Tous les artistes qui ont illustré ce recueil de poèmes ont
été fusillés sans procès. Ils étaient fils cadets (ou seconds) des grandes
familles de la noblesse russe avant 1917. Cela leur valut la
mort. Fernand Prévost de Belvaux, le poète, sauva sa vie car il était français. C'était leur
professeur de langue et c'était aussi mon grand père. Après la
guerre de 1914, il revint en France avec ce cahier. C'est un
livret relié en cuir noir avec un fermoir et un décor d'argent
ciselé. Dans mes
souvenirs de jeunesse, il était conservé avec soin
dans un écrin protecteur. Il était interdit aux enfants et on ne
le feuilletait qu'avec beaucoup de précautions. Au hasard des
successions, après soixante-dix ans, il me parvient aujourd'hui
nu,
disloqué, râpé, et encore plus fragile. Je n'ai pas
cependant voulu que son contenu soit à jamais perdu comme la mémoire des
jeunes cadets martyrs. Ils ont alors exprimé leur talent
délicat à la simple occasion de l'anniversaire de leur
professeur de français. Chaque image peut être agrandie pour
monter l'élégance et le fini de leur travail. En cliquant sur
les titres, vous accèderez aux textes tellement romantiques des poèmes qui
expriment souvent la détresse de l'exilé. J'y ai joint d'autres
poèmes, du même auteur, trouvés dans des feuillets manuscrits
joints au livret. Il y avait en ces temps un piano ou un violon, un musicien,
un peintre, ou un poète, dans chaque maison. Telle était notre culture européenne, il y a
seulement cent ans, si proche encore, et si loin déjà des tags,
des SMS ou du rap. En revoyant
ces images et ces textes, je prends conscience du recul
culturel accompli, et je l'avoue, je ressens parfois un peu de nostalgie.
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