphères célestes, qui sont au nombre de 7. Cette sphère correspond à celle du soleil qui correspond lui-même au " lieu éminent ", jusqu’où Dieu éleva le Prophète en son corps, sans lui faire subir la mort physique. "Il était véridique et prophète. Nous l’avons élevé à une place sublime" (Coran, XIX, 57-58). On se souviendra que le prophète Élie fut aussi élevé au ciel dans un char de feu. La danse du shaykh, l’expression de l‘Union réalisée de toutes les oppositions, évoque les deux notions fondamentales du "Haqq" (la Vérité) et du "Khalq" (la Manifestation). Il établit ainsi le lien entre l’Atmâ et la MAyA, dont le nombre 4, cosmique et hypostatique, est l’expression symbolique.

Ainsi se termine le SEMA ; il sera suivi de quelques autres salutations et d’une séance de "dhikr mawlawî (Hû — Lui)". Ensuite, le maître, en qui se réalise la communion de tous, se dirige lentement vers la sortie, suivi des derviches et de l’orchestre. L’image du cercle, symbole de la totalité et de la perfection, sera ainsi manifestée. Désormais, c’est la multitude qui dépend de l’Unité.

Compléments et Illustrations.

Nous avons choisi de vous présenter plusieurs vidéos  particulièrement remarquables :

La première, fort complète, présente la cérémonie soufie complète du SEMA par les derviches tourneurs, dans la tradition exposée ci-dessus

La seconde, avec textes en anglais, présente des détails de la cérémonie avec des  explications avant chaque scène exécutée par des derviches tourneurs à Istanbul   

La troisième, très spectaculaire également, présente une invocation à Dieu collective différente, appelée, "Zikir", pratiquée par les musulmans indonésiens

Cliquez sur les liens ci-dessous.
 
Vidéos


Cérémonie soufi complète


Derviches tourneurs à Istanbul

Zikir (islam indonésien)

Trois citations de Djalal al-Din Rûmi

1 -  Ta beauté, ô mon aimée, m'empêche de contempler la Beauté.


2 - Dès l'instant où tu vins dans ce monde de l'existence,
Une échelle fut placée devant toi pour te permettre de t'enfuir.
Car d'abord tu fus minéral, et puis tu devins plante;
Puis tu devins animal : comment l'ignorerais-tu?
Puis tu fus fait homme, doué de connaissance, de raison, et de foi.
Considère donc la perfection de ce corps tiré de la poussière.
Quand tu auras transcendé la condition de l'homme,
Sache que tu deviendras certainement un ange.
Alors tu en auras fini avec la Terre et ta demeure sera le ciel.
Dépasse même la condition angélique et pénètre dans cet océan,
Afin que ta goutte d'eau puisse devenir une mer.(.../...)
 

3 - Recherche continuellement le royaume de l'Amour
Car ce royaume te fera échapper à l'ange de la mort.
Car je suis l'atome et je suis le globe du Soleil,
A l'atome, je dis "demeure", et au Soleil "arrête-toi".
Je suis la lueur de l'aube et je suis l'haleine du soir,
Je suis le murmure du bocage et la masse ondoyante de la mer.
Je suis l'étincelle de la pierre et l'oeil d'or du métal...
Je suis tout à la fois le nuage et la pluie et j'ai arrosé la prairie.
Purifie-toi du moi afin de voir et distinguer ta propre et pure essence.
Et contemple dans ton seul coeur toutes les sciences des prophètes,
Sans nul livre ni professeur, et surtout sans maître.

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