L’aspect initiatique
des contes et des légendes
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Les écoles de mystère font prendre conscience de la
présence de l’homme originel endormi au fond du cœur. Il
est assoupi depuis si longtemps que nous avons oublié sa
présence. Parfois cependant, une émotion l’éveille,
ouvrant une voie permettant d’entendre un instant sa
voix. Parmi toutes les formes de l’art des hommes, la
poésie et la musique portent directement la parole de
cet être mystérieux et secret, mais d’autres chemins
mènent à lui.
Depuis toujours, les enseignements ésotériques nous
révèlent sa présence et sa nature véritable. Ils
dévoilent progressivement aux initiés quel est le sens
des vieux mythes et des antiques traditions, expliquant
ce que signifient les fables et les légendes venues vers
nous du fond des âges. Beaucoup des histoires et des
contes traditionnels contiennent une même révélation
adaptée au lieu du récit, à la civilisation du moment,
ou à la qualité de l’auditeur.
On la trouve même dans les vieux contes de fées. Celui
de la Belle au Bois Dormant, par exemple, raconte dans
un langage pour enfants comment l’âme admirable,
endormie depuis si longtemps dans le donjon d’orgueil,
au coeur de la forêt d’épines de tous les dangers de la
vie terrestre, peut être un jour éveillée par le baiser
d’amour du prince audacieux, le chercheur de vérité. Et
l’histoire de Peau d’âne est construite sur le même
schéma général.
De tous temps, donc, le même message initiatique est
délivré aux chercheurs spirituels en usant des moyens
divers disponibles dans les conditions et possibilités
de l’époque. On a utilisé des allégories littéraires (la
caverne de Platon), des légendes (les Chevaliers de la
Table ronde), des contes, (comme celui de la Belle au
bois dormant), des fabliaux philosophiques (Contes
soufis). Et certains films actuels, (Truman Show, Matrix,
etc..), tentent de le faire.
Dans le conte de l’Oasis, un maître accompagné de son
disciple traverse le désert. Ils aperçoivent une oasis.
Le maître s’assied et dit. Je vais me reposer ici, mais
toi, va jusqu’à l’oasis et apporte moi à boire. Le
disciple va vers l’eau et rencontre une jolie fille. Il
tombe amoureux, l’épouse, lui fait des enfants et vit
une longue vie. Il se souvient un jour du maître laissé
au désert et va pour enterrer ses os. Le maître l’attend
encore et dit. M’apporte-tu à boire ?
Beaucoup de ces récits ne sont pas inventés simplement
pour distraire. Ils nous transmettent une image
symbolique menant à la révélation initiatique enseignée
par la sagesse traditionnelle. Ils représentent notre
destin car nous recherchons tous notre double intérieur
et secret. Et dans le château clos de notre coeur
égoïste, une créature merveilleuse attend toujours le
prince intrépide que nous pouvons être pour qu’enfin,
d’un baiser, il l’éveille.
Avant de développer un peu plus des idées, je voudrais
évoquer les travaux de Mircea Eliade. Ce chercheur,
(1907 + 1986), est l'un des fondateurs de l'histoire
moderne des religions. Au centre de l'expérience
religieuse de l’homme, Eliade situe la notion du
« sacré ». Il nous dit que la fonction du mythe est de
donner une signification au monde et à l'existence
humaine. Grâce au mythe, le monde se laisse enfin saisir
en tant que cosmos parfaitement intelligible.
Considéré comme littérature d’amusement, dit Eliade, le
conte merveilleux contient un scénario d’initiation avec
ses épreuves typiques, la lutte contre le monstre, les
travaux impossibles, le mariage avec la princesse. Il
implique une sorte de mort et de résurrection.
L’initiation est renvoyée dans l’imaginaire. Cependant,
dans la psyché profonde, les scénarios initiatiques
conservent leur fonction et continuent d’opérer des
mutations dans la conscience moderne.
Cette citation permet d’aborder les aspects un peu
techniques de la structure habituelle d’un conte,
sachant aussi qu’ils ne sont pas tous initiatiques.
Ordinairement, le récit ou la fable pédagogique comporte
quatre parties : un exposé de la situation, une montée
de l’action, une chute surprenante, et une morale. C’est
une structure rédactionnelle assez classique. Le conte,
initiatique ou pas, ne comporte que trois phases, la
morale en étant rarement exploitée.
L’enseignement qu’on tire d’une fable est immédiatement
utilisable. Le conte est distrayant. Mais lorsqu’il est
initiatique, son rôle est différent. Il prépare
l’auditeur à l’initiation à venir. En cette attente, le
récit doit être simplement mémorisé. Comme un conte
ordinaire, il raconte l’aventure émouvante de
personnages sympathiques dans des situations étonnantes.
La mémoire est stimulée car le lecteur est ravi.
Survient alors parfois l’instant de l’initiation.
Il est difficile de devenir adulte. Impliquant mort et
résurrection, l’initiation peut être pénible. Le conte
initiatique aussi, meurt et ressuscite. La révélation du
sens anéantit la magie du récit féerique et ses aimables
personnages. L’intelligence initiale du conte
merveilleux est alors à jamais perdue, mais la contre
partie de la perte est l’annonce merveilleuse de la
résurrection. La Belle devient l’Âme endormie et le
Maître soufi est l’Homme Éternel des origines.
Dans le passé, l’initiation revenait probablement à un
mentor familier. Les temps ont changé, et les contenus
ésotériques s’estompent. Quand manque l’initiateur,
c’est aux chercheurs de redécouvrir, par eux-mêmes, le
sens caché des récits merveilleux. Méditons donc aussi
sur un micro conte initiatique, le superbe « logion 29 »
de l’Évangile gnostique de Thomas. Comme chercheurs, il
nous appartient d’en découvrir, de nous-mêmes, la
signification cachée.
Jésus
disait :
« Si la
chair vient à l’existence par l’esprit, c’est une
merveille »
« Mais si l’esprit existe par la chair, c’est la
merveille des merveilles »
Deux petits mots pour
une mise en situation sacrée.
Une sentence pour toute la philosophie grecque après
Platon - L’essence engendre l’existence.
Un renversement pour la problématique humaine – D’où
vient que ce mortel puisse rêver d’éternité.
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