
Image ou reflet
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Le
Créateur, nous dit la Bible, fit l'Homme à son image
et à sa ressemblance |
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En fait, l'Homme semble être
un reflet à la fois mouvant et inversé
de son
propre concept de la divinité
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Les dieux de l'Antiquité résident
dans la nature et sont soumis à ses lois, tout
comme le sont les hommes. Ils personnifient des
forces et objets naturels comme la foudre ou l'océan,
le soleil et la lune, et ils éprouvent tous les
appétits, les pulsions et les passions du Monde,
l'amour ou la colère, la vengeance et la haine.
Le dieu des Hébreux est très différent. A
l'origine, dit la Bible, Dieu fit le Ciel et la
Terre. Et voici donc Dieu projeté hors du Monde
dont il est dorénavant le créateur et le maître
et dont il fixe seul le destin. "Nul ne
connaît le dernier jour, dit Jésus, pas même
le Fils. Seul le Père le connaît. Ce que
ce Père attend du Monde devient mystérieux.
Il est interdit aux Hébreux de représenter leur
dieu, mais il conserve encore bien des caractères
humains. Il est le seigneur souverain du "Peuple
Élu", attentif et exigeant, exclusif et
jaloux, coléreux et souvent cruel. Il est aussi,
nous dit la Bible, la source de tout bien et de
tout mal, et il fit l'Homme "à son image et
à sa ressemblance".
Ces concepts caractérisant le Dieu biblique ont
été intégrés dans notre culture judéo-chrétienne,
et ils sous-tendent notre pensée sans que nous
en ayons clairement conscience. |
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Dans l'ancien Iran, les
Parsu distinguent les "Déva" du jour et ceux de la
nuit. Pour Zoroastre, le créateur unique, Ahura
Mazda, engendre un esprit double qui se manifeste
sous deux formes jumelles, la Justesse et
l'Erreur.
Elles deviennent bientôt la Lumière "d'En Haut"
et les Ténèbres "d'En Bas". Ces Seigneurs du Bien
et du Mal sont engagées dans un conflit perpétuel
dans lequel l'Homme est impliqué car il est
appelé à choisir de reconstruire son unité
originelle.
Au 3ème siècle ces idées engendreront le
manichéisme, une religion dualiste qui dura
mille ans et qui marqua la pensée religieuse médiévale
de la Baltique à la Méditerranée, des Cathares
aux sages de la Chine ancienne.
Dès avant le début de notre ère, elles
influencent déjà tout le Monde antique y
compris les Juifs Esséniens. Précurseurs du
Christianisme, ils attendent la fin du Monde et
le combat eschatologique entre les Esprits de la
Lumière, l'Armée de Dieu, et les Esprits des Ténèbres,
les Fils de Bélial. Élus parmi les élus, les
Esséniens se veulent appelés à conduire la rénovation
du Monde et la fondation de la nouvelle Jérusalem.
Nous conservons aussi, bien évidemment, dans
notre inconscient, cette division métaphysique
radicale entre les forces du Bien et du Mal,
entre les Esprits de Lumière et ceux des Ténèbres.
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C'est partiellement sur ces bases
que se construit le Christianisme, mouvement issu
du Judaïsme. Il apporte plusieurs révolutions
de pensée. La plus importante est l'irruption du
Fils de Dieu dans le Monde créé. Le Dieu des
Juifs est créateur, fondamentalement extérieur
à la création tandis que le Christ, ému par
les souffrances humaines, s'incarne dans un corps
d'homme et vient partager leurs souffrances pour
racheter les fautes qui les en ont séparés.
Le sacrifice magnifié devient ainsi porteur de mérite,
et son partage conduit au salut des âmes, après
la mort, et donc à la vie éternelle dans le
royaume du Dieu souverain.
Pour les Juifs traditionalistes, cette révolution
religieuse est très insupportable. Le
Christianisme s'en sépare et entreprend la conquête
trop souvent intolérante et violente du monde.
Plus tard, l'Islam fait de même avec la volonté
de soumettre à Dieu l'humanité toute entière.
Les Hermétistes égyptiens et les Gnostiques
s'emploient à préserver les traditions antiques.
Dans l'Homme double coexistent un être naturel
mortel et un esprit originel immortel. Ces idées
dites hérétiques sont fort cruellement punies.
Associées aux convictions imposées, elles
restent dans notre inconscient et nous assistons
actuellement à leur renouveau.
Les conflits d'idéologies engendrent toujours de
mortels combats d'hommes, avec beaucoup de persécutions,
de souffrances, de meurtres et de sang versé. |
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D'autres
chercheurs ont une approche métaphysique de la réalité,
très différente des conceptions religieuses.
Quatre cents ans avant notre ère, Platon, le
grand philosophe grec, dit que notre monde
impermanent n'est que le reflet changeant du
monde fixe des idées essentielles ordonnées
autour du Juste, du Beau et du Bon.
Beaucoup de concepts actuels proviennent des
penseurs antiques. Citons le Logos, (principe du
devenir), l'Illimité, (caractère unique de la
matière), le "Corps Tombeau", (prison
de l'âme humaine), le Cosmos, (appellation de
l'univers), le Microcosme, (l'homme modèle du
Monde), l'Esprit ou Intellect, (organisateur de
la matière), les Atomes ou les Quatre Éléments,
(constituants les corps), le Hasard et la Nécessité,
l'Amour et la Haine, régisseurs de Nature, etc..
Actuellement, les scientifiques contemporains
transforment radicalement les conceptions
traditionnelles décrivant la naissance du Monde
et celle de l'Homme. Bien évidemment, ils ne
font qu'éloigner du présent les mystères des
origines mais ils donnent aujourd'hui au temps et
à l'espace des dimensions immenses qui
s'accroissent au fil des recherches. La structure
de la matière se complexifie également dans
l'infiniment grand et l'infiniment petit, et la
vraie nature de la vie garde l'essentiel de ses
secrets.
Il ne faut pas oublier l'action des artistes de
toutes époques et disciplines, qui diffusent à
travers leurs oeuvres les reflets de leur vision
personnelle d'un monde de rêve qu'ils tentent de
nous faire partager.
Antiques ou modernes, les matériaux apportés
par les philosophes, les artistes et les
scientifiques s'intègrent à notre mental et
structurent notre pensée. |
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Nous
avons ainsi en nous beaucoup d'habitudes
cristallisées et inconscientes. Elles se fondent
sur tous ces postulats disponibles dans notre réserve
mentale. Nos vieilles traditions occidentales de
croyances religieuses décrivant le Ciel, ou
celles de pensée métaphysique rationalisante démontant
le Monde, nous amènent à vouloir décrire la
genèse de toutes choses.
Aux Occidentaux, il faut le préalable d'une être
primordial, d'un acte de création et d'une
source de vie. Nous allons donc inventer un dieu
et lui donner les formes et les caractéristiques
qui répondent à ces besoins.
Chaque société humaine fait de même, en tous
lieux et toutes époques. C'est pourquoi les représentations
divines et les cultes rendus aux dieux diffèrent
beaucoup d'une civilisation à l'autre.
Les fondements du Monde ne changent pas l'Homme,
mais les pensées et les moeurs évoluent dans le
temps et l'espace en relation avec l'étendue et
la nature des connaissances ou des convictions.
Nos actuels concepts humains fondent les images
mentales nécessaires à la pensée et à l'échange,
y compris avec vous. Ce sont seulement des
instruments intellectuels ou des représentations
culturelles de la réalité. Ils n'éclairent pas
les profonds mystères des origines mais ils atténuent
l'inquiétude existentielle en proposant des réponses
provisoires, momentanément acceptables. |
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Car,
pour pouvoir supporter ces inconnues, nous
projetons sur le mystère essentiel extérieur
l'imaginaire culturel d'un dieu céleste auquel
nous donnons, naturellement et inévitablement,
formes et couleur humaines, et nous projetons sur
le mystère existentiel intérieur un reflet
mouvant, imparfait et brisé, de cette idole
intellectuelle.
Quand, détachés de ces liens, libérés des chaînes
enfin déposées des illusions de la pensée,
nous ressentons intimement la réalité véritable,
nous ne trouvons plus que l'unique présence,
forte et douce à la fois, si proche jusqu'à pénétrer
notre coeur éclaté dans une rencontre imprévue
bientôt brisée par la conscience de l'immensité
de notre ignorance.
Et cette connaissance retrouvée nous instruit de
la seule réalité possible, celle de la fusion
sacramentelle de l'Homme en Dieu et de Dieu en
l'Homme, et puis elle se perd et s'efface dans la
vastitude de notre vide conceptuel.
Alors, hélas, ne demeure que la beauté
trompeuse de l'image associée à son mouvant
reflet, ô combien magnifiée dans les milliards
de reflets des milliards de cerveaux de milliards
d'hommes. Alors le rituel méticuleux qui
habituellement la sert risque de subjuguer
l'intention initiale d'ouverture à l'Esprit.
Car la matière subtile de la pensée est à ce
point flexible et malléable que nous la modelons
mentalement à volonté et à plaisir, y compris
en la forme illusoire d'un faux dieu idéal qui
nous masque,en tous lieux, la nature véritable du Monde. |
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C'est une figuration symbolique de
cette illusion chatoyante que vous voyez ci-dessus.
Image embellie par un seul reflet, il faut
l'imaginer reflétée de cercle en cercle jusqu'à
l'infini comme l'est la pensée partagée. Avec
elle, je voudrais montrer comment nous bâtissons,
nous-mêmes dans notre propre mental, une représentation
religieuse souvent séduisante et toujours
trompeuse qui nous éloigne inconsciemment de la
spiritualité véritable. Qu'importe le culte, le
Temple c'est l'Homme et c'est en chacun de nous
que l'Esprit reconstruit progressivement sa
Conscience. Encore faut-il que nous le laissions
faire. |
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