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Arts et sciences, hommes et dieux


 

Une étrange coïncidence

Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio,
que n'en rêve votre philosophie.

There are more things in heaven and earth, Horatio,
Than are dreamt of in your philosophy.

William Shakespeare
 


 

 

 

 

Une étrange coïncidence

 

Je veux vous conter un petit évènement qui vient de me concerner. Il pourra vous paraître sans grande importance, mais il me trouble pourtant suffisamment pour que je me sente invité à en partager le récit. On peut y voir soit une coïncidence qui serait assez extraordinaire, soit un signe touchant aux aspects mystérieux de l'existence. Je vous transmets les données du problème et vous laisse juge du sens que vous voudrez lui donner. Pour moi, j'hésite beaucoup. Ma conclusion n'est pas établie.  

Il y a quelques mois, j'ai perdu un frère jumeau célibataire âgé de quatre-vingt ans. Avec un autre de mes frères, nous avons donc du assumer toutes les charges de sa succession et vider la maison familiale dans laquelle il avait toujours résidé. Nous avons ainsi retrouvé beaucoup d'objets et de bibelots provenant de nos parents et grands parents,  petites choses sans valeur qu'il conservait pieusement, enfouies dans des tiroirs ou des boites, comme en une réserve d'un musée des traditions familiales.

Parmi tout cela, nous avons trouvé deux petits tableautins sous verre, deux gouaches d'amateur un peu passées, peintes par notre père décédé en 1939, à la veille de la guerre. L'une représentait une mare avec quelques vaches, l'autre un petit pont sur une rivière. J'ai laissé mon frère choisir l'un de ces petits souvenirs émouvants. Il a pris les vaches et m'a laissé le pont, et j'ai rapporté le sous verre chez nous pour le remettre en état et l'accrocher quelque part en hommage à ce papa trop tôt disparu.

C'est ici que l'histoire se corse. A peine montrais-je ce tableau à ma femme qu'elle s'écriait "Mais c'est mon tableau !". Elle a peint en effet de nombreux tableaux en amateur durant ces dernières années, et l'un de ceux-ci reprend strictement le même thème, la même structure, les mêmes objets, la même composition, que la peinture de mon père. Or, sachez que ni ma femme ni moi même n'avions connaissance du premier tableau dessiné par un homme mort soixante-dix ans avant la création du second.

 

 

Voici les deux tableauxw

Le premier tableau est peint sur un fort papier bistré et grenu. La partie gouachée mesure 14 cm de large sur 20cm de haut. Le paysage est réalisé dans un format  vertical inhabituel. La ligne d'horizon est au milieu, un peu en dessous d'un pont plan avec une figure féminine à droite. En partie basse est une pièce d'eau d'où émergent quelques plantes. Quelques canards y pataugent. Il y a des grands arbres sur la droite. A gauche et au fond, on distingue des formes courbes imprécises. Le ciel est nuageux.

premier tableau réalisé à la gouache sur papier bistre vers 1936

Le second tableau est peint à l'huile sur toile. La partie peinte mesure 37 cm de large sur 45 cm de haut. Le paysage est également réalisé dans un format  vertical inhabituel. La ligne d'horizon est au milieu, un peu en dessous d'un pont courbe avec une figure féminine à droite. En partie basse est une pièce d'eau d'où émergent quelques plantes. Quelques canards y pataugent. Il y a des grands arbres sur la droite. Á gauche, on distingue une courbe assez imprécise. Il y a un fond champêtre. Le ciel est nuageux.

Second tableau peint à l'huile sur toile vers 1996

Malgré les efforts soutenus  du peintre, ce second tableau est resté flou et imprécis

Á titre d'exemple, voici un autre tableau réalisé par le même peintre dans son style habituel 

 

 

 

Commentaires

Cette similitude pose évidemment, pour nous, un vrai problème. Ou bien, il s'agit d'une coïncidence véritable, et dans ce cas, la multiplicité des éléments homologues et leur réunion en un même lieu nous confronte à une invraisemblable collusion de hasards que je vais détailler plus loin. Ou bien, le hasard ne joue ici aucun rôle et d'autres facteurs sont alors à considérer dans ces conjonctions accumulées, et il nous appartient d'en dégager l'origine et les éventuels destinataires, le sens et les implications.

Comprenons bien qu'aucun élément logique ne relie les œuvres ni leurs auteurs. Mon père est mort en 1939, et il a peint son tableau au début des années 30. Ma femme est née quelques années plus tard et ne l'a donc jamais connu. Le paysage représenté est totalement imaginaire comme le prouve l'erreur de perspective des reflets. Ma femme a peint son tableau, dans un style inhabituel, dans les années 90, bien avant cette mort de mon frère qui provoqua la juxtaposition fortuite des deux œuvres.  

Comment pouvez-vous réagir à ces analogies ? Vous pouvez tempérer ou nier les similitudes que je trouve dans les deux tableaux, que peut-être vous n'y voyez pas. Vous pouvez penser que je travestis la réalité d'une quelconque façon, et c'est là le problème général du témoignage. Vous pouvez adopter d'autres positions de refus si vous pensez que le hasard seul a piloté toutes ces ressemblances. Nous verrions ici l'œuvre d'une probabilité tellement aléatoire qu'elle serait plus mystérieuse encore que les faits.

Vous pouvez aussi accepter l'hypothèse que mon histoire est vraie, et analyser vous même, point par point, les correspondances entre les deux images qui sont évidemment des compositions imaginaires. Voyez la forme des arbres, sur la droite et sur la gauche du tableau. Constatez les analogies entre les éléments présents dans la rivière, y compris au milieu du pont. Les deux formes humaines se répondent et les canards aussi. Le pont courbe rappelle la colline du premier tableau. Seul le fond diffère.


Juxtaposition des deux tableaux
 

 

 

 

Ma réaction

 

Me concernant, ces ressemblances portent un sens, même si cette perception a pu être confortée par les circonstances douloureusement affectives où elles ont été découvertes, (ou révélées après 70 ans !). Je suis tenté d'y percevoir une intention immatérielle perturbant l'ordre matériel ordinaire des choses pour manifester une présence transcendant tout à la fois la matière et le temps, la vie et la mort. Je pourrais admettre d'y voir un signe adressé à moi même, mais je comprends mal que j'ai aussi envie de le partager ?

C'est peut-être parce qu'elle éveille en moi des réflexions encore plus personnelles. Il y a environ trente ans, j'ai pu connaître les travaux conjoints du psychologue G. Jung et du physicien Von Pauli, qui ont défini ensemble sous le vocable de "synchronicité", un type d'évènements mettant en œuvre des modes et des moyens de communication entre les êtres, vivants ou inertes, qui semblaient dépasser les possibilités connues de nos organes sensoriels, passant donc par d’autres canaux encore inconnus.

Ces moyens mystérieux de communication pourraient établir des liaisons, apparemment fortuites et acausales, mais synchrones, entre divers objets et divers points du cosmos, quelles que soient leurs natures. Pour illustrer ce concept de "synchronicité" acausale, les savants citaient plusieurs exemples. Ce sujet m'intéressant, j'ai alors recherché d'autres cas confirmant leurs propos. J'ai trouvé deux étonnantes aventures qui peuvent interroger sur la nature véritable du monde, de l'homme, du hasard et de la liberté.

 

 

 

L'histoire du "Colonel" Edwin Laurentine Drake

Drake et son puits (d'après une huile de l'époque)


J'ai d'ailleurs conté l'une de ces histoires dans l'un des mes livres. C'est celle d'un homme nommé Edwin Laurentine Drake, surnommé "le colonel". Employé des chemins de fer américain, il fut licencié à la suite d'une blessure. En août 1858, avec quelques amis, il fonda une toute petite compagnie cherchant de l'huile de schiste pour les lampes d'éclairage. On ne trouvait alors le pétrole qu'à la surface de certains marécages, et on ne l'utilisait que pour alimenter ces lampes car il donnait une très belle flamme.

Disposant de peu de moyens, Drake acheta une machine à vapeur et une foreuse et décida de creuser un premier puits dans un village américain nommé Titusville, en Pennsylvanie, sur une petite île où l'eau était souillée par des suintements de pétrole. Comme partout ailleurs la boue envahit le puits, anéantissant les efforts. Drake remarqua en chemin des ouvriers qui établissaient une conduite d'eau avec de courts éléments emboîtables. Il décida alors d'en garnir la tige du trépan pour protéger les parois du puits.

La compagnie n'était pas riche et les fonds s'épuisaient. Lorsque le forage atteignit 21,18 mètres, Drake reçu l'ordre d'abandonner les travaux au matin suivant. Et pourtant ce même soir, quelques heures avant la nuit, les deux tâcherons d'Edwin Drake rencontrèrent le pétrole. Le lendemain, premier jour de la nouvelle ère, ils avaient recueilli trois barils d'huile brute. Ils la raffinèrent en éliminant toutes les impuretés dangereuses ou nocives, telles l'essence et les autres éthers volatils pour en faire simplement du pétrole lampant.

L'arrivée du gaz d'éclairage puis celle des lampes électriques ruinèrent Drake qui mourut pauvre. Adoptant son idée de puits gainés d'éléments superposables, ses imitateurs réussirent d'innombrables forages en tous lieux sur la Terre, et firent depuis couler partout des fleuves de pétrole. Cependant, dans le puits de Drake, le pétrole fut trouvé exactement à vingt-et-un mètres de profondeur. Et plus jamais, et nulle part au monde, après ce premier puits, on ne trouva de pétrole aussi prés de la surface du sol.

Ainsi, Edwin Laurentine Drake, "le Colonel", creusa son seul puits en août 1858, et trouva le seul endroit au monde où le pétrole lui était matériellement, financièrement, et personnellement accessible. Quel facteur mystérieux guida ses choix à l'approche des temps de l’automobile? Peut-on imaginer, irrationnellement mais simplement, que le temps était venu de la découverte du pétrole? Drake fut inconsciemment l’instrument synchrone de cette découverte acausale, puis il revint à son destin humain ordinaire. 

 

 

 

Histoire de Mary English

Le Monde est bien plus complexe que nous le pensons


La Britannique Mandy English a réalisé récemment que son fiancé actuel était le jeune garçon qui lui avait envoyé une carte postale 30 ans auparavant, en réponse à la bouteille qu'elle avait jeté à la mer.

A l'âge de 13 ans, lors d'un voyage scolaire en Écosse, la jeune Mandy English voulait se faire des amis, et avait alors décidé d'insérer un message dans une bouteille pour la lancer dans la mer, afin qu'elle trouve un destinataire. Un dénommé Richard, alors âgé de 6 ans, y avait répondu deux ans plus tard. Les deux enfants s'étaient ensuite perdus de vue.

Mais il y a quelque temps, pendant que Mandy English faisait le tri dans ses souvenirs d'enfance, elle a  retrouvé cette carte oubliée. Or, celle-ci était signée par quelqu'un ayant le même prénom que son compagnon actuel. Elle décida d'en parler à son ami, et découvrit alors que celui qui lui avait envoyé la carte signée "Love Richard" et son compagnon actuel Richard Morwood étaient la seule et même personne, rapporte The Sun.

Ce couple a donc découvert un lien mystérieux qui l'a uni pendant près de 30 ans, et dont il ne soupçonnait pas l'existence. La réaction de Mandy English fut à la hauteur de sa surprise : "C’était incroyable. J’ai réalisé qu’il était le petit garçon qui m’avait écrit cette adorable carte postale il y a tant d’années. J’étais tellement sous le choc que je me suis presque évanouie".

 

 

 

Que penser de tout cela ?

 

Essayez donc de calculer les chances pour que tout cela se produise par pur hasard. Il en est de même pour mes deux tableaux. Pourtant, lorsque je tente de communiquer ma surprise, je me rends bien compte du peu d'intérêt véritable qu'éveillent mes propos. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai construit cette page. Il y a trente ans, je pensais fermement que les phénomènes de coïncidence ou de synchronicité étaient extrêmement rares, et je ne croyais absolument pas qu'ils puissent un jour me concerner personnellement.

Or, ce qui rend la situation encore plus surprenante, c'est bien que l'un de ces phénomènes m'a semblé se manifester devant l'individu un peu informé que je suis, apparemment seul capable dans l'environnement décrit, de le relier à la l'étonnante théorie de Jung et Pauli. La rencontre fortuite de ces deux tableaux et de moi même, en un même temps et en un même lieu, m'apparaît être l'un de ces évènements intemporels reliant les êtres, vivants, morts, ou inertes, au travers de canaux encore inconnus.

Lorsque nous portons le gigantesque regard de nos télescopes vers l'infiniment grand, nous y découvrons de nouvelles structures qui englobent le déjà connu dans de nouveaux aspects, toujours plus inaccessibles. Et lorsque nous braquons l'œil démesurément myope de nos microscopes électroniques sur l'infiniment petit, nous y voyons surgir des structures toujours complexes, débouchant sur des organisations tout aussi inaccessibles. Il semble qu'il en soit de même pour les supports vivants de la conscience.