Jacques Henri PREVOST

Le Ciel, la Vie, le Feu


CHAPITRE 6

LE PHARE RUINÉ D'ALEXANDRIE

MANUSCRIT ORIGINAL

Première édition - Octobre 2004

Chapitre 6
Le Phare ruiné d'Alexandrie

Mégalithes, Mystères d'Ėleusis, Déméter, Adonis,
Isis, Osiris, Sérapis, Attis et Cybèle,
Mithra, Sol Invictus, Plotin, Jamblique,
et le Protochristianisme.


Chapitre 6 - Le Phare ruiné d’Alexandrie.

Religions à Mystères et Proto Christianisme.

Points de repères dans ce chapitre

Les mégalithes sont plus anciens que les Pyramides.
L’Empire de Rome est alors à son apogée.
Les Mystère d’Eleusis.
Du sang d’Adonis naît une anémone.
Isis, Osiris, Sérapis, Anubis.
Attis et Cybèle.
Mithra.
Sol Invictus.
Le Christianisme originel.
L’ordre essénien forme une communauté monachique.
L’Empire entre les mains.
Plotin et le Néo-platonisme.
Jamblique, témoin de la tradition païenne.
Le Feu dans le Monde.
 


Le Phare ruiné d'Alexandrie

Garde bien dans ton intellect tout ce que tu veux savoir,
et moi je t’instruirai.

(Hermès Trismégiste - Poïmandres).

L’oeil par lequel je vois Dieu
est le même oeil par lequel Dieu me voit.
Mon oeil et l’oeil de Dieu sont un seul oeil,
une seule vision, une seule connaissance,
un seul amour.

(Maître Eckhart).

L’homme ne peut vivre que tant qu’il a un contact
avec la main chaude de Dieu.

(Alexandre Soljenitsyne).

 

Nous allons maintenant nous pencher sur les origines de notre propre civilisation occidentale. Ici comme ailleurs, l’approche historique est une démarche indispensable. Elle seule autorise la prise en compte des influences réciproques des diverses civilisations primitives. Celles-ci sont entrées très tôt en interaction. Dans nos régions occidentales, elles s’étaient déjà heurtées et adaptées les unes aux autres avant même que soient formulées les bases de notre civilisation et des religions et croyances qu’elle a ensuite produites ou portées. L’Histoire donne une conscience plus claire des origines des mythes ainsi que de leur évolution au cours du temps. Elle permet de reconnaître les situations relatives des différents peuples alors même que leurs relations ne sont pas évidentes. En Europe de l’Ouest, on peut ainsi établir que l’érection des mégalithes a très largement précédé la construction des Pyramides égyptiennes.

Les Mégalithes sont plus anciens que les Pyramides.

L’érection des mégalithes semble pouvoir être placée entre ~3500 et ~2500 avant le début de notre ère. La civilisation des mégalithes aurait donc très largement précédé la construction des Pyramides égyptiennes. En occident, elle aurait été contemporaine des plus anciennes civilisations connues, sumérienne, mésopotamienne, syrio-phénicienne, égéenne, crétoise et achéenne. Les dolmens tabulaires ont été tardivement utilisés comme des nécropoles, mais ils avaient une vocation originelle aujourd’hui oubliée. Leur zone de répartition est très large. Elle va de la Scandinavie à l’Espagne, en France, en Corse, en Afrique du Nord, à Malte, en Turquie, en Palestine, en Inde, et même en Corée. Beaucoup de mégalithes ont été détruits mais il en reste encore un grand nombre. On en dénombre quatre mille cinq cents en France, huit cents dans l’île de Man, neuf cents en Allemagne, cinq mille en Algérie, trois cents en Corée. Les menhirs ou pierres levées posent les mêmes insolubles problèmes. Ils sont également parfois groupés en grand nombre. Les alignements de Carnac comptent trois séries de plusieurs milliers de menhirs rangés et hiérarchisés. Tous ces monuments ont été élevés par des populations nombreuses et très organisées. Les hommes qui édifiaient ces énormes monuments ne connaissaient pas l’écriture. Probablement Ibères, précurseurs des Celtes, ils ne nous ont laissé que quelques vagues gravures, peut-être symboliques, qui restent encore pour nous, jusqu’à ce jour, dépourvues de sens.

Venus du mystère, ils sont rentrés dans le mystère.

Heureusement, d’autres civilisations européennes nous sont mieux connues. Beaucoup plus tard, et plus prés de nous, la civilisation lusacienne puis les civilisations celtiques de Hallstatt et de la Tène ont laissé quelques vestiges. A partir du ~2ème millénaire, venant d’Allemagne, les peuples celtes occupèrent une grande partie de l’Europe, (La Grande Bretagne, la Gaule, l’Espagne, l’Italie du Nord, les Balkans, l’Asie Mineure). Ils entrèrent occasionnellement en conflit avec les Grecs ou les Hittites, (Prise de Delphes, Incendie de Troie).

Cependant, les dieux oubliés des Celtes et de leurs druides métaphysiciens ne nous sont guère connus que par les relations assez inexactes de César. Les Gaulois semblent avoir d’abord révéré la déesse mère Mélusine. Probablement devenus presque monothéistes, ils paraissent avoir ensuite adoré un grand dieu dont les traces subsisteraient dans le mythe de Gargantua. Comme les autres Celtes, Gallois ou Irlandais, les Gaulois étaient des guerriers féroces et redoutés. Ils pratiquaient des sacrifices de chevaux et de bétail, et des sacrifices humains occasionnels, parfois multiples, par noyade dans un tonneau, ou par crémation. Tous les Celtes croyaient à l’unicité et à l’éternité de l’être, à travers la multiplicité des formes de sa manifestation. Voici une réminiscence assez récente trouvée dans la tradition du Pays de Galles.

J’ai été sous de nombreuses formes,
Avant d’être libre. (...)
J’ai été errant dans les airs,(...)
J’ai observé les étoiles,(...)
J’ai été une lampe brillante,(...)
J’ai été route, j’ai été aigle,
J’ai été coracle sur la mer. (...)

( Kat Godeu Gallois ).

La mythologie celte est définitivement perdue car ses rares écrits sont indéchiffrables. Il ne nous reste que les traces de quelques légendes comme celle du roi Ambigatus (Conchobar ?) dont les neveux Segovesos (Cùchulainn ?) et Bellovesos (Conall Cernach?) auraient franchi les Alpes et fondé Milan. Il y a beaucoup d’autres récits merveilleux et féeriques dans les cycles insulaires d’Ulster et d’Ossian, comme la très mystérieuse légende du mariage de Branwen où apparaît déjà le lointain ancêtre du Graal, le fameux chaudron de résurrection des guerriers morts au combat, ainsi que l’histoire de la tête coupée de Bran, restée vivante et protectrice du royaume avant le roi Arthur.

César nous dit des Gaulois qu’ils étaient natio dedida religionibus, une nation adonnée à la religiosité. Ils usaient d’une écriture (hélas illisible). La classe sacerdotale des druides se préoccupait surtout de conceptions religieuses métaphysiques, éternité des dieux, immortalité de l’âme, existence d’un autre monde, états multiples de l’être. Les druides n’utilisaient pas de temples de pierres ni d’images durables. Les lieux et objets de culte étaient en bois. Il s’agissait souvent de simples clairières consacrées, dans les forêts. Derrière les apparences du folklore légendaire, la mystérieuse religion celtique était à la fois intellectuelle et sacerdotale.
 


Mais les mystères concernent aussi d’autres objets dans diverses régions du Monde. D’autres secrets antiques ne sont pas réellement éclaircis. Citons comme exemple le mystère des géoglyphes. Ce sont d’immenses figures formées d’amas de pierres (souvent retournées), qu’on trouve dans différents sites du Monde, tels les déserts d’Amérique centrale ou d’Amérique du Sud, mais aussi en Californie, dans l’Ohio, en Australie, dans le Sinaï, et même en Grande Bretagne. Les plus vieux géoglyphes du monde se trouvent en Australie, sur le site de Jinmium. Ils auraient 50 000 ans. Ceux du Néguev et du Sinaï dateraient de 30 000 ans. En Arizona, les dessins de pierre, ou intaglios, vieux de 9000 ans, auraient été établis par les tribus indiennes, en particulier les Patayams, et constitueraient des chemins initiatiques représentant les étapes de l’existence terrestre, en reliant le Monde des vivants et l’Au-delà.

En Amérique du Nord, on peut aussi citer le tertre du Grand Serpent, dans l’Ohio, mais cela semble être une construction plus récente, datant du 11ème siècle. Dans les Alpes françaises, la Vallée des Merveilles présente également de nombreuses gravures ou inscriptions mystérieuses réalisées à ciel ouvert, il y a 4/6000 ans. En Angleterre, on trouve le Cheval d’Uffington qui mesure 110m de long et semble dater de l’âge du bronze, (1500 ans avant JC.). Le Géant du Cerne Abbas, (célèbre par son aspect viril particulièrement avantageux), serait bien plus tardif, datant du 18ème siècle. Au Pérou, sur le site de Nazca, d’immenses réseaux de lignes ont été découverts à partir des survols aériens. Ils sont accompagnés de dessins gigantesques représentant des êtres divers, animaux pour la plupart. Leur signification serait liée au cycle des eaux et au Dieu des sources, (Kön). Ils seraient datés de ~500 à 500 après JC. Maria Reiche, préhistorienne allemande (décédée), a consacré sa vie à leur étude. Dans le désert d’Atacama, dans le nord du Chili, les géoglyphes consistent en structures de pierres amassées. Les entassements représentent des animaux, camélidés par exemple, ou des personnages gigantesques. Le géant d’Alcatama a plus de cent mètres de long. Les dessins auraient été réalisés lentement par les caravaniers, à partir du 4ème siècle.

Lorsqu’ils ont une signification religieuse, la construction de ces immenses figures pourrait être une démarche d’interpellation de la divinité, en relation avec la dimension qu’on lui donne et avec le ciel où on la situe. Il faut que le message envoyé par les petits hommes soit enfin vu et compris par le dieu invoqué qui parait ne pas les percevoir. Il doit donc être à sa taille. Nous faisons parfois la même chose, en chantant tous ensemble, pour que notre voix plus forte arrive enfin aux lointaines oreilles de notre propre Dieu, lequel parait souvent bien trop sourd.

De profondis clamavi at te, Domine.
Domine exaudi vocem meam.

Revenons-en donc aux cieux méditerranéens. Ainsi donc, il y a trois mille huit cents ans, les Hyksos apportèrent en Egypte la référence à Seth. Celui-ci fut parfois identifié au 3ème fils d’Adam et Eve, concept qui fut ultérieurement repris dans la religion des Séthiens. Le mythe fondateur aurait donc déjà existé en Asie antérieure, à cette époque. Au début de l’âge de fer, deux mille ans avant notre ère, au Moyen Empire, sous les 11ème et 12ème dynasties, les Egyptiens avaient colonisé la Nubie et étendu leur influence sur la Phénicie et la Palestine. Ils avaient engagé des relations commerciales avec tous les riverains de la Mer Rouge. L’Egypte était alors en contact avec les peuples extérieurs et profitait de leurs apports matériels et culturels. A ce moment, les souverains favorisèrent le culte d’Amon (Dogme Thébain), et les prêtres s’y opposèrent en renforçant le culte Osirien. Le mythe d’Osiris se présentait alors sous une forme simplifiée, différant un peu de ce que vous avez lu dans le précédent chapitre.

Le dieu suprême, Ptah avait créé la Terre, (le sol mâle, Geb), le Ciel, (la voûte céleste, Nout), séparés par l’Air, Chou. De la même façon, dans le Brahmanisme indien, Brahma sépara l’oeuf primordial en deux parties, Svarga, le Ciel, mâle, et Prithivï, la Terre, et il plaça entre eux l’Air, Antariksha. En Egypte, Nout s’unit ensuite à Geb et donna naissance à deux jumelles, Nek-Bêt et Isêt, (Nephthys et Isis pour les Grecs). Puis Nout s’unit à son père suprême, Ptah, et conçut Oussir, (Osiris), fondateur de l’Egypte. Ensuite Osiris épousa Isis et engendra Hor, (Horus), qui deviendra Harpocrate à l’époque Ptolémaïque.

Trois cent ans plus tard, l’Egypte fut conquise par des tribus asiatiques sémites, les Hyksos, qui avaient des chevaux et des chars de guerre inconnus des Egyptiens. Ils s’installèrent dans le pays, pendant deux siècles, en y amenant leurs propres cultes et leurs croyances dérivées des religions d’Asie antérieure. C’est à ce moment et sous cette influence étrangère imposée, que le mythe osirien fut modifié et qu’Osiris devint le fils de Geb, (le sol), et de Nout, (la voûte céleste). Les Hyksos vénéraient tout particulièrement Seth, l’un des nombreux Ba’al sémites. Ils en firent un dieu égyptien nouveau, autre fils de Geb et de Nout, ce qui le mettait sur un pied d’égalité avec Osiris. Seth fut intégré au panthéon égyptien sous le nom d’Oussit. Les deux couples jumeaux, Osiris (Oussir), et Isis, Seth (Oussit), et Nephti, furent alors placés sur un même plan. Au début du Nouvel Empire, vers ~1580 avant JC, le roi thébain Ahmosis fonda la 28ème dynastie, expulsant les Hyksos qui se réfugièrent en Palestine, mais Seth resta en place.

Le dieu nouveau devint le dieu du mal.

Les Egyptiens réglèrent leurs vieux comptes avec Seth et en firent un dieu maléfique personnifiant le mal. Les nouvelles bases du mythe osirien étaient posées, qui mettaient en opposition le Bien et le Mal, conception dérivée des concepts apportés d’Asie antérieure par les envahisseurs Hyksos. Ultérieurement, les rois égyptiens devinrent suzerains de la Nubie, et soumirent à tribut tous les états d’Asie antérieure, la Syrie, les royaumes hittites, jusqu’à l’Euphrate. Plus tard les Hittites reprirent la seule Syrie. Ramsès II rétablit la paix. Entre ~1370/~1350, apparut ce que l’on a appelé la révolution amarnienne.

Akhenaton et Néfertiti instaurèrent difficilement le culte monothéiste provisoire d’Aton et fondèrent la capitale d’Akhet-Aton. Toutankhamon, successeur d’Akhenaton, rétablit, après sa mort, le culte traditionnel d’Amon. Freud nous dit qu’à cette période les Hébreux ont quitté l’Egypte sous la conduite de Moïse. Celui-ci avait ses entrées au palais, et il était donc un prince ou un général égyptien, (comme le dit très clairement Flavius Josèphe). Au déclin du culte d’Aton, l’anarchie s’installa dans le pays. Accompagné des fidèles monothéistes irréductibles, (les futurs Lévites), Moïse séduisit quelques nomades sémites installés en Egypte, et les emmena à la conquête de Canaan. La Palestine était alors une colonie égyptienne. Moïse ne partait donc pas à l’aventure à travers un désert inconnu. Beaucoup plus tard, les Judéens, libérés par Darius, ramenèrent en Egypte leur foi en un Dieu unique. Ils y revinrent en très grand nombre après la conquête par Alexandre le Grand, à tel point qu’Alexandrie en vint à compter plus de Juifs que Jérusalem.
 


La mise en perspective temporelle permet de pointer le danger de la mise en relation indue d’événements trop séparés dans le temps. La construction des Pyramides a provoqué l’invention du premier culte d’Osiris par les prêtres d’Héliopolis pendant la période Memphite de l’Ancien Empire, vers ~2700. L’expulsion des Hyksos par Ahmosis vers ~1580 a entraîné la reformulation du mythe originel avec l’introduction du Seth jumeau, du démembrement et de la résurrection d’Osiris. Mille deux cents ans séparent les deux événements. La grande durée de l’intervalle temporel ne peut pas être escamotée. Cela équivaudrait à juxtaposer Clovis et Napoléon, ou Hitler et Charlemagne.

On peut encore moins relier sans précaution les mystérieuses religions solaires de l’époque des Pyramides aux mythes tardifs des périodes ptolémaïque ou romaine, entre ~330 et +400, époque de l’apparition progressive des cultes à mystères, tels ceux d’Isis, d’Osiris, (ou Sérapis), de l’Orphisme, de l’Hermétisme, (Hermès Trismégiste), de la Gnose et du Christianisme primitif, lequel nous semble bien avoir été tout autre chose qu’un schisme du Judaïsme. Pour comprendre ce qui s’est passé au début de l’ère chrétienne, il faut se représenter clairement ce qu’était réellement le contexte dans lequel les événements se sont déroulés. L’approche qu’en ont les Occidentaux est très chargée de préjugés. Les premiers concernent l’environnement ethnique et physique. Nous imaginons un milieu composé de peuples pauvres et semi-nomades, vivant dans un environnement désertique, avec des organisations, des religions et des comportements assez primitifs. Tout cela est parfaitement erroné, car le contexte de cette époque est le Monde Romain.

L’Empire de Rome est alors à son apogée.

Il a même intégré le grand Empire d’Alexandre et réunit une part très importante de la population mondiale. Il s’étend de la Manche à la Mer Rouge et à l’Atlantique, incluant Grande Bretagne, Gaule et une partie de la Germanie, Ibérie, Italie, Grèce et Balkans, Afrique du Nord et Egypte, Perse, Turquie, et tous les petits états riverains de la Méditerranée, la Mare internum, (ou nostrum), la Mer Romaine privée. Malgré les innombrables difficultés liées à la dimension de l’empire et aux ambitions humaines, les empereurs romains ont su mettre en place les structures politiques, administratives, économiques, commerciales, juridiques, militaires, (et même religieuses), nécessaires pour faire fonctionner cet immense ensemble et assurer sa sécurité. Rien de comparable n’a été reproduit par la suite. Jamais dans l’Histoire, les échanges n’ont été plus faciles et plus sûrs, au sein de l’ensemble méditerranéen unifié, qu’au temps des Romains. Les cités et les campagnes reçoivent l’eau distribuée par des aqueducs. Des réseaux de voies de communication, terrestres et maritimes, permettent de voyager facilement dans tout l’Empire. De nombreux voyageurs les utilisent activement pour échanger les idées et les marchandises.


Rappelons ici que les événements que nous étudions maintenant ont débuté il y a trois mille huit cents ans, entre le ~16ème et le ~14ème siècle, et qu’ils se sont poursuivis pendant plus de mille ans. La Bible hébraïque a été rédigée plus tard, entre le ~11ème et le ~3ème siècle avant Jésus-Christ. En cette phase de l’étude, nous nous situons nettement après cette période. L’influence grecque et les idées platoniciennes ont profondément marqué la société romaine. Elles se sont progressivement étendues dans tout l’Empire. Rome et Alexandrie deviennent des foyers d’illumination et des creusets de transmutation. Regardons ce qui s’y concocte.

Les penseurs turbulents mais tolérants.

Depuis Alexandre, le phare culturel d’Alexandrie rayonne sur la Méditerranée. Dans les quelques siècles qui encadrent la naissance du Christianisme, de nombreux courants de pensée agitent le monde antique. Les différentes écoles envoient des missions un peu partout pour répandre leurs cultes et leurs idées, et cela concerne aussi la Palestine et le Judaïsme. Cette importante turbulence amène des confrontations qui opposent les vieux cultes traditionnels aux religions nouvelles, et aux idées des penseurs néo-platoniciens, hermétistes, gnostiques et chrétiens.

Les cultes extatiques des Mystères.

Il faut maintenant parler des étonnants Cultes à Mystères qui étaient alors pratiqués en Grèce et dans tout l’Empire Romain. Les plus connus sont les Mystères d’Eleusis, qui célébraient le culte des deux déesses, Déméter (Cérès à Rome), et Perséphone, mais d’autres cultes étaient rendus à Apollon, Dionysos, Cybèle et Attis, Mithra, Astarté, Pan, Adonis (et Atargatis, déesse syrienne dont le culte était proche du précédent). Il faut aussi citer des cultes égyptiens très célèbres tels ceux d’Isis, Sérapis, ou Anubis, et divers Ba’al, (sauveurs), connus sous les noms de Jupiter Héliopolitain, en Syrie, et de Jupiter Dolichénien. Avant d’en examiner quelques uns, je voudrais vivement attirer votre attention sur l’importance de ces cultes à Mystères. Ils introduisent dans les pratiques religieuses antiques les concepts d’immortalité de l’âme, de salut et de résurrection. Sous l’influence de l’hellénisme qui les tolère, et au contact des très nombreux immigrants qui s’installent dans l’empire, les Romains accentuent encore leur grande facilité d’assimilation. Ils adoptent les nouveautés doctrinales des croyances étrangères et transforment les cultes orientaux dont les pratiques inhabituelles viennent secouer la morne monotonie de leurs habitudes.

La plupart des nouvelles liturgies, (et ultérieurement le Christianisme), s’adressent à des dieux souffrants dont les cultes évoquent la passion. Les fidèles reproduisent sur eux-mêmes les tribulations du dieu. Ces pratiques entraînent des privations pénibles et des souffrances occasionnellement sanglantes. Elles provoquent aussi de frénétiques comportements de défoulement et des émotions violentes qui fascinent les citoyens romains blasés et fatigués par la décomposition politique et les traditions vieillissantes. Les initiés pratiquent même parfois des automutilations et des rites pénitentiels de flagellation. Des paroxysmes extatiques accompagnent la révélation progressive du dieu. Les liturgies, prenantes et colorées, s’appuient sur des initiations successives qui expliquent les significations cachées des Mystères. Elles sont accompagnées de baptêmes exaltants dont les rites de mort et de résurrection marquent la progression des initiés vers le salut dans un autre monde. Dans chaque niveau initiatique, des cérémonies marquent l’entrée dans une fraternité accueillante, et les rituels comportent souvent des repas en commun qui soudent la communauté.
 


Les Mystères d’Eleusis, port voisin d’Athènes, étaient consacrés au culte des deux déesses, Déméter, (l’antique Terre Mère préhellénique), et Perséphone ou Coré, la fille qu’elle conçut de Zeus, (ou de Poséidon ?). Déméter est identifiée à Cérès par les Romains. Déesse agraire, elle est associée au blé et à l’abondance et occupe une place importante dans la religion grecque. Dans la légende éleusinienne, Hadès, dieu des enfers, a secrètement enlevé la jeune Coré. Déméter brisée par le chagrin, abandonne sa fonction et parcourt toute la Terre pour retrouver sa fille. Déguisée en vieille femme, elle entre au service de Céléos, roi d’Eleusis, comme nourrice tandis que la Terre devient stérile. Devant le désastre menaçant, Zeus charge Hermès de libérer Coré. Pour garder chez lui la jeune femme, le rusé Hadès lui offre une grenade, (fruit associé au mariage), dont elle mange un seul grain. Ayant ainsi goûté à la nourriture des morts, elle doit rester aux enfers. Zeus intervient alors et décide que Coré-Perséphone restera chaque année trois mois chez les morts, l’hiver, et qu’elle reviendra sur la Terre des vivants tout le reste de l’année.

Fécondée par Zeus, Perséphone conçut ensuite un fils, Zagréus, également ressuscité, dont l’histoire éleusinienne est analogue à celle de Dionysos. Poursuivi par la jalousie de Héra, (ou Junon), épouse de Zeus-Jupiter, Zagréus revêtit plusieurs apparences. Transformé finalement en taureau, il fut dévoré par les Titans mais la déesse Pallas, (Athéna), réussit à préserver son cœur encore palpitant. Zeus foudroya les Titans et absorba le coeur de son fils qui, régénéré, devint Iacchos, assimilé à Bacchus, lui-même identifié à Dionysos. (Les Romains identifiaient Perséphone à leur Proserpine, déesse des Enfers).

Les Eleusinies sont les fêtes les plus connues du culte de la déesse. Elles auraient été institués à l’initiative de Triptolème, fils de Céréos, qui avait reçu de Déméter la mission de répandre le blé partout dans le Monde. Ils semblent provenir de cultes agraires primitifs assez fortement modifiés en syncrétisme avec des cultes dionysiaques et l’Orphisme. Ils étaient annuellement célébrés dans le Télestrérion d’Eleusis et faisaient participer le fidèle à la résurrection de l’enfant divin revenu de l’empire de la mort. Il nous faut donc présenter cet Orphisme, qui, en raison de la concordance des mythes orphites et éleusiniens, réussit à s’infiltrer dans la religion athénienne, influençant les rites des Mystères.

C’était une religion initiatique à tendance monothéiste marquée.

Elle reposait sur les philosophies pythagoricienne, platonicienne puis néo-platonicienne et rassemblait donc diverses doctrines professant l’immortalité de l’âme et la succession de cycles de réincarnations jusqu’à la purification définitive. L’Orphisme proposait aux fidèles des rites mystiques, des suites d’initiations, et des règles ascétiques de vie. Les adeptes étaient opposés à toute violence. Ils étaient végétariens et ne consommaient aucune chair. Dans le mythe orphite, la mère de Dionysos, Sémélé, était mortelle. Aimée de Zeus, elle mourut d’effroi au sixième mois de sa grossesse, à la vue de la gloire du dieu. Zeus-Jupiter porta alors l’enfant cousu dans sa cuisse jusqu’à sa naissance. A travers sa double naissance, mortelle par sa mère et divine par son père, Dionysos apportait l’énergie sacrée à la nature ordinaire. Chaque année, il entrait en cortège dans la cité grecque qui l’accueillait avec des fêtes bruyantes et colorées. Il se manifestait différemment dans les Mystères extatiques accessibles aux seuls initiés.

Les deux légendes concordent, mais ici Dionysos-Bacchus est originellement le fils de Zeus et de Perséphone. Egalement jalousé par Héra, il est tué et dévoré par les Titans primordiaux. Zeus les foudroie, sauvant le seul coeur dont il féconde Sémélé. Dionysos ressuscité est ainsi né deux fois, ce qui est aussi son nom. Les hommes naissent des cendres des Titans foudroyés. Leur nature est donc animale et matérielle, mais ils recèlent cependant en leur âme une parcelle du Dieu dévoré. Sachez aussi que, dans le système théogonique des adeptes d’Orphée, six générations divines se succèdent en bouclant sur elles-mêmes. Phanés, (la Lumière originelle), Fils de Zeus et de Métis, est le premier roi des Dieux, suivi de Nuit, d’Ouranos, de Kronos, et de Zeus, prononcé Deus par les Romains, et aussi par nous-mêmes. Celui-ci remet enfin son pouvoir au fils, deux fois né, Dionysos, lequel est aussi le retour eschatologique de Phanés, le Lumineux des origines.

A Eleusis, en Septembre, avant l’automne, des cérémonies extérieures traditionnelles préparaient la célébration des Mystères. Ces manifestations préliminaires ont été souvent décrites et nous sont relativement connues. Des reliques mystérieuses, (les hiéra sacrées), étaient transportées en procession jusqu’à Athènes et déposées dans un sanctuaire particulier, l’Eleusinion. Une excommunication solennelle était prononcée contre les infidèles et les impurs, puis les mystes, (les candidats jugés dignes), entraient dans la mer pour se purifier. Après quelques jours de retraite et de jeûne, la procession immense des fidèles et des mystes retournait à Eleusis, précédée de l’effigie de Iacchos, des hiéra, et des autorités. Les cérémonies secrètes commençaient alors, et nous devons ici avouer notre très grande ignorance.

Les rites des Mystères d’Eleusis sont restés mystérieux.

La divulgation des rites secrets était rigoureusement interdite. Les Mystères d’Eleusis étaient extrêmement populaires au-delà même des limites de la Grèce, au point que la salle d’initiation, le Télestrérion, atteignit finalement une surface de deux mille six cents mètres carrés. Malgré le nombre immense des fidèles, aucun auteur ancien n’a jamais commis le sacrilège de rompre cet interdit. Nous savons seulement qu’ils étaient destinés à séparer les initiés, appelés à jouir éternellement de la vraie vie au-delà de la mort, des non-initiés destinés au bourbier infernal. Après avoir rompu le jeûne et absorbé le Kykéôn, simple bouillie de blé commémorant le premier repas de Déméter à Eleusis, les mystes recevaient des initiés une révélation bouleversante.

Bienheureux qui a reçu cette vision,
avant de descendre sous la terre,
Il connaît ce qu’est la fin de la vie.
Il sait ce qu’est le principe donné par Zeus

(Pindare, Hymne, vers ~480).

Je voudrais ici attirer vivement l’attention du lecteur en le priant de remarquer que l’initiation éleusinienne assurait par elle-même le salut et la future survie personnelle du myste. Définitivement sauvé par les vertus magiques de cette entremise extérieure, il n’était tenu à aucun comportement éthique ou moral particulier. En cela, au moins autant que par les préoccupations relatives à la vie future et la tendance au monothéisme héritée de l’Orphisme, les Mystères d’Eleusiniens ont préparé le passage du paganisme aux cultes modernes, et tout particulièrement au Christianisme.
 

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Le Ciel, la Vie, le Feu

Voici la fin du chapitre


Nous avons vu que la tolérance était très large au sein de la Gentilité, et que les mentalités avaient beaucoup évolué. On constate bien, dans ces derniers exposés, à quel point les multiples divinités étaient considérées comme les manifestations diversifiées d’une grande divinité universelle. Les extraits choisis ci-dessus montrent aussi que la pensée néo-platonicienne égyptienne ou syrienne, quoique restées très conformiste vis-à-vis de la religion égyptienne antique, avait atteint un très haut degré de cérébralité et de mysticisme. Il en était d’ailleurs de même en ce qui concernait le Néo-Platonicisme romain et les autres doctrines en compétition à l’époque. Elles étaient devenues admirables sur le plan intellectuel, mais fort complexes, hors de portée pour le petit peuple commun.

La religion chrétienne, relativement simpliste, enseigne qu’un envoyé divin réalise le salut universel par la seule grâce divine (et par le moyen d’un rachat lié au sacrifice rituel du Fils de Dieu). L’obtention du salut est facile puisqu’il est collectif et extérieur au mérite personnel. Sur ces bases comparatives, et en y ajoutant l’effet de la mise en oeuvre de la puissance de l’appareil impérial, on comprend mieux qu’elle se soit rapidement et largement développée. D’autres facteurs politiques et économiques ont joué. Il y avait une grave crise du Pouvoir, et l’Empire était partagé. Les Romains avaient vaincu de nombreux peuples et les avaient soumis à de lourds tributs. Cela entraîna des désordres économiques considérables. D’énormes quantités de l’or oriental furent drainées vers Rome tandis que les Barbares voisins s’appauvrissaient. Les riches Romains se complaisaient dans le luxe extrême et toute l’activité de l’Empire dépendait des innombrables esclaves ou mercenaires indispensables à la vie et à la défense de la Cité. L’or des tributs achetait ces esclaves aux Barbares. Leur sort et celui des pauvres était misérable. Le Christianisme prônait l’égalité des hommes, tous enfants de Dieu. Il réclama et il obtint enfin que l’on cessa de séparer les époux et de disperser les familles des esclaves. Il devint alors la religion des pauvres et des opprimés. Cela lui donnait un poids politique considérable que les empereurs affaiblis et divisés durent prendre en compte. Les richesses de Rome attiraient les convoitises. Les Barbares se retournèrent contre l’Empire et le détruisirent. Au début de l’ère, Rome comptait un million d’habitants. Cinq cents ans plus tard, il en restait quarante mille. A la fin du Moyen-Âge, moins de vingt mille habitants erraient dans les ruines. La survie de la ville de Rome dépendait alors totalement du Christianisme.

La même situation s’est souvent produite dans l’Histoire.
Les exemples récents semblent ne nous avoir rien appris.
Notre économie occidentale draine toujours l’essentiel des richesses du Monde,
achetant partout le travail des nouveaux esclaves.
 

Et nous ne voyons pas que les nouveaux Barbares
sont déjà dans les murs de Rome.

 

Le Feu dans le Monde.

Riche de la sève du Monde,
je monte vers l’Esprit
qui me sourit,
au-delà de toute conquête,
drapé dans la splendeur concrète
de l’Univers.
Et je ne saurais dire,
perdu dans le mystère
de la Chair divine,
quelle est la plus radieuse
de ces deux béatitudes,
Avoir trouvé le Verbe
pour dominer la Matière,
ou posséder la Matière
pour atteindre et subir
la Lumière de Dieu.

(P.Teilhard de Chardin - Hymne de l’Univers)

 


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Technique d'impression - Couverture et information
Avant-propos - Introduction
Chapitre 1 - Poussières d'Ėtoiles
Chapitre 2 - De Boue, de Sang, de Peur, de Désir
Chapitre 3 - Les Eaux du Fleuve
Chapitre 4 - Les Rayons Ardents du Soleil
Chapitre 5 - Comme des Flambeaux dans la Nuit
Chapitre 6 - Le Phare ruiné d'Alexandrie
Chapitre 7 - Ombres et Lumières
Chapitre 8 - La Conscience et la Liberté
Tables et références - Table des matières
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